Publié le 24/09/2024
Depuis 2005 LVN (La Vie Nouvelle, mouvement d’éducation populaire inspiré par le philosophe chrétien Emmanuel Mounier) organise des sessions Lire Ensemble Les Écritures.
Pendant 3 jours des personnes de cultures différentes, chrétiens, musulmans, juifs, agnostiques ou athées, se réunissent pour partager la lecture des textes anciens de la Torah, de la Bible et du Coran. Depuis 2016 des sessions ont lieu au Maroc en collaboration avec une université marocaine.
Cette année nous avons eu la chance de participer au mois de mai à une session à Marrakech avec Yeshaya Dalsace, rabbin, Nicole Fabre, bibliste protestante et Rachid Benzine, islamologue.
La session se déroule sur 3 jours avec l’intervenant qui présente le texte succinctement, le distribue sur papier avec conseils et questions puis chacun se retrouve en groupe de 7/8 personnes de confession différente pour échanger dans une écoute attentive afin de découvrir des Ecrits hors de sa tradition culturelle. Nous pouvons ainsi nous questionner sur nos propres compréhensions. A la fin de cet échange il nous est demandé de revenir en grand groupe avec 1 question, 1 découverte et « 1 cadeau reçu au cours de ces échanges » et non de faire une synthèse, le but étant l’échange lui-même dans le groupe.
Le premier jour nous avons étudié le passage de la Torah sur Yona (Jonas) dans la traduction de Henri Meschonnic, linguiste et poète, qui insiste sur la rythmique et la poétique du texte biblique.
Voici les premières lignes :
Ce texte a posé beaucoup de questions aux participants, particulièrement sur cette forme de traduction. Nous nous sommes interrogés entre autres sur le thème de la destruction, de la séparation, de la solitude, du sens du sacrifice. Yeshaya Dalsace nous dit ensuite :
- Lire c’est d’abord un rythme
- Un texte écouté une fois par an n’est pas écouté
- Lire c’est se mettre à la place de l’autre
- Je ne peux pas lire un texte sans me poser des questions : absence de questions = vivre dans la savane.
Le deuxième jour nous avons échangé sur Luc 10, 25-37 (texte du samaritain) dans une traduction de Sœur Jeanne d’Arc, passage bien connu par les Catholiques et les Protestants mais qui, avec l’échange et les indications de Nicole Fabre nous ont permis une autre compréhension.
Une grande discussion s’est ouverte sur le fait que dans le commentaire du texte il est écrit que dans le livre des Nombres celui qui touche un mort est impur pour 7 jours. Le rabbin n’a pas cette vision des choses et nous a dit que le prêtre et le lévite n’ont pas fait leur « devoir de secours » et que cette interprétation est de source chrétienne…
Nicole Fabre nous indique ensuite :
- Les récits sont là pour nous faire travailler , nous interpeller sur toutes nos projections, nous faire bouger.
- Lire prend du temps.
- Un texte c’est comme une tapisserie, toujours unique.
Le troisième jour nous avons étudié la Sourate 49 Al Hujurât du Coran, texte beaucoup plus difficile pour nous. Nous avons abordé chaque verset en essayant de voir ce qui est abordé dans chacun d’eux : la foi, le lieu de la communauté , reconnaître la vérité, le dialogue, la réconciliation, etc.
- Rachid Benzine nous dit que ce qui est intéressant c’est que nous soyons désorientés :
si vous pensez connaître le texte vous n’avez plus rien à apprendre. - Une bonne lecture doit vous déranger. Si l’on veut que la parole de Dieu soit vivante il faut que quelque chose nous déplace et soit capable de produire de nouveaux sens.
- Si le texte n’a plus rien à dire c’est un texte mort, quand il n’y a plus de révélation il n’y a plus rien.
- Le Coran est un discours dynamique qui veut faire bouger les gens, former les consciences.
Lire Ensemble les Écritures est une expérience enrichissante : redécouvrir, interpréter et partager ces textes avec des personnes d’autres confessions est une grande richesse et ne peut que faciliter le vivre ensemble.
Ce texte a été rédigé par une participante à LLE Marrakech 2024
La prochaine édition de Lire Ensemble les Écritures aura lieu du 24 au 26 janvier 2025 à Lyon