Publié le 14/06/2012
Marie-Anne Lambotte, Atelier Politique
Les 24 participants, impliqués à différents titres dans la défense des étrangers, s’inquiètent des préjugés répandus dans l’opinion publique : peur viscérale des personnes colorées, rejet des Africains, des étrangers profiteurs ou parasites qui prennent l’emploi des Français… Propos qui circulent ouvertement, sont même encouragés au plus haut niveau, ce qui libère une parole raciste. Selon un dernier sondage, 31 % de l’électorat partage les thèses du Front national.
Les participants constatent des dérives inquiétantes : les étrangers sont considérés comme des dossiers à traiter ou des problèmes. On en arrive à des aberrations administratives, juridiques. Dans les CRA (centres de rétention administrative), les rapports des associations qui y défendent les étrangers font état de violences insuffisamment dénoncées.
Cette régression des droits des étrangers, l’existence d’espaces de non-droit interroge notre démocratie.
Il y a aussi une inquiétude réelle concernant l’intégration et le communautarisme. Comment garder un équilibre dans la société française s’il n’y a pas intégration ?
L’analyse des programmes des partis montre que l’UMP et le FN se rejoignent dans la répression et la fermeture des frontières. L’UMP a une vision plus européenne, mais les deux partis portent atteinte aux droits fondamentaux de la personne, reconnus par les conventions et chartes internationales et européennes signées et ratifiées par la France. Le programme du FN (réduction drastique de l’immigration, renégociation de la Convention européenne des droits de l’homme) est irréalisable et dangereux… Dans le programme UMP, les mots – contrôler, durcir, renforcer – sont révélateurs.
Le MODEM a des positions plus éthiques, mais peu précisées.
Le Parti socialiste se réfère aux valeurs républicaines, réclame des règles claires et justes, mais reste frileux dans ses propositions, sauf pour la lutte contre les discriminations.
Le programme de EELV (fin de l’Europe forteresse, politique des migrations respectueuse des droits, politique transversale de lutte contre les discriminations,) est clair, bien expliqué, inspiré par une vision à long terme. Mais est-il réalisable ?
Aucun parti ne souligne les apports positifs de l’immigration pour la France.
Y a-t-il vraiment des raisons d’être aussi inquiets ? Faire des étrangers les boucs émissaires masque les vrais problèmes de notre société en crise (logement, accès au travail, à l’éducation, à la santé…). Les peurs et les préjugés brouillent une analyse lucide des enjeux de l’immigration.
Quelques faits
La France a une longue tradition d’immigration. Celle-ci est actuellement de faible ampleur chaque année. Le solde migratoire sur 30 ans est de 2 millions, soit chaque année 66 000 personnes en moyenne par an, environ un immigré pour 1 000 habitants (AFP 02/01/2012). D’après l’OCDE la proportion d’immigrés en 2008 était de 8,4 % dont près de la moitié sont devenus français.
D’après la seule étude approfondie sur le coût de l’immigration, le Rapport au Ministère des Affaires sociales, sous la direction du professeur Chojnicki, Université de Lille (juillet 2010), l’immigration coûte au budget de l’État français 47,9 milliards d’euros, mais les immigrés reversent à ce budget 60,3 milliards. Le solde est donc positif ; au-delà de ces chiffres les immigrés contribuent à la production nationale, jouent un rôle important dans les domaines du sport et des arts.
Notre discussion a porté sur la possibilité de favoriser la libre circulation demandée dans la Charte mondiale des migrants établie à Gorée en février 2011. C’est un droit inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 proclamée par l’ONU. Le minimum serait de réformer la politique des visas pour permettre des allers-retours entre le pays d’origine et le pays d’accueil.
Le principe de réalité était bien présent dans nos débats, mais aussi la nécessité de respecter les Conventions internationales et européennes, de les transcrire en droit interne. Des réglementations souples de la mobilité rendent les échanges plus efficaces et respectent le droit des migrants.
Les propositions faites par les deux ateliers fédéraux Politique et Pour un avenir solidaire[[1 – Retrouvez les arguments qui sous-tendent ce texte sur le site du Pacte civique http://www.pacte-civique.orgm rubrique Collectif/Fiches repères/fiche 18.
]] pour nos actions et prises de position ont recueilli l’accord des participants, en particulier :
– exiger le respect des droits fondamentaux et inaliénables de l’être humain ;
– rappeler que les migrants, des sujets de droit, doivent pouvoir faire valoir leurs droits et recourir à l’aide juridictionnelle ;
– faire cesser l’arbitraire en ce qui concerne les décisions sur le séjour des migrants. Les décisions de justice doivent primer sur les décisions administratives. La rétention ne devrait être qu’exceptionnelle, limitée, et bannie pour les enfants ;
– exiger la suppression du délit de solidarité ;
– demander le droit de vote et d’éligibilité pour les élections locales et régionales aux étrangers non ressortissants de l’UE titulaires d’un titre de séjour stable.
Les migrations sont une réalité complexe. Comment argumenter de façon convaincante dans un domaine où prédominent les réactions viscérales et infondées ?
A nous de poursuivre la réflexion et l’information, de trouver des arguments convaincants et sur le terrain d’agir pour un monde plus solidaire.
Vous trouverez sur le site intranet de La Vie Nouvelle les documents distribués à cet atelier.[[2 – Vous pouvez aussi consultez le site de la Cimade : http:/www.cimade.org et lire Inventer une politique de l’hospitalité, 40 propositions de la Cimade.]]et[[3 – Voir aussi le discours de M. Ban Ki-Moon, Secrétaire général de l’ONU en décembre 2011.]]