Un nouveau financement pour le secteur associatif et social

Publié le 27/03/2017

Jean-Claude Boutôt
Groupe LVN de la Vallée de la Bièvre

Dans un contexte de restriction forte des budgets publics, de nouveaux instruments de financement des programmes de résolution de problèmes sociaux ont été développés à partir des années 2010, dans plusieurs pays anglo-saxons : ce sont les « Social Impact Bonds » (« obligations » à impact social), ou SIB. Elles visent à ce que des actions d’utilité sociale soient préfinancées par des partenaires privés ou des fonds d’investissement, avec un remboursement public voire une plus-value, à un terme fixé, conditionnés par les résultats de l’initiative menée par un opérateur social convenu.
Si elles ouvrent l’accès à des ressources nouvelles tout en permettant à des acteurs de la société civile d’élargir leur action voire d’expérimenter de nouvelles méthodes, n’en posent pas moins beaucoup de questions. Nul ne sait quel rôle elles vont jouer à l’avenir.
En France, de premiers « Contrats à Impact Social », adaptés des Social Impact Bonds ont donné lieu à un appel d’offre le 15 mars 2016.


De quoi s’agit-il ?
Il s’agit d’un nouveau type de Partenariat Public-Privé. Un acteur privé passe un contrat avec un acteur public. Il s’engage ainsi à financer une action sociale déterminée. En échange, de son côté l’acteur public s’engage à rembourser les sommes perçues et à verser un intérêt selon que les résultats définis au contrat sont atteints.
Les pouvoirs publics ont besoin d’argent pour financer l’action sociale, les entreprises et fonds privés d’investissement ont de l’argent et peuvent souhaiter s’investir dans ces projets (dans le cadre de la Responsabilité Sociale des Entreprise notamment. )
L’idée est donc de mettre en contact ces acteurs afin que les fonds privés puissent servir l’intérêt public.

D’où proviendrait la capacité de l’acteur public lui permettant de rembourser, voire de payer en outre un intérêt, à l’acteur privé financeur ?
L’idée est que l’action sociale dite de « remédiation » coûte cher, et que prévenir ou résoudre une situation qui contraint à financer des aides sociales permet à terme, si les résultats attendus sont atteints, de faire des économies. Celles-ci permettront de rembourser les fonds injectés par le ou les investisseurs pour conduire les actions de terrain des associations, autres organisme, prestataires de services. Ainsi la lutte contre l’alcoolisme est sensée faire baisser les dépenses de santé et d’autres coût sociaux et dégage donc à terme des moyens.

Cette « innovation » ne va pas sans soulever des questions
1 – Elle repose sur une « culture du résultat » pour mesurer l’efficacité et déterminer la rémunération.
Pourquoi pas, puisqu’il s’agit de rechercher l’efficacité. Mais apparaissent deux difficultés.
Comment mesurer le résultat, l’impact social : sur quels critères ? Qui fera la mesure ? Les évaluateurs seront-ils réellement indépendants des investisseurs ? Tous les indicateurs et outils de mesure n’existent pas encore, et tout ne se mesure pas.
La logique du financement risque de renforcer une logique du résultat quantifié et du court terme, qui n’est pas toujours compatible avec l’efficacité sociale. Cela pourrait réduire la capacité de ces actions de s’ancrer sur le long terme, sous forme de partenariats durables et solides.

2 – Vers une privatisation de l’action sociale
L’intervention de certains acteurs et/ou financeurs privé dans le secteur social n’est pas nouvelle (fondations, mécènes, générosité philantrope…) mais à but non lucratif et en complément, en association, lien avec l’action publique qui reste fortement impliquée.
On peut craindre que le financement de l’action sociale devienne désormais moins une priorité du secteur public et qu’il s’y investisse moins, en termes d’accompagnement et de recherche de l’intérêt général.

3 – Les contrats à impact social vont-ils mener à une compétition dans l’action sociale ?
Les actions et secteurs dont les résultats seront les plus facilement accessibles et/ou mesurables (pas forcément les plus efficaces à terme ou importants en terme d’impact) risquent d’être en compétition, certains risquent d’être abandonnées par les investisseurs. L’État soutiendra-t-il alors de son côté ces actions moins « finançables » ?

4 – Qui supporte le risque ?
Est-ce les associations engagées sur le projet ? Est-ce le financeur ? Est-ce le donneur d’ordre (l’acteur public) ?
Puisqu’il s’agit d’un contrat, qui est responsable si les objectifs ne sont pas atteints – et qui est susceptible de faire l’objet de pressions (notamment de la part des investisseurs qui veulent récupérer leur mise) ? Difficile de répondre dans le contexte d’une action sociale qui ne se prête pas forcément à des analyses quantitatives et causales de ce type.

5 – Quel avenir ?
D’après Finansol (Sophie des Mazery) : « Il ne faut pas surestimer les possibilités. Les sommes agrégées par les contrats à impact social dans le monde s’élèvent à 200 millions d’euro depuis 2011, en France la finance solidaire c’est 300 millions par an. »

Sitographie
– Collectif des Associations Citoyennes :
http://www.associations-citoyennes.net/?page_id=5286
http://www.associations-citoyennes.net/wp-content/uploads/2016/05/CAC-LivretSIB-mai2016.pdf
– Haut Conseil de la Vie Associative http://www.associations.gouv.fr/IMG/pdf/Avis_du_HCVA_relatif_a_l_appel_a_projets_SIB_02-03-2016.pdf
– Le Mouvement Associatif

L’appel à projets contrat à impact social ne doit pas enterrer le débat de fond


Alternatives Economiques
http://alternatives-economiques.fr/blogs/jdughera/2016/03/18/contrat-a-impact-social-un-dossier-light-pour-du-lourd/
Le Monde
http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/03/10/quand-le-social-finance-les-banques-et-les-multinationales_4880783_3232.html
La Tribune
http://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/les-social-impact-bonds-sont-ils-compatibles-avec-la-culture-francaise-561075.html
Libération
http://www.liberation.fr/futurs/2016/02/21/les-obligations-a-impact-social-vont-debarquer-en-france_1434928

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