Publié le 01/05/2021
Pour mon billet sur l’Europe du mois de mai, afin d’attirer l’attention sur le sommet de Porto qui se réunira en fin de semaine, je souhaite reprendre le texte de Sébastien Maillard, Directeur de l’Institut Jacques Delors. En complément, j’invite les lecteurs à se rendre sur la page https://institutdelors.eu/
Un sommet social, cela n’arrive pas tous les ans. Celui organisé à Porto les 7 et 8 mai se veut le point d’orgue de la présidence portugaise du Conseil de l’UE conduite par Antonio Costa. Bien sûr, la déclaration finale qu’adopteront les 27 chefs d’Etat et de gouvernement devra trouver un compromis entre dirigeants volontaristes, français compris, sur l’Europe sociale et dirigeants, surtout du Nord, à cheval sur le respect de la subsidiarité devant des questions relevant pour l’essentiel de la compétence nationale. En particulier s’agissant de l’évolution des salaires minimums.
Mais, au-delà de ces divergences traditionnelles, la tenue d’un sommet européen sur deux jours entièrement dédié au social envoie déjà en soi un message. Ce rendez-vous n’en compte pas d’autre semblable ailleurs dans le monde. Il est une marque de fabrique européenne. A l’image des dépenses de protection sociale, qui représentent, au total, plus de 28% du PIB de l’Union à 27. Cela comprend les prestations vieillesse, maladie, familiales, chômage, logement et contre l’exclusion, qui composent diversement un « modèle social européen » envié.
Le recours dans la plupart des pays européens au chômage partiel, pour certains grâce à l’appui d’un soutien européen créé de toute pièce au début du Covid (l’instrument Sure), constitue un tour de force discret mais efficace pour limiter la hausse du chômage. Et signe un autre trait distinctif de l’Europe.
Le sommet envoie aussi un message par ceux-là même qu’il réunit. Outre les dirigeants nationaux et européens, il rassemble patronats, syndicats et autres partenaires sociaux et acteurs de la société civile. L’Europe sociale n’est, par définition, jamais l’affaire des seuls élus politiques et des institutions européennes. Elle se définit et se façonne avec les corps intermédiaires.
La concertation entre tous ces protagonistes est indispensable devant les bouleversements qu’a révélés ou accélérés la crise du Covid-19. Celle-ci a d’abord manifesté la solidarité envers les plus âgés. Elle a mis en avant la place vitale des « travailleurs essentiels » pour faire tourner nos économies. Elle a montré à la fois les prouesses et les limites de nos systèmes de soins de santé. Elle a répandu le recours au télétravail. Elle a aiguisé les inégalités de logement et accru la pauvreté. Elle a déboussolé les jeunes.
Le sommet de Porto manifeste donc à la fois l’identité sociale propre à l’Union européenne et son visage abîmé à réparer. Un visage éprouvé par la pandémie, qui n’a pas à rougir de toute l’aide déployée mais qui doit encore maintenir cette aide avant de pouvoir retrouver le sourire. Un visage inquiet aussi devant les autres grands défis à forte résonance sociale lancés aux nouvelles générations, comme l’urgence climatique et le vieillissement démographique. Du sommet social à la Conférence sur l’avenir de l’Europe, qui commencera le 9 mai à Strasbourg, est ainsi posé un cadre délibératif continu, où diagnostiquer l’état de la situation et esquisser des remèdes. Sans se voiler la face.