COLIBRIS tente de nouveaux modes de gouvernance

Publié le 20/10/2016

François Leclercq, groupe de Caen

Créée en 2006, l’association Colibris entend sensibiliser les Français à l’urgence écologique et humaine et proposer des solutions innovantes pour faire naître un nouveau projet de société.
Colibris a pour objectif d’entrer dans le champ politique sans investir la sphère politicienne : la société, c’est moi, et je suis la société. C’est mon changement qui détermine le changement du monde. Selon les fondateurs le politique ne peut pas tout faire et chaque citoyen est invité à agir à son échelle, là où il se trouve, à « faire sa part ».
En toute logique, il était indispensable que le mouvement pense sa gouvernance en fonction de ces objectifs. Et en fonction de l’accroissement du nombre de ses membres depuis dix ans. La structure et la gouvernance ont donc été repensées en s’inspirant notamment de la sociocratie (voir encadré). Les statuts ont été modifiés une première fois en 2012, avec une échéance de trois ans pour les mettre en place. Ils ont été à nouveau modifiés en 2015 « pour être actualisés après trois années d’expérience « .


Dans la participation authentique, telle que définie par Joëlle Zask, on trouve la combinaison de trois registres : Prendre part, Contribuer et Bénéficier.

Le cercle plutôt que la pyramide
L’idée de Colibris de « faire sa part » conduit à miser sur l’aspect contribuer, trop souvent négligé.
Selon un salarié, « la hiérarchie aboutit toujours à des problèmes de pouvoir et de contrôle. Il fallait changer de système, d’où l’idée du cercle plutôt que la pyramide ». C’est pourquoi toute la structure est marquée par la figure circulaire, les collèges de membres participants comme les cercles de gouvernance.

Six catégories de membres
L’association distingue six catégories de membres, répartis au sein de six collèges :
le collège des fondateurs
le collège de l’équipe opérationnelle (les salariés et les bénévoles très impliqués)
le collège des affinitaires (représentant des structures proches)
le collège des groupes locaux (ayant signé un protocole de coopération)
le collège des partenaires (donateurs importants, prestataires ou partenaires opérationnels)
le collège des cotisants.
Ces collèges se composent d’un nombre très variable de membres : de quelques-uns jusqu’à plusieurs milliers pour le collège des cotisants.

« Le Cercle d’Orientation (CO) et le Cercle de Pilotage (CP) sont deux instances de décision de l’association » (statuts de 2015).

Le Cercle d’Orientation
Les six collèges sont représentés dans le Cercle d’Orientation par un nombre variable de personnes selon l’importance du nombre de membres dans le collège. Le collège des fondateurs envoie trois représentants, tandis que le collège des cotisants en élit huit.
Au total, le Cercle d’Orientation est composé de 30 personnes. Se réunissant au moins une fois par an, il fait fonction d’Assemblée Générale de l’association.
Ce choix est parfaitement établi par Colibris, très critique par rapport au système des assemblées générales traditionnelles qui sont « très pauvres et ne permettent pas une vraie participation démocratique. »

Le Cercle de Pilotage
L’association est administrée par le Cercle de Pilotage qui est composé de huit personnes (dont Pierre Rabhi, président d’honneur fondateur, membre de droit).
Les membres sont élus pour deux ans et sont rééligibles.
Ce Cercle de Pilotage correspond au Conseil d’administration, il se réunit au moins une fois tous les six mois. Il « peut élire en son sein un bureau dont il définit les attributions ».

Le double lien
Les différents niveaux d’instance sont reliés par deux personnes.
Ce principe permet à un collège d’être représenté au sein du Cercle d’Orientation, afin de favoriser l’information ascendante et la participation de tous aux décisions d’orientation du mouvement. Une personne est désignée par le Cercle de Pilotage comme coordinateur chargé du bon fonctionnement du collège. En plus du coordinateur, chaque collège peut élire au minimum un double lien qui siègera au sein du Cercle d’Orientation.

Les élections
L’une des grandes originalités tient au mode d’élection : « L’élection sans candidat est le mode d’élection privilégié. » Les modalités en sont définies par le règlement intérieur.
L’absence de candidat a pour objet de garantir qu’il n’y a pas de perdant et que les personnes choisies par consentement ont la confiance de leur cercle.
Ce mode d’élection est très fort pour ceux qui le vivent.
Chaque électeur remplit son bulletin où il inscrit la personne pour laquelle il vote. Puis l’animateur demande que chacun explique les arguments qui l’ont amené à faire ce choix. Après avoir entendu les autres, on peut modifier son choix et on s’adresse aux personnes élues pour consentement.
Quand l’élection sans candidat n’est pas possible, Colibris recourt au tirage au sort ou encore à un mélange original de ces deux systèmes.

La décision par consentement
Dans les statuts on trouve ce choix de prise de décision : « Le processus de décision par consentement consiste à prendre des décisions à l’unanimité… »
Pour tout bon adepte du système traditionnel de démocratie, ça trouble un peu : il est entendu que la décision se prend à la majorité des votants.
Alors, une décision à l’unanimité ! Comment est-ce possible ?
Dans son Mémoire Aurélia Greff l’explique :
Cela consiste à prendre des décisions à l’unanimité, en tenant compte, au mieux, des contributions individuelles, a minima, des limites de ceux qui devront vivre avec. Il permet d’inclure tous les membres d’un cercle dans une décision qui le concerne, dont tous seront ensuite solidaires dans la mise en œuvre. Une décision n’est prise par un cercle que si elle recueille le consentement de tous. Elle s’oppose aux décisions prises à la majorité qui se privent de la richesse du point de vue de la minorité et se heurtent dans leur mise en œuvre à la résistance de ceux qui n’y adhèrent pas.

Se former en étant responsable
De cette expérimentation en cours d’exploitation, je retiens deux observations : le cercle n’est pas un lieu de débat au sens traditionnel avec des gagnants et des perdants, mais un lieu de coopération où la contribution de chacun est prise en compte pour prendre la meilleure décision.
Et une phrase de Dewey : « Coopérer en donnant aux différences et aux différends une chance de se manifester parce que l’on a la conviction que l’expression de la différence et du désaccord est non seulement un droit d’autrui, mais aussi un moyen d’enrichir sa propre expérience de vie. »
Gérer une association, c’est aussi se former.
Notons l’ajustement constant des statuts de Colibris à ses besoins et à son idéal. C’est aussi un exemple instructif pour toutes les associations. L’évolution c’est la vie.

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