Billet de Nicole VAUCHERET – « Premier semestre 2024 : présidence belge de l’Union Européenne avant les élections de juin 2024 »

Publié le 15/01/2024

Le jeudi 25 avril 2024, après une dernière session plénière au Parlement européen, les 705 députés européens achèveront les travaux de la 9e législature du Parlement européen, après quasiment cinq années de mandat pour ceux entrés en fonction dès 2019. Les élus qui ont rejoint le Parlement en cours de législature, pour remplacer d’autres qui sont partis, verront eux aussi leur mandat se clôturer.
[Infographie] Le Parlement européen 2019-2024

Avant cela, de nombreux dossiers sont encore en cours :
Plus de 150 chantiers législatifs doivent encore aboutir. Il ne reste donc que quelques mois à la Belgique, qui a pris la présidence tournante du Conseil de l’UE, pour mettre d’accord les Etats membres entre eux et avec le Parlement européen dans des domaines importants.
https://www.touteleurope.eu/l-ue-dans-le-monde/elections-elargissement-migrations-pacte-vert-les-8-gros-dossiers-europeens-de-2024/

1. Consolider le soutien à l’Ukraine

Le 24 février marquera le deuxième anniversaire de l’invasion russe sur le sol ukrainien. Le dossier le plus urgent concerne le nouveau paquet d’assistance financière : la Commission a proposé de fournir 50 milliards d’euros à Kiev sur les quatre prochaines années.
Lors du Conseil européen des 14 et 15 décembre derniers, le Premier ministre hongrois Viktor Orbán a opposé son véto à cette aide. En échange de sa levée, il réclame un déblocage de tous les fonds européens destinés à Budapest mais gelés par la Commission pour cause d’atteintes à l’état de droit en Hongrie. De nouvelles discussions auront lieu le 1er février lors d’un Conseil européen extraordinaire. Quelques mois plus tard, le 11 juin, la deuxième conférence internationale pour la reconstruction de l’Ukraine se tiendra en Allemagne.
Les discussions sur l’aide financière à l’Ukraine s’inscrivent plus largement dans la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel de l’Union européenne. La Commission souhaite le rehausser de 65,8 milliards d’euros d’ici à 2027 afin de faire face aux nouveaux défis (Ukraine, migrations, inflation, technologies stratégiques…). Mais tous les Etats ne s’accordent pas sur ce point.
Lors du Conseil européen de fin d’année dernière, les Vingt-Sept ont en revanche considérablement fait avancer le dossier de l’élargissement. Ils ont ainsi donné leur feu vert au lancement des négociations d’adhésion avec l’Ukraine et la Moldavie (un vote lors duquel Viktor Orbán s’est abstenu). La présidence belge du Conseil de l’UE doit désormais prendre le relais pour lancer officiellement le processus de négociations d’adhésion des deux pays de l’est de l’Europe. Un cadre de négociations pourrait être adopté en mars avant qu’une conférence intergouvernementale ne s’ouvre sur le sujet.

2. Réformer et/ou élargir

On fêtera le 1er mai les vingt ans du grand élargissement de 2004, lors duquel dix nouveaux pays avaient intégré l’Union européenne.
La question de l’ouverture des négociations d’adhésion avec l’Ukraine et la Modalvie va de pair avec des réformes profondes des règles de fonctionnement de l’Union européenne. Objectif affiché : permettre à une Union composée de 30 à 35 Etats membres de fonctionner sans blocages institutionnels. La présidence belge de l’UE doit préparer une feuille de route pour détailler les transformations concrètes nécessaires pour une Europe élargie.
Certains Etats souhaitent boucler cette réforme d’ampleur avant de commencer toute négociation d’adhésion avec de nouveaux membres, tandis que d’autres plaident pour l’urgence d’ouvrir la porte aux Ukrainiens et Moldaves. Côté belge, on estime que les deux dossiers doivent avancer en parallèle et rapidement.
https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_fr-de_reformes_cle036f48.pdf

3. S’affirmer au Moyen-Orient

Le rôle de l’Union européenne vis-à-vis du Moyen-Orient sera, lui aussi, un test de l’unité des 27 quant à la politique extérieure de l’UE menée par le Haut-représentant Josep Borell. Face à ce conflit, l’UE peine en effet à adopter une stratégie commune se limitant au sommet de décembre 2023 à appeler à des pauses humanitaires et à une augmentation de l’aide aux victimes.

