Publié le 27/03/2012
Par François Lefeuvre, Groupe d’Orléans
Ouvrage de référence sur le christianisme et l’islam face à la non violence, le livre de Jean-Marie Muller pose une question essentielle : « Les paroles de violence que les textes sacrés attribuent à Dieu sont-elles des paroles de Dieu ou des paroles d’hommes imputées à Dieu ? ». Pour que chacun cherche lui-même ses éléments de réponse Jean-Marie Muller invite le lecteur, d’une part, à « lire ces textes, non pas comme l’énoncé de la parole de Dieu, mais comme l’expression de paroles d’hommes » et, d’autre part, à s’appuyer sur les nombreuses recherches effectuées ces dernières années pour tenter de décoder ces textes.
Faire un résumé de l’ensemble de l’ouvrage est impossible tant il fourmille d’extraits de textes dits sacrés, de références à l’histoire, et d’analyses de textes majeurs publiés au cours des siècles par des penseurs chrétiens et musulmans. On s’en tiendra donc ici à évoquer quelques lignes directrices permettant de situer le propos.
La partie la plus importante de l’ouvrage porte sur les écrits de l’Ancien et du Nouveau Testament qui constituent les Livres saints du christianisme. Comme chacun le sait, « la Bible est remplie de violences ». Mais Jean-Marie Muller a très judicieusement mis en regard des textes donnant l’image d’un Dieu violent qui n’a de compassion que pour ses propres fidèles et des textes le présentant comme un être de miséricorde, de pardon, de tendresse et d’amour pour tous. Or, dès que l’on essaye de faire des croisements avec les recherches archéologiques actuelles, il s’avère que, comme c’est le cas pour Les Trompettes de Jéricho ou Le Passage de la mer rouge, les textes de la Bible ne sont pas des récits historiques mais des façons de conforter des ambitions politiques et militaires et / ou la représentation de dieu que se fait le peuple d’Israël.
Le même type de contradiction se retrouve dans plusieurs textes du Nouveau testament. A « la vertu de douceur présentée comme la première vertu évangélique qui fonde et structure toutes les Béatitudes » s’oppose par exemple la conclusion de la parabole de la vigne et du vigneron : « Si quelqu‘un ne demeure pas en moi, il est jeté dehors comme le sarment et il se dessèche ». A l’évidence, la violence de la Bible a été réintroduite dans plusieurs textes évangéliques.
S’il n’est pas toujours aisé, pour une personne de culture chrétienne, de comprendre tous les ressorts de la culture islamique, Jean-Marie Muller montre que les techniques utilisées pour faire servir des textes à justifier la violence sont les mêmes dans le Coran et dans la Bible. A titre d’exemple on pourra se reporter à ce que dit la Charia du statut de la femme. Au verset 38 de la sourate II il est écrit « Les femmes ont des droits équivalents à l’homme ». Mais le même verset précise : « Les hommes ont cependant une prééminence sur elles ». Comme le note Malek Chebel : « Très étrangement, il arrive que le Coran reconduise la situation sociale de la femme telle qu’elle prévalait avant la révélation ».
Par ailleurs, comme le montre Jean-Marie Muller, « il y a deux islams possibles, non seulement par ce qu’ils existent, mais par ce qu’ils peuvent l’un et l’autre se donner des raisons d’exister ». Ceci est entre autre lié à la différence de ton entre les versets écrits pendant les périodes mecquoise puis médinoise de la vie du prophète, les derniers étant plus durs à l’égard des infidèles. Or, au regard de la tradition « les versets postérieurs abrogent les versets antérieurs ». Il faut s’imprégner des textes de penseurs musulmans convoqués par Jean-Marie Muller, dont Al-Ghazâli et Jawdat Saïd, pour bien appréhender les notions de violence de non-violence dans le monde islamique.
Au regard de l’histoire d’hier et d’aujourd’hui, tout au long de son livre, Jean-Marie Muller nous conforte dans l’idée qu’il est urgent de désarmer les dieux.