Publié le 28/07/2020
Zététique (du grec zetetikos : qui cherche / curieux). La zététique consiste à questionner les raisons pour lesquelles nous pensons que quelque chose est vrai.
Nous avons été assez consternées en recevant de la part d’amis un nombre important de vidéos, posts de blogs dont les auteurs nous étaient inconnus jusque-là. Certains nous alertaient sur la construction d’une « psychose » autour de la gravité du coronavirus générée par les gouvernements, d’autres sur un complot (sans que le terme soit employé). Ils encourageaient de « saines » réactions de colère, de dénonciation de cette manipulation de masse et de résistance à nos dirigeants (en dénonçant le confinement, ou en refusant un vaccin à venir, les masques inutiles, les tests suspects ou encore, pour les médecins, la participation au dépistage post-confinement via le contact tracing – et l’on ne parle pas ici de l’application stop covid). Cet article est une invitation à entretenir notre sens critique avant d’appuyer sur le bouton « partager » d’une vidéo qui nous interpelle, à partir de quelques exemples reçus.
[orange fonce]«En plus d’une pandémie de maladies, nous avons une infodémie !»[/orange fonce]
Dès le 2 février 2020 l’OMS lançait une alerte : « en plus d’une épidémie de maladies, nous avons une infodémie », ou circulation de rumeurs et de fausses informations . Selon une étude canadienne de mars 2020, sur les 150 vidéos en anglais les plus visionnées sur le Covid-19, un quart contenait des informations trompeuses. Il pouvait s’agir de contenus racistes ou homophobes, mais aussi de mésinformations médicales sur l’étendue de l’épidémie, la fin de l’épidémie, ou le mode de transmission du virus (par exemple via la 5G !), l’utilisation de médicaments ou de remèdes présentés comme d’efficacité prouvée, ou encore de théories du complot (par exemple la création du virus par l’homme en laboratoire, par les Chinois, les Américains ou Bill Gates) . Or la diffusion de fausses informations est bien plus rapide et étendue que celle d’informations valides, soulignaient déjà trois chercheurs dans une étude parue en 2018 dans Science . Comme le rappelle le sociologue des médias Julien Lecomte, « la fiabilité n’est pas toujours la valeur première dans la circulation de l’information » . Puissance des émotions véhiculées, divertissement, biais de confirmation, occasion de réaffirmer notre positionnement ou notre vision du monde, goût du frisson ou beau rôle « d’avertir », de faire savoir ce qui était caché… les raisons de faire circuler des informations sensationnelles ou alarmistes, infondées, fausses ou mal vérifiées sont malheureusement multiples.
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«La quantité d’énergie nécessaire pour réfuter du baratin
est beaucoup plus importante que celle qui a permis de le créer »[/orange fonce]
Face à l’avalanche de posts et de vidéos dans nos messageries, nous nous sommes rendu compte que la déconstruction d’une information incertaine, voire fausse, était plus longue que son élaboration et sa diffusion. C’est ce que l’on appelle « la loi de Brandolini », du nom d’un programmeur italien qui l’a formulée ainsi en 2013 : « La quantité d’énergie nécessaire pour réfuter du baratin est beaucoup plus importante que celle qui a permis de le créer » . La déconstruction scientifique des fausses informations demeure cependant indispensable, pour apporter une réponse coordonnée sur les médias sociaux et les sites Internet, qui tendent à remplacer la presse comme source d’information, mais manquent de contrôle de qualité .
Il est tout d’abord nécessaire de vérifier qui est l’auteur d’une information – si attrayante qu’elle nous apparaisse – et à partir de quelle position celui-ci parle (ce qui n’est pas toujours fait par les journalistes eux-mêmes). Il semble également important de porter attention à la nature du message et à la raison pour laquelle il nous interpelle : s’agit-il de son aspect rassurant ou au contraire générateur d’une alerte par rapport à un danger qu’il est indispensable de relayer, son originalité par rapport au consensus ou à l’état des connaissances actuel sur une question ? La nature et la forme de l’argumentaire invoqués à l’appui de ce message nécessitent enfin d’être questionnées pour savoir si nous nous trouvons dans le cadre d’une vérité d’opinion ou de raison. (…)