Bil’in, entre cailloux et gaz lacrymogènes

Publié le 12/10/2011

Par Benjamin Laumaillé, journaliste pour Le Ruthénois

Si pendant leur séjour, les Ruthénois se sont bien gardés de prendre des risques inutiles, leur étape au petit village de Bil’in (à l’ouest de la Cisjordanie) n’est pas loin de faire exception.


En effet, chaque vendredi depuis 2005, cette bourgade de 1 700 âmes est le théâtre d’une manifestation où les opposants venus du monde entier viennent crier leur opposition à ce qu’ils appellent « le mur de l’Apartheid ». Ce mur, de béton ou de grillage, a été érigé par Israël en 2005. Le but, selon l’État hébreu : assurer la sécurité de son territoire. Mais selon les Palestiniens, il a surtout pour but de favoriser la colonisation de la Cisjordanie. « Cette barrière a été dressée pour protéger le plan d’expansion de la colonie israélienne toute proche, explique Mohammed Katib, coordonnateur des manifestations et habitant du village que les quatorze Ruthénois ont rencontré. Mais en aucun cas pour des raisons de sécurité. »

Actions inventives

Et effectivement, Israël profitera de ce mur pour réquisitionner plus de terre encore, confisquant aux habitants de Bil’in 60 % de leur territoire. « Au début, poursuit Mohammed Katib, les manifestations étaient une réaction naturelle et spontanée des habitants. Mais quand les Israéliens ont commencé à arracher nos oliviers qui gênaient la construction de la barrière, on a dû changer notre manière de faire. On a réfléchi aux moyens pacifistes d’empêcher la construction du mur. »
Certains ont d’abord choisi de s’enchaîner aux arbres. D’autres multiplient les actions inventives pour surprendre l’armée israélienne et retarder la construction du mur. C’est avec un sourire fier au coin des lèvres que Mohammed Katib décrit l’une d’entre elle : « On a réussi à passer la barrière et à construire une maison palestinienne au sein de la colonie ! » Autre exemple, les Palestiniens ont profité d’une faille dans le droit israélien. Selon celui-ci, le propriétaire d’une terre possède aussi les bâtiments qui s’y trouvent. Or, certaines maisons de la colonie ont été construites sur des terres non confisquées officiellement par l’État hébreu. Certains habitants de Bil’in ont donc investi des habitations, dont ils étaient, de fait, propriétaires. Israël a alors décidé de raser cette partie de la colonie. « L’objectif de ce type d’action est de garder le plus longtemps possible le statu quo, tant pour la construction du mur que pour l’agrandissement de la colonie », explique Mohammed Katib.

Deux morts depuis 2005

Parallèlement à ces divers coups d’éclats, Palestiniens et internationaux ont donc fait du vendredi un jour de manifestation, au pied du mur. « Mais dès le début, l’armée a mis en place une répression violente », prévient Mohammed Katib. Depuis 2005, 1 200 personnes ont été blessées, 100 arrêtées… Et deux y ont laissé la vie.

Ce n’est donc pas sans appréhension que les Ruthénois participant à ce voyage ont pris part au cortège, composé ce jour-là d’une centaine de manifestants. Certains d’entre eux ont même préféré rester à l’arrière, loin du mur. Et une pluie de grenade lacrymogène attendait les autres…

Les bras levés en signe de paix

Les internationaux les plus courageux avançaient, les bras levés en signe de paix, vers les soldats israéliens, avant d’être chaque fois repoussés à coup de canon à eau. Côté palestinien, deux types de manifestants se profilent. Ceux, pacifistes, qui accompagnent les internationaux. Et ceux, plus agressifs qui utilisent des frondes pour balancer de gros cailloux vers les Israéliens.

Ce jour-là, aucun drame n’aura lieu. Le bilan se limitera à une vitre de jeep brisée côté israélien et des yeux rougis par les gaz pour les manifestants les plus chanceux. D’autres, plus malheureux, recevront des grenades lacrymogènes sur les épaules (ce fut le cas pour l’un des Ruthénois, Romain), ou, plus douloureux, dans l’entrejambe…
Ainsi se passent les manifestations à Bil’in.

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