Contre les algues vertes, renouveler les dynamiques territoriales

Publié le 29/09/2011

Par Yves LE BARS, groupe de la Vallée de la Bièvre

Nous étions au bord de la baie de Saint-Brieuc, une de celles qui sont régulièrement envahies par des algues vertes, mieux connues depuis une publicité de France Nature Environnement, montrant un enfant pataugeant dans ces algues.


Les voies de solutions ne sont pas évidentes : beaucoup a déjà été annoncé, et engagé, sans que les résultats attendus soient encore atteints… Regardons les étapes de la prise en compte de ce problème devenu si sensible, avant de développer les « dynamiques territoriales » qui permettraient d’impulser les mutations et négocier les compromis à la bonne échelle.

Rappelons d’abord les procès engagés par l’association Eaux et rivières de Bretagne, rencontrée à Saint-Brieuc, procès conclus par une lourde amende de plus de 28 millions d’euros infligée à la France par la Cour de justice européenne en 2007.

Le contrat de plan Etat-Région Bretagne 2007-2013 prévoyait des « contrats de Bassin versant », fondés sur des diagnostics agricoles, mais il a fallu reprendre la question en 2009.

En août 2009 la presse rapporte : « François Fillon s’est rendu jeudi à Saint-Michel-en-Grève, commune des Côtes-d’Armor dont la plage est couverte d’algues vertes et sur laquelle un cheval est mort brutalement il y a quelques jours… » Trois mesures ont été annoncées : l’État prendra en charge le nettoyage des plages ; « création d’une mission interministérielle qui, dans les trois mois, va bâtir un plan d’action » ; « l’expérimentation de politiques nouvelles » dans les baies de Lannion et de Saint-Brieuc (projets pilotes). Les objectifs du plan d’action « Algues vertes » approuvé en février 2010 doivent se concrétiser au travers des « projets de territoires ».

D’autres urgences pèsent sur l’agriculteur

La tâche n’est pas aisée, et nous n’avons pas perçu une solidarité évidente au sein du bassin versant de la Baie de Saint-Brieuc. Les agriculteurs rencontrés perçoivent avant tout les mesures de luttes contre les « fuites de nitrates » comme une contrainte supplémentaire, s’ajoutant à d’autres plus immédiates, comme les prix des aliments du bétail à la hausse, tirés par celui des céréales qui augmentent depuis un an… Sur 45 agriculteurs d’une commune, seuls 3 ont adopté un système de production en rupture avec le modèle intensif dominant.
Dans les années d’après-guerre, le monde agricole (et la Bretagne en particulier) a su augmenter la production. Les solidarités de territoires se jouaient souvent au sein de communes rurales issues des paroisses de notre ancien régime, ou des cantons dont la plupart des élus étaient issus de la profession agricole.

Les enjeux aujourd’hui sont différents. Devenue minoritaire, la profession agricole n’est que rarement aux commandes des communes et des cantons, elle doit tenir compte des autres secteurs de la société locale, qui attendent d’autres services de l’activité agricole que la seule production alimentaire.

La relation à l’environnement se pose à l’échelle des territoires. Les questions environnementales se posent à une échelle plus large que la commune.

C’est au niveau du Bassin versant que les arbitrages sur les épandages sont pertinents, pour une autonomie en azote, sans fuites. C’est à cette échelle que doivent se dessiner les haies et les bandes enherbées – pour lutter contre l’érosion ou les pollutions par les engrais ou pesticides – et que les zones humides, si utiles pour transformer les nitrates, doivent être réservées.

Prenons position, avec un des représentants de la profession agricole (Confédération paysanne) que nous avons rencontré à Rennes, pour une nouvelle dynamique territoriale : les raisons des échecs passés ne sont-elles pas à chercher dans un mode d’action piloté par le préfet de département, et qui se focalise sur l’exploitation agricole prise individuellement, en dehors de son terroir, de ses liens dans le bassin versant ?

Nous avons rencontré la vice-présidente du Conseil général, et une élue de l’agglomération de Rennes : la tâche des élus est difficile, alors que l’État s’évertue à transférer des responsabilités sans moyen, et la légitimité de leur mandat est peu adaptée à la taille des territoires au sein desquels des choix démocratiques doivent se négocier.

Pour de nouvelles dynamiques territoriales

Ne peut-on pas dire que nos algues vertes sont aussi le produit d’une gestion locale éclatée en petites communes, disposant de peu de moyens, trop obéissantes aux injonctions centrales, dépossédées de leur capacité à se construire une vision du futur, qui doit être élaborée en lien avec les autres secteurs de la société ?

Il nous faut une nouvelle étape de la « décentralisation », pour une nouvelle dynamique territoriale. Il s’agit de fournir le cadre – une représentation légitime, élue au suffrage universel – adapté à un travail politique sur les sujets clés en particulier dans la gestion des sols et de l’urbanisation, par des processus de diagnostic, de négociation, et de décision à la bonne échelle…

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