Publié le 08/07/2024
Début janvier, le Monde titrait « 2024, année électorale record » : « L’année qui s’ouvre s’annonce riche en élections, du jamais-vu depuis la création du suffrage universel », la moitié de la population mondiale en âge de voter est appelée aux urnes dans huit des dix Etats les plus peuplés au monde, des pays où la population totale s’élève à 4,1 milliards de personnes (soit la moitié des habitants de la planète). Parmi ces scrutins, entre le 6 et le 9 juin, plus de 370 millions d’Européens ont été appelés aux urnes dans 27 pays pour élire leurs eurodéputés. A cette époque, rien ne prédisait les élections législatives françaises.
En ce début juillet, les regards (pas seulement nationaux) ont été tournés vers les résultats des élections législatives anticipées de la France, qui ont largement détourné l’attention de la scène européenne. Pourtant l’actualité européenne sera lourde de conséquences pour la population des 27 pays qui composent l’UE (5,7 % de la population mondiale et 17 % du PIB mondial, ce qui en fait la troisième puissance économique du monde).
On craignait une poussée majeure des partis populistes-extrémistes lors des élections européennes du 9 juin 2024 : ils ont certes progressé, mais ils gagnent au total moins d’une vingtaine de sièges au Parlement européen. Il est intéressant de remarquer qu’ils ont régressé dans les pays où ils étaient au pouvoir, mais progressé là où ils ne le sont pas encore…
Le parti populaire européen (PPE) reste le premier groupe avec 188 sièges et le parti socialiste européen (PSE) se maintient second avec 136 sièges. Les Liberaux (76) perdent des sièges (du fait notamment du très mauvais résultat de Renaissance en France) ainsi que le groupe des Verts (53) qui perd partout sauf au Danemark). Il semble toutefois que la coalition majoritaire PPE-PSE-Libéraux puisse être reconduite (400/720)
Les différents groupes de droite cherchent à s’étoffer, voire à se recomposer. Une centaine de nouveaux députés non inscrits sont courtisés. Après le ralliement d’un nouveau parti roumain, le groupe des Conservateurs et Réformistes – ECR (84), où siège une forte délégation italienne.
Après s’être séparé des allemands de l’AfD, le groupe Identité et Démocratie – ID (57), dont les Français du RN sont la plus forte délégation, est à la limite de satisfaire les conditions requises pour constituer un groupe qui sont : un minimum de 23 membres issus de 7 pays différents.
Ceci d’autant plus que le Fidesz de Viktor Orbán est actuellement à la manœuvre pour créer une nouvelle alliance avec certains partis extrêmistes issus entre autres de pays d’Europe centrale. Le 8 juillet, après son échec aux législatives françaises, le chef du Rassemblement national, Jordan Bardella, ré-endosse ses activités européennes et annonce qu’il présidera ce groupe « Patriotes pour l’Europe ». Sur plus de 80 membres, 30 sont issus du RN, soit sa plus importante délégation. Ce nouveau groupe va le disputer en importance à ECR pour devenir la troisième force politique du Parlement européen, et reléguer ainsi le groupe des Libéraux à la cinquième place.
Certes, ces deux groupes d’extrême-droite d’à peu près égale importance ont des visions opposées : atlantistes d’un côté, pro-Poutin de l’autre, mais sur des sujets sociétaux, sociaux, environnementaux, l’indépendance de la justice et des médias, l’état de droit…, ils pourraient très bien voter de concert et bloquer un certain nombre de décisions.
Lors de la première session plénière constitutive du nouveau Parlement européen (16-19 juillet), les eurodéputés éliront leur président(e) – Roberta Metsola est en bonne voie d’être reconduite – leurs vice-présidents et leurs questeurs. Les eurodéputés décideront du nombre de députés siégeant dans chaque commission parlementaire, dont ils éliront un peu plus tard les présidents et vice-présidents. On comprend là les raisons pour lesquels chaque groupe politique tend à montrer ses muscles.
Lors du premier semestre 2024, la Belgique a en quelque sorte joué le rôle de « voiture-balais » pour clore nombre de dossiers en instance depuis parfois de longues années. Le 1er juillet, la Hongrie a pris la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne pour six mois dans une période de transition. Viktor Orbàn a commencé à jouer sa partition en solo en se rendant à Moscou, en Chine et en Turquie, sans aucun mandat des 27.
Fin juin, les membres du Conseil européen se sont réunis pour désigner les postes à haut-niveau :
– Antonio Costa pourrait succéder à Charles Michel au poste de Président du Conseil européen à partir du 1er décembre.
– La présidente sortante de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, est proposée pour un deuxième mandat. Elle devra toutefois être élue (à la majorité absolue par un vote à bulletins secrets) par le Parlement européen lors de la première session plénière du 16 au 19 juillet à Strasbourg. Les dirigeants des trois plus grands groupes politiques ont déjà accepté sa nomination. Les Verts pourraient également lui être favorables.
– Kaja Kallas pourrait succéder à Josep Borell au poste de Haut Représentant pour la politique extérieure de l’UE. Elle devra aussi obtenir le soutien d’une majorité de députés lors d’un vote prévu en septembre.
Toutefois, forte de son succès aux élections et de l’importance du groupe ECR au Parlement, lors du sommet, Georgia Meloni s’est abstenue de voter sur la nomination d’Ursula von der Leyen, alors qu’elle a rejeté la candidature de Kaja Kallas.
Les marchandages vont se jouer sur la nomination des commissaires européens (un par pays) et sur le portefeuille attribué à chacun. Les candidats seront auditionnés en octobre-novembre par le Parlement européen. Le processus parlementaire s’achèvera par un vote en plénière, vraisemblablement en décembre, au cours duquel les eurodéputés approuveront (ou non) la composition de la Commission dans son ensemble.
La polémique autour de l’évocation de la reconduction du commissaire français Thierry Breton devrait s’apaiser vu qu’il n’y aura pas de premier ministre RN en France. Toutefois, le score de Mme Meloni la met en position de force pour réclamer un porte-feuille important pour le commissaire italien, alors que la situation sera affaiblie pour le commissaire français.
Une fois levé le risque d’une majorité d’extrême-droite en France, il serait peut-être temps, un mois après les élections du 9 juin, de regarder enfin ce qui va se passer au niveau de l’Europe.
(Chiffres au 5/7/2024)
https://www.touteleurope.eu/institutions/elections-europeennes-2024-qui-sont-les-81-eurodeputes-francais-elus/
https://www.touteleurope.eu/vie-politique-des-etats-membres/elections-europeennes-2024-quelle-repartition-des-sieges-dans-le-futur-parlement-europeen/
Nicole Vaucheret Fondeneige