Publié le 20/10/2016
Odile Boutemy, groupe de Toulouse
J’ai eu la chance d’assister à une conférence passionnante de Jacques Testart, centrée sur la recherche d’une meilleure pratique démocratique.
Il a rapidement rappelé sa carrière de chercheur, qui l’a amené à expérimenter la procréation artificielle d’abord chez l’animal puis chez l’homme (il est le père scientifique du premier bébé éprouvette français, né en 1982). Mais à partir de cette prouesse technoscientifique qui lui semblait ouvrir la porte à beaucoup de dérives possibles, il s’est posé une question devenue fondamentale pour lui : Qui va décider de la suite ? Les chercheurs financés par les industriels, l’État influencé par les lobbys, ou les citoyens ?
Bien sûr, son choix portait sur les citoyens ; mais comment s’y prendre pour que ces derniers puissent s’emparer de ces questions décisives et proposer des réponses au nom du bien commun ?
Le débat public ? Mais comment le conduire, pour que le débat soit réellement citoyen et puisse faire émerger un ou plusieurs choix réellement représentatifs ?
Le référendum ? Mais comment être sûr que les citoyens se sont bien approprié la question posée et sont suffisamment informés des enjeux possibles pour pouvoir décider ?
Jacques Testart s’est appuyé sur l’analyse de conférences citoyennes qui se sont déroulées récemment (Ondes, santé et société en 2009, Bioéthique : fin de vie en 2013, Déchets nucléaires en 2014…). Il propose un outil qui semble répondre à une grande exigence d’expression citoyenne, dénommé « convention citoyenne ». L’objectif est d’amener un groupe de citoyens à élaborer un (ou plusieurs) avis sur une question de bien commun, en garantissant l’indépendance et la représentativité des personnes et la pertinence des propositions faites au nom de tous les citoyens.
Qu’est-ce donc qu’une convention citoyenne ?
La démarche consiste à tirer au sort un certain nombre de citoyens non impliqués dans la problématique à traiter, et à retenir parmi eux ceux qui acceptent l’effort de s’engager (gratuitement) dans le processus. Les personnes ainsi sélectionnées sont réunies pendant plusieurs week-ends pour être formées sur le contenu et les enjeux de la question posée. Les experts techniques et associatifs sont tenus de présenter les différents points de vue et les arguments contradictoires. Ces citoyens sont ensuite amenés à débattre ensemble pour faire émerger, au bout du processus, un ou plusieurs choix argumentés.
L’observation des conférences citoyennes qui ont déjà eu lieu ont fait apparaitre une grande « humanitude ». Jacques Testart dénomme ainsi une aptitude humaine, sorte de mutation intellectuelle, affective et comportementale ; elle surgit dans un groupe de personnes lorsqu’il prend conscience de son intelligence collective et de sa responsabilité vis-à-vis de la société. Grâce à cette « humanitude », ce groupe devient apte à prendre des décisions pertinentes, désintéressées et souvent inventives qui sont vraiment au service du bien commun.
Que faire des choix ainsi élaborés ? Il ne s’agit pas de décider à la place des politiques mais bien d’éclairer au mieux leur choix. Ceux-ci sont-ils prêts à s’appuyer sur cette intelligence collective de citoyens plutôt que sur l’intérêt privé des lobbys ? Pas sûr. Mais Jacques Testart montre dans son livre « L’humanitude au pouvoir – Comment les citoyens peuvent décider du bien commun », paru en 2015, pourquoi et comment ce type de convention pourrait constituer une étape obligée dans l’élaboration des choix publics fondamentaux.