Publié le 12/01/2024
«La Société qui vient» sous la direction de Didier FASSIN
Éditions du Seuil, 2022, 1319 p.
Chapitre 39 – Exilés – par Anne-Claire Defossez et Didier Fassin pages 720-735
Les exilés, ce sont des personnes ayant quitté leur pays et par un périple incertain sont arrivés en France. Ils occupent souvent une position sociale très basse, ils sont indésirables et illégaux sur le plan juridique. Parmi les exilés ils possible de définir deux types de situation
- les personnes entamant une nouvelle vie avec un lourd passif
- les personnes restant indéfiniment en situation irrégulière à la merci d’un contrôle
Il n’y a pas de définition précise. Le mot trouve son origine dans exilium qui signifie bannissement, aussi ils sont exclus de la société au sens passif. L’exilé ne fait pas partie d’une catégorie administrative.
Les avatars de la frontière
Les exilés ont en permanence la trace et la menace de la frontière.
Bien que celles-ci n’ont pas toujours existées, leur présence, bien des fois, à pour but de limiter l’entrée et la circulation du territoire européen.
Progressivement une revendication identitaire s’est affirmée pour défendre une Europe chrétienne, blanche et sûre, d’où la fermeture au Sud avec l’Afrique et à l’Est avec le Moyen-Orient dont les populations, furent un temps pour les premiers , une main d’oeuvre indispensable et pour les seconds, une menace avec le terrorisme.
Notons que l’espace Schengen en 1990, permet une libre circulation sauf pour les Bulgares et les Roumains par peur des Roms.
Il s’est installé en Europe une banalisation de la xénophobie avec un rétablissement des frontières intérieures, dont la France a largement utilisé entre 2000 et 2015 (le 1/4 des décisions au niveau européen). Cette crise des frontières a atteint son apogée lorsque en 2018 le gouvernement italien a refusé l’accostage de l’Aquarius. Il en est résulté une crise diplomatique au niveau européen, avec la constitution d’un front souverainiste constitué de l’Allemagne, l’Autriche, la Hongrie, l’Italie, la Pologne, la Slovaquie et la Tchéquie. La solution fut d’externaliser les contrôles en Lybie, Maroc et Turquie.
En 2021 les 3/4 du budget européen consacré aux migrants furent alloués aux retour des exilés, à la gestion des frontières et à l’extension des contrôles. L’agence Frontex a vu ainsi son budget multiplié par 27 en 15 ans, avec un effectifs de gardes frontières de 10.000 personnes. Frontex est l’agence la mieux dotée de l’Union Européenne, mais elle fait l’objet de nombreuses critiques pour atteintes aux droits humains.
Cette logique sécuritaire aboutit à la criminalisation des actions de solidarité.
Le nomadisme sans fin
Aux frontières de l’Europe, au cours de l’histoire, de nombreuses nationalités se sont présentées. Elles sont à l’image de la géopolitique mondiale, impliquant dans de nombreux cas les interventions militaires des grandes puissances. Cette géopolitique, si elle a un rôle majeur, ne doit pas faire oublier les persécutions contre les groupes ethniques, les opposants politiques, les minorités sexuelles, les situations économiques catastrophiques qui également, sont les causes d’une mise en route vers un paradis imaginaire.
Actuellement deux itinéraires sont empruntées :
- la route du Sahara
- la route des Balkans
Si l’on compare par rapport aux réfugiés en provenance de l’Amérique du Sud ou de l’Asie du Sud-Est, les exilés contemporains ont emprunté des itinéraires plus longs (parfois plusieurs années), plus risqués et souvent ils ont été maltraités et sont malvenus dans le pays d’arrivée.
Une privation des droits
Les exilés ont droit à la dignité de la personne : article 1 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne.
Par rapport aux étrangers en situation régulière, les exilés voient leurs droits ne pas être respectés pour deux raisons principales :
- par ignorance
- les agents chargés d’appliquer le droit manquent à leur devoir
Sur le terrain, il est de constater l’insalubrité d’un certain nombre de campements, campements nécessaires puisque les pouvoirs publics n’ont pas la volonté de proposer des solutions et préfèrent détruire les habitats provisoires mise en place, exemple de la jungle à Calais.
La politique française souhaite éviter tout point de fixation, en ce qui concerne les campements, dans le souci de rendre invisible cette population. Il est difficile de ne pas voir une déshumanisation dans le gazage des exilés dans leurs tentes ou leur abris, comme s’il s’agissait d’insectes nuisibles.,
Les mineurs non accompagnés sont les exilés les plus vulnérables avec une évaluation de la minorité sujette à caution, et il y a sans nul doute une dépersonnalisation dans l’examen expéditif des dossiers de mineurs non accompagnés qui se voient non reconnus pour ce qu’ils sont. En cas de non-reconnaissance, ils sont exclus des dispositifs de l’ASE, ce qui les plonge dans le monde de la rue où ils deviennent des proies faciles pour les réseaux de prostitutions, de la drogue.Conclusion
Les exilés sont un phénomène récent, il n’a de parallèle que lors de la sortie de la seconde guerre mondiale. Cette situation fut à l’origine de la signature de la Convention de Genève des réfugiés en 1951, texte qui paradoxalement est bafoué, lorsque l’on voit le traitement appliqué aux exilés actuels.
Quelque soit la répression, quelque soit l’aide financier le phénomène ne s’interrompra pas dans la période à venir. La société française doit s’y préparer de façons responsable. En la matière, le respect de principes éthiques ne s’oppose pas au réalisme politique. Il en est la condition.
Claude Avisse atelier Solidarité Migrants