Résumé – Chapitre 7 – CROISSANCE – « LA SOCIÉTÉ QUI VIENT » DIDIER FASSIN

La societe qui vient - Didier Fassin - Résumés LVN

Publié le 23/01/2023

« La Société qui vient »
sous la direction de Didier FASSIN
éditions du Seuil, 2022, 1319 p.

Chapitre 7- Croissance par Florence Jany-Catrice et Dominique Méda. Pages 150 à 166

Le terme de croissance est associé à des valeurs positives : on parle des « trente glorieuses » pour
désigner une période de forte croissance économique en France. Le doute est venu dans le rapport des Meadows
en 1972 Limits to Growth. On parle désormais de l’Anthropocène pour désigner notre époque, où l’humain est
identifié comme une force menaçant la survie de différentes espèces sur terre. Mais qui est responsable et
devrait réparer ? Et peut-on séparer la croissance de son qualificatif « économique », en recherchant celle du
bien- être collectif ?

Croissance et progrès : une assimilation précoce.

Selon Angus Madison, de l’an 1000 jusqu’à 1820 environ, la croissance du revenu par habitant a été très
lente, de l’ordre de 50%, la population ayant été multipliée par 4 ; depuis 1820, le revenu par habitant a
augmenté plus de 8 fois, et la population plus de 5 fois. Dès le début du 18ème siècle, Mandeville (La fable des
abeilles) écrit que « l’envie de voir tous ses désirs satisfaits est bonne » et que « la frugalité est une vertu oisive et
rêveuse ». En 1837, Jean-Baptiste Say affirme « qu’en cherchant à borner nos désirs, on approche
involontairement l’homme de la brute ». Au 20ème siècle, la croissance devient la marque de la puissance, mesurée
de mieux en mieux (cf. la comptabilité nationale). Jean Fourastié considère la croissance du PIB comme la
meilleure des choses. Bertrand de Jouvenel pourtant, dès 1958, s’interroge sur les limites d’un indicateur, le PIB,
qui compte pour zéro de nombreuses activités essentielles pour la reproduction des conditions de vie.

Le retournement : les dégâts de la croissance.

Rédigé à la demande du club de Rome en 1972, le rapport des Meadows émet un doute sur les vertus de
la croissance. Au même moment, James Tobin et William Nordhaus produisent des indicateurs alternatifs
suggérant que la croissance du bien-être économique soutenable est plus lente que la croissance économique par
habitant. La montée du chômage de masse dans les années 1970, a entraîné une mise en veilleuse de ces travaux,
tandis qu’en 1987, Gro Brundtland (Our common future) introduit la notion de « développement durable », en
réaction critique aux politiques d’austérité du FMI et de la banque mondiale. Le PNUD (programme des nations
Unies pour le développement) met au point dès 1990 un « indice de développement humain » (IDH) qui nuance
les bienfaits de la croissance. Au même moment, un indicateur d’empreinte écologique est élaboré par des
réseaux d’alerte citoyens. Toujours en 1990, sort le premier rapport du GIEC (groupe d’experts
intergouvernementaux sur l’évolution du climat), créé en 1980 par le G7. Il lance une alerte sur l’accroissement
considérable de la concentration des gaz à effet de serre et les risques de son irréversibilité. Rockström définit
neuf limites qui dessinent l’espace dans lequel l’humanité peut être active sans contrarier les écosystèmes, en
constatant que 3 sont déjà franchies (changement climatique, perte de biodiversité notamment). En 2000, le
chimiste Paul Crutzen introduit le terme d’«anthropocène » (par opposition à l’«holocène ») où l’humain devient
une force géologique menaçante. Mais il est critiqué pour n’avoir pas pris en compte les inégalités entre les
individus ni le rôle explicite joué par l’économie et le capital dans les causes de la situation (on pourrait parler
d’« économocène » ou de « capitalocène »). La majorité des macroéconomistes persistent à penser que le
progrès technique permettra à terme de résoudre ces problèmes et mettent en avant la notion de « croissance
endogène ». De même, le concept de « croissance verte » apparaît comme une harmonie possible entre
croissance et écologie ; dénoncé comme un mythe, ce concept est critiqué par d’autres comme simple
perspective de profits futurs grâce à des investissements dans des « écoactivités ».

Que faut-il faire ? Croître ou décroître ?

Découpler la croissance économique de ses effets négatifs, au-delà d’une meilleure efficacité de la production en
réduisant par exemple la consommation d’énergie ou les rejets polluants, exige des conditions drastiques. Il
faudrait raisonnablement que les plus gros producteurs d’EGES (émissions de gaz à effet de serre) s’engagent
dans une décroissance de leur consommation et adoptent des pratiques de sobriété, assorties d’une plus grande
solidarité et de la satisfaction des besoins sociaux. Une telle perspective est difficile à mettre en oeuvre dans un
seul pays. Elle risque de peser fortement sur l’emploi dans certains secteurs. Une décroissance conjoncturelle non
planifiée risque d’aggraver les inégalités. Il faudrait une forme de sevrage et de désintoxication dans les modes de
consommation et de production, une sagesse dans ces domaines, autant dire une forme d’économie morale. Cela
suppose de rompre avec la représentation d’un humain radicalement séparé de la nature ; mais il faut aussi
changer d’indicateurs. Le président Sarkozy a mis en place en 2008 une commission sur la mesure des
performances économiques et du progrès social, avec la participation de sommités du monde économique. Il en
est résulté un débat utile dans la société, une loi sur « les nouveaux indicateurs de richesse » votée en 2015, dont
la mise en oeuvre s’avérera vide de contenu…

Vers une société postcroissance ?

Est-il possible pour une société de ne pas viser exclusivement une croissance de son résultat et pour un pays de
ne pas viser la croissance de son PIB ? Une stagnation séculaire peut-elle permettre une forte redistribution du
revenu et faire accéder les plus défavorisés à un niveau de vie digne ? peut-on poursuivre une augmentation des
gains de qualité et de durabilité, au lieu des seules quantités ?

Il faut pour y parvenir créer de nombreux emplois dans la rénovation des logements en un temps record,
améliorer les infrastructures de transport, développer l’agroécologie…ce qui exige des choix délibérés et une
planification. Les emplois en question seront moins pénibles et plus utiles.

La charte de l’Atlantique, les rapports Beveridge, les préconisations du conseil national de la résistance, la
déclaration de Philadelphie, mais aussi la création du commissariat au Plan… ont permis de concrétiser des
espérances a priori utopiques. En s’appuyant sur l’Etat mais aussi en développant les dynamiques de subsidiarité,
la territorialité et le travail avec les citoyens, on peut mettre en oeuvre un projet enthousiasmant.

« je ne vois pas pourquoi il y aurait lieu de se féliciter de ce que des individus déjà plus riches qu’il n’est besoin
doublent la faculté de consommer des choses qui ne leur procurent que peu ou point de plaisir…c’est seulement
dans les pays arriérés que l’accroissement de la production a encore quelque importance : dans ceux qui sont plus
avancés, on a bien plus besoin d’une distribution meilleure » (John Stuart Mill, 1848, principes d’économie
politique).

Christian Rollet – Atelier Solidarité Migrants LVN

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