Publié le 26/04/2024
On ne discute pas le texte de loi, on rappelle juste en quoi elle consiste.
Le texte du projet de loi comporte 2 chapitres (présentation tirée du journal Le Monde)
1 – « Soins d’accompagnement »
Nouveau terme pour désigner la prise en charge précoce de la douleur jusqu’aux soins palliatifs.
Le patient se verra proposer un plan personnalisé ouvrant à des préconisations contre la douleur, mais aussi nutritionnelles, sportives, à un soutien psychologique, à une aide sociale.
2 – « Aide à mourir »
Un médecin gère la demande du malade.
Il commence par proposer les services de soins palliatifs.
Il procède à une étude médicale pour distinguer ce qui relèverait d’un problème médical résoluble (dépression, souffrance, etc.)
Il demande avis d’autres médecin, puis décide.
Il peut opposer une clause de conscience.
Le texte présenté par le gouvernement prévoit 2 modes opératoires :
– La personne s’administre elle-même la substance mortelle (ce qu’on peut appeler le suicide assisté)
– La personne n’est pas en mesure physiquement de le faire et elle demande à un médecin, un infirmier ou une personne volontaire qu’elle désigne de lui administrer le produit (ce qu’on peut appeler l’euthanasie)
Petit détour par la lecture de Montaigne
Essais, Livre II, chapitre 3
Montaigne commence le chapitre en disant : « philosopher, c’est douter… »
1 Montaigne commence par présenter le suicide de façon positive
Il évoque la liberté de choisir
Ne pas craindre la mort, c’est être libre.
Il donne l’exemple d’un enfant capturé et vendu comme esclave : pressé par son maître de s’employer à quelque service abject : « tu verras, dit l’enfant, qui tu as acheté ; ce me serait honte de servir, ayant la liberté si à main. » Et ce disant, il se précipita du haut de la maison.
Dans l’adversité, on peut toujours choisir la mort, qui est une façon d’éviter un sort plus dur ou humiliant.
Il citera surtout Plutarque, Sénèque et Cicéron. « La plus volontaire mort, c’est la plus belle » Sénèque
Puis il émet l’avis contraire : « Ceci ne va pas sans contraste ».
2 Contre le suicide
« plusieurs tiennent que nous ne pouvons abandonner cette garnison du monde sans le commandement exprès de celui qui nous y a mis ; et que c’est à Dieu, qui nous a ici envoyés, non pour nous seulement, mais pour sa gloire et service d’autrui… »
Attendre la mort, accepter la douleur, c’est faire preuve de courage.
« Il y a bien plus de constance à user la chaîne qui nous tient qu’à la rompre… Nuls accidents ne font tourner le dos à la vive vertu ; elle cherche les maux et la douleur comme son aliment. »
3 – A la fin du chapitre, Montaigne relate, non sans une certaine admiration, les mœurs de certaines populations qui pratiquent le suicide.
Revenons au débat actuel :
Où la dignité est-elle impliquée dans l’aide au suicide ?
Mort digne, mourir dignement, mourir dans la dignité ou mourir avec dignité est un concept éthique large, qui fait référence au processus de fin de vie en évitant la souffrance et en préservant le contrôle et l’autonomie de la personne.
La dignité pour le mourant, c’est (ce serait) :
– ne pas être envahi, diminué par la souffrance
– préserver une qualité de vie suffisante, ne pas vivre une vie dégradée, humiliante.
– conserver le pouvoir de décider
– voir sa décision respectée
La dignité pour l’entourage, c’est (ce serait) :
– accomplir courageusement une action pénible.
– respecter la décision du mourant.
– accepter la disparition d’une personne aimée.
– adopter une attitude clairement énoncées (refus de l’hypocrisie du médecin et de la famille qui ferment les yeux).
– suivre une procédure officielle (qui a sa part de solennité)
François Leclerq