Publié le 27/03/2017
Par Thérèse Locoh, atelier Pour un avenir solidaire de LVN
On le savait, les femmes tunisiennes sont une des grandes forces du pays, mais quand on les rencontre, on le comprend encore mieux. Elles nous impressionnent, ces militantes que nous retrouvons au siège de l’Association tunisienne des Femmes démocrates (ATFD). Première fierté, elles l’ont acheté, ce « siège », certes modeste mais bien à elles, malgré toutes les difficultés rencontrées au fil de leur déjà longue vie militante. Fierté ensuite de toutes ces initiatives qu’elles portent à bout de bras.
Sur tous les fronts : de la « commission femmes » à la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme…
Dans les premières années de leur combat elles ont d’abord choisi d’être présentes et actives dans diverses institutions, sans avoir elles-mêmes un statut déclaré, à l’Union Générale des Travailleurs Tunisiens (UGTT), où elles avaient initié une « commission femmes », à la Ligue tunisienne des Droits de l’homme, etc. Elles ont ensuite créé une revue, enfin, en 1989, elles ont instauré leur propre structure, d’abord sans vraiment de moyens : « L’indépendance, ça se paie », leur disait-on, en leur refusant des subventions auxquelles elles pouvaient prétendre, comme d’autres associations. Puis, peu à peu, avec l’aide de fondations internationales et surtout beaucoup de bénévolat, les activités de l’ATFD ont pris leur essor. Avec l’ambition d’être sur tous les fronts : éducation, monde du travail, lutte contre les violences, droits socio-économiques des femmes, et aussi défense de la séparation des sphères politique et religieuse, en un mot d’une laïcité ouverte.
Dans la société tunisienne, il y a certes un Code du statut personnel, unique en pays arabe, initié par Bourguiba en 1956, et jamais renié depuis, mais l’écart est grand entre les principes énoncés et le quotidien de la société. La vigilance et les combats des féministes doivent être de tous les instants. Alors elles sont mobilisées et, sans se payer de mots, s’engagent. Elles ouvrent un centre d’écoute pour les femmes victimes de violences, elles les aident sur le plan psychologique et juridique. Elles appuient l’association « Beyti « qui assure un accueil dans la médina pour héberger certaines de ces femmes et leurs enfants. Elles organisent des portes ouvertes, initient des enquêtes et en publient les résultats, proposent une « université féministe » ouverte à tous, imaginent des spectacles, des pièces de théâtre pour populariser les thèmes liés à l’égalité entre les sexes. En 2017, prochain spectacle prévu, une pièce sur l’égalité devant l’héritage ! Sujet tabou s’il en est dans toutes les sociétés musulmanes.
… aux premières lignes de la lutte pour la démocratie
Depuis la révolution de 2011 les femmes sont en première ligne des luttes pour la démocratie. Tous, en Tunisie, le reconnaissent. Elles ont été présentes et influentes dans les instances préliminaires de la Constituante, puis dans la rédaction de la nouvelle Constitution. Souad Triki, co-fondatrice de l’ATFD, a été vice-présidente de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE). Les associations de défense des Droits des femmes ont réussi à imposer, dans la nouvelle constitution, le principe de l’égalité entre hommes et femmes, et non la « complémentarité », que voulaient imposer ceux qui ne veulent pas avaliser le principe de l’égalité fondamentale entre les sexes. Dans l’Assemblée des représentants du Peuple, élue en 2014, il y a désormais 31,3 % de femmes. La présence des femmes en général et des membres de l’ATFD en particulier reste néanmoins relativement modeste dans les instances de décision et de contrôle des institutions démocratiques qu’elles ont contribué à créer.
A l’ATFD on est constamment en train d’écrire de nouvelles pages, de bâtir de nouveaux projets pour faire avancer l’égalité… Et la formation et plus largement la culture, en sont les fondations. Devant le succès de l’université féministe qui, depuis plusieurs années, attire de plus en plus d’auditeurs, hommes et femmes, l’idée d’une Université féministe d’été, avec de nouvelles ambitions, a pris corps. Peut-être verra-t-elle le jour en 2017 ? Peut-être les groupes de LVN intéressés par l’entreprise pourraient-ils y participer ? C’est, en tout cas un champ prometteur pour des partenariats à venir.