Débat citoyen planétaire sur le climat et l’énergie

Publié le 20/10/2016

Jean-Claude Boutemy, comité de rédaction

Le titre parait incroyable, et pourtant c’est vrai. Cela s’est produit le 6 juin 2015. Ce jour-là 10 000 citoyens ont débattu du climat dans 76 pays. Cette initiative de délibération démocratique mondiale a été soutenue par quatre organisations indépendantes : le secrétariat de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC), la Danish Board of Technology Foundation (Danemark), Missions Publiques (France) et la Commission nationale du débat public (CNDP), autorité administrative indépendante française.
Le but de ce projet : donner la parole aux citoyens en amont de la COP21, considérant que la lutte contre le réchauffement climatique n’est pas seulement l’affaire des gouvernements et des négociateurs, mais bien de tous.
Comment ça marche et pour quels résultats ?


Le titre parait incroyable, et pourtant c’est vrai. Cela s’est produit le 6 juin 2015. Ce jour-là 10 000 citoyens ont débattu du climat dans 76 pays. Cette initiative de délibération démocratique mondiale a été soutenue par quatre organisations indépendantes : le secrétariat de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC), la Danish Board of Technology Foundation (Danemark), Missions Publiques (France) et la Commission nationale du débat public (CNDP), autorité administrative indépendante française.
Le but de ce projet : donner la parole aux citoyens en amont de la COP21, considérant que la lutte contre le réchauffement climatique n’est pas seulement l’affaire des gouvernements et des négociateurs, mais bien de tous.
Comment ça marche et pour quels résultats ?

La méthode
L’objectif n’était pas de réaliser une enquête, ou un simple sondage. Il s’agissait de recueillir l’avis de citoyens, à la fois représentatifs et aussi éclairés. Pour cela, dans chaque pays, 100 citoyennes et citoyens représentatifs de leur population (parité, âge, catégorie socioprofessionnelle) ont été réunis sur une journée entière.
Au préalable (quelques semaines avant), des documents préparatoires d’information objective et contradictoire leur avaient été fournis. Détaillant avantages, inconvénients, différents points de vue sur les politiques, les mesures et les objectifs climatiques et énergétiques. Le matin du 6 juin, cinq vidéos pédagogiques ont rappelé à tous l’essentiel de la problématique, puis les citoyens informés ont travaillé par groupes de six à huit, sur les cinq thèmes de la COP de Paris, en mixant les personnes d’un thème à l’autre, pour varier les dynamiques de parole. En fin de journée seulement, ils ont répondu à 30 questions, savamment préparées et exploitées pour donner des résultats comparables entre pays.
Ces débats locaux étaient menés par différentes organisations non gouvernementales (universités, collectivités, associations, etc.) et se sont tenus dans 30 pays d’Afrique, 15 pays d’Amérique, 18 pays d’Asie/Océanie, 13 pays d’Europe – et y compris dans 13 îles.
Cette méthode est relativement éprouvée, elle a été pratiquée à plusieurs reprises : en 2009, en préparation du sommet COP15 sur le climat, en 2012, du Sommet des parties 12, Sommet sur la biodiversité et aussi à l’occasion du Débat National Français sur la transition énergétique.
Les résultats détaillés sont disponibles en 35 langues sur le site :
http://climateandenergy.wwviews.org/lang-fr/resultats/

Que nous disent ces citoyens à l’issue de ces débats ?
J’engage bien entendu le lecteur à consulter ces synthèses, bien présentées, pour se faire un avis personnel. Pour ma part j’en retiens une impression plutôt positive sur l’intelligence collective et la maturité de nos concitoyens de par le monde, pour peu que le travail d’information ait été correctement initié (les médias ne nous y aident pas toujours !).
En effet, à l’issue de ce processus, les personnes se révèlent beaucoup plus impliquées sur ce sujet que bien des gouvernements ne le prétendent. 78 % de ces citoyens de par le monde se sentent « très concernés » par les changements climatiques. Ils vivent majoritairement (les deux tiers) les mesures pour lutter contre les changements climatiques comme une « opportunité pour améliorer notre qualité de vie ». Ils estiment insuffisants (à 71 %) les résultats des négociations des Nations Unies sur le climat depuis 1992.
Concernant les outils pour lutter contre les changements climatiques, ils sont globalement favorables (à 88 %) à une taxe carbone. Ils souhaitent (à 45 %) que l’on arrête toute exploration pour trouver des combustibles fossiles. Ils apprécient diversement leur politique nationale : 44 % des citoyens du monde estiment que « le changement climatique est une priorité nationale et c’est normal » (seulement 25 % en France), et 46 % qu’elle ne l’est pas mais devrait l’être (65 % en France). Enfin 79 % des citoyens considèrent que leur pays devrait prendre des mesures afin de réduire ses émissions de gaz à effet de serre, même si beaucoup d’autres pays ne s’y engagent pas.
Concernant les engagements en faveur du climat, 50 % des citoyens participants demandent que chaque pays ait le droit d’examiner les rapports des autres pays sur leurs efforts d’adaptation ou d’atténuation. 71 % estiment qu’un accord à Paris devrait comporter des objectifs nationaux à court terme, juridiquement contraignants pour tous les pays. Et 90 % des citoyens du monde pensent que tous les pays devraient publier un rapport annuel sur leurs émissions et les progrès réalisés.
Sur cet évènement 91 % des citoyens ont été globalement satisfaits de l’organisation de cette consultation. Et 97 % demandent que des processus analogues soient utilisés pour traiter d’autres sujets ou des sujets similaires.

Et après ?
Les points de vue des citoyens peuvent surprendre par leur lucidité, leur clairvoyance et leur ambition, réalité qui n’apparait pas souvent sur nos écrans de télévision. Ils ont de quoi réjouir les écologistes de tous bords, en attente probablement d’une traduction effective dans les urnes.
Ce type de consultation, qui n’a rien d’un sondage même statistiquement sophistiqué, met en lumière deux éléments essentiels au processus démocratique.
Le premier est l’importance d’une information préalable et de qualité. D’ailleurs 78 % de ce panel mondial estime que les programmes éducatifs destinés au grand public sont un outil privilégié pour réduire les émissions de gaz à effets de serre.
Le second est la richesse du débat, lorsqu’il a lieu entre personnes cherchant ensemble à élaborer ce bien commun, sans pollution venant d’intérêts particuliers ou de rivalités subalternes. Les acteurs politiques seraient bien inspirés d’en tenir compte et de pratiquer davantage.

Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, a déclaré : « Ce 6 juin est une grande journée de mobilisation climatique et démocratique. Ce n’est pas une journée sans lendemain, pas une fin mais un commencement ».
Enfin, pour conclure, il faut citer Stéphane Rozès, président de la société CAP, enseignant à Sciences Po et HEC, (citation extraite, comme l’ensemble des données de cet article, du dossier de synthèse du CNDP, commission nationale du débat public) :
« Au cours du débat, chaque individu est devenu citoyen du monde […]. Notre vulnérabilité est une chance. Le changement climatique nous permet de réaliser à la fois nos différences et notre interdépendance. La ferveur des débats l’a attesté ; seuls l’échange, le débat, permettent une meilleure connaissance de soi, des autres et nous rassemblent. Les gouvernants peuvent s’en inspirer pour faire vivre notre patrimoine commun qui peut donner une âme au monde. Les citoyens du monde y sont prêts. »

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