4. Conclure sur le Pacte asile et migrations

La présidence belge s’est fixé comme objectif d’arriver à un accord définitif sur le Pacte sur l’asile et les migrations dont le projet avait été présenté en 2020 par la Commission européenne. A l’issue d’un trilogue marathon de deux jours et deux nuits fin décembre, Parlement européen, Commission européenne et Etats membres sont parvenus à s’entendre sur une version (quasi) définitive du texte.
Le pacte prévoit notamment un contrôle renforcé des arrivées de migrants, une accélération du traitement des demandes d’asile, un mécanisme obligatoire de solidarité entre les Vingt-Sept ainsi qu’un mécanisme de crise en cas d’afflux migratoire massif et soudain.
Pour entrer en vigueur, le texte doit être formellement adopté par le Parlement et le Conseil de l’UE dans les prochaines semaines. L’objectif de la présidence belge du Conseil de l’UE est de faire aboutir au plus vite cette vaste réforme de la politique migratoire européenne. Même la vive opposition du Premier ministre hongrois Viktor Orbán ne devrait pas changer le cours des choses, le pacte ne requérant pas l’unanimité des Etats membres pour être adopté.
https://www.touteleurope.eu/societe/asile-et-migrations-dans-l-union-europeenne/

5. Aboutir sur de nouvelles règles budgétaires et l’avenir du marché unique

L’UE pourrait adopter une nouvelle version du Pacte de stabilité et de croissance, Créé en 1997 pour approfondir la coordination des politiques budgétaires nationales, il avait été provisoirement suspendu afin de laisser plus de marges de manœuvre aux gouvernements dans leur réponse aux conséquences de la pandémie de Covid-19 puis de l’invasion russe en Ukraine. Un compromis trouvé entre les Etats membres en décembre dernier doit encore être négocié avec les eurodéputés.
La présidence belge compte par ailleurs faire avancer les travaux concernant l’instrument du marché unique pour les situations d’urgence : proposé après la pandémie, l’outil doit permettre de coordonner la circulation des biens, des services et des travailleurs si une nouvelle crise devait entraîner des fermetures des frontières ou des restrictions économiques. Conseil de l’UE et Parlement européen doivent s’entendre pour faire aboutir le texte.
L’ancien président du Conseil italien Enrico Letta a été chargé de rédiger un rapport dont il doit rendre les conclusions en mars, sur l’avenir du marché unique « qui établira l’équilibre entre les libertés fondamentales du marché intérieur et la construction d’une véritable puissance européenne économique et industrielle ».

6. Réguler le numérique

L’UE a musclé sa législation dans ce domaine en 2023, avec la mise en route du Digital Services Act (DSA), qui s’attaque aux contenus illicites en ligne, et du Digital Markets Act (DMA), destiné à injecter une dose de concurrence dans un marché dominé par les géants du numérique.
Déjà en application pour les plus grandes plateformes comme Facebook, Youtube ou TikTok, le DSA va s’imposer aux autres acteurs du secteur à compter du 17 février. La question de la désinformation en ligne risque d’être particulièrement surveillée lors de la campagne des élections européennes.
L’Union européenne devrait également avancer sur le dossier de régulation de l’intelligence artificielle. Proposé en avril 2021, un règlement a fait l’objet d’un compromis entre eurodéputés et Etats membres début décembre 2023 dont l’objectif est de favoriser l’innovation tout en prévenant les risques liés à l’IA.
Enfin, la directive sur la protection sociale des travailleurs des plateformes doit aussi être formellement adoptée par le Parlement et le Conseil. Un accord trouvé entre les deux colégislateurs en décembre prévoit que de nombreux indépendants soient requalifiés comme salariés lorsqu’ils travaillent pour des entreprises comme Uber, Deliveroo ou TaskRabbit. Mais les négociations semblent depuis bloquées.
Avec la Commission européenne, la présidence belge du Conseil organisera un sommet social à Val Duchesse le 31 janvier, réunissant partenaires sociaux et dirigeants de l’UE. Au programme : la pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs et les conséquences de l’intelligence artificielle sur le travail et l’emploi.

7. Concrétiser le Pacte vert

Priorité d’Ursula von der Leyen en arrivant à la tête de la Commission en 2019, de nombreuses législations ont vu le jour ayant toutes comme objectif principal la neutralité carbone en 2050 : la fin de la vente des voitures thermiques neuves en 2035, la réforme du marché carbone, l’augmentation de l’objectif d’énergies renouvelables.
Chaque Etat membre a notamment jusqu’au 30 juin pour remettre son plan national pour l’énergie et le climat (PNEC), une feuille de route destinée à concrétiser les objectifs climatiques européens.
Des chantiers législatifs restent à finaliser : les emballages, la qualité de l’air ou la réduction des émissions de carbone des camions et des bus, le volet industriel. Le “Net-Zero Industry Act”, visant à relocaliser une partie de la production des technologies propres sur le continent européen est en cours de négociations du côté du Conseil et du Parlement.
Le 6 février surtout, l’exécutif doit formuler une première recommandation pour un nouvel objectif européen de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour 2040. La barre est actuellement fixée à -55 % en 2030, par rapport à 1990.

Pour consulter le dernier « Billet sur l’Europe » au format PDF, cliquez sur le lien:

Partager cet article :

S'inscrire à la newsletter

Newsletter

Suivez l'actualité de l'Association LVN avec la lettre d'information trimestrielle