La non-violence en question

Publié le 08/04/2011

Par Marie-Ange Monsellier, Groupe de Nantes et membre et de la Fraternité Franciscaine Séculière de Nantes

A l’initiative de La Vie Nouvelle, de la Fraternité Franciscaine Séculière et du CCFD-Terre solidaire, le 13 novembre 2010, l’amphithéâtre de la médiathèque Jacques Demy à Nantes était plein. Des personnes d’âges et d’horizons très divers étaient venues écouter une conférence sur la non-violence donnée par Alain Richard, frère franciscain de Toulouse et un des initiateurs des Cercles de silence.


Le sujet, « les réunions publiques non-violentes sont-elles efficaces ? » élargissait le débat à toute manifestation pacifique dont le but est de dénoncer des situations où la dignité humaine n’est pas respectée. Quand on appelle ainsi citoyens et responsables à écouter leur conscience et à agir en conséquence, quelle efficacité peut-on en attendre ?

« La non-violence tâche de ne pas être victime des idéologies. Elle poursuit un but lointain, mais elle le poursuit avec des objectifs ciblés, qui sont clairs et qui peuvent mobiliser beaucoup de gens… » dit Alain Richard qui précise : « …une masse de gens qui agissent dans la durée, parce que la non-violence ne vise pas seulement à un résultat immédiat, mais elle a l’ambition de faire changer les mentalités ». Il explique que l’approche non violente invite à ne pas porter préjudice à ceux qui portent préjudice : elle veille à désarmer l’autre et à considérer le meilleur en lui, elle amène ceux qui la pratiquent à regarder en eux en quoi ils sont aussi responsables pour la part qui leur revient : « Tout le monde doit gagner en humanité ». Elle donne une force intérieure et nécessite une analyse lucide des enjeux pour sortir de l’émotionnel et ne pas en rester à la périphérie des problèmes.

Dans les Cercles de silence des citoyens de toutes sortes se réunissent pour dénoncer, en silence, l’enfermement comme solution généralisée pour les étrangers sans papiers ainsi que les conditions d’enfermement dans les centres de rétention administrative (CRA) ; ils veulent accroître le nombre de personnes qui réalisent ce qui se passe vraiment à propos des étrangers. Une analyse objective des flux migratoires démontre leur relative stabilité depuis longtemps dans notre pays, contrairement à ce que certaines idées reçues tendraient à faire accroire. Il ne s’agit nullement d’accueillir sans condition tous ceux qui viennent sur notre territoire, mais de les traiter en respectant leur humanité ; surtout dans un pays qui se réclame des droits de l’homme ! Certes, dans les CRA, on dit aux étrangers qu’ils peuvent faire les démarches pour demander le droit d’asile et c’est exact ; mais une fois entrés, ils n’ont que 48 h pour les faire, dimanches et jours fériés inclus, sans avoir droit à garder de quoi écrire… Certes, des associations dont la CIMADE sont présentes pour informer et porter assistance autant que faire se peut : mais il ne leur est pas toujours possible de franchir, dans le temps imparti, les barrières des langues et des contextes culturels fort différents.

De plus, la loi Besson, prochainement en discussion au Sénat après son passage à l’Assemblée Nationale, comporte un certain nombre de dispositions qui auront des implications dont il faut bien mesurer la portée : de glissement en glissement, la situation s’aggrave sans qu’on en ait toujours conscience. La loi fait le droit, mais, si nous n’y prenons pas garde, le droit peut aussi engendrer des situations injustes ! C’est pourquoi le frère Alain, et d’autres avec lui, ont respecté un jeûne de dix jours devant le palais Bourbon afin d’appeler les députés à écouter leur conscience. « Soyons alertés et alertons sur l’urgence et la gravité de la situation, avant qu’elle ne devienne irréversible ». Le frère Alain, ce samedi, avec la conviction sereine de ses 86 ans et la dimension spirituelle qui l’anime, a encore invité les membres de l’assistance, quelles que soient leurs références, confessionnelles ou non, à ne pas baisser les bras, à aiguiser leur sens civique du bien commun et à être des éveilleurs de l’humanité en chaque être humain.

Comme il le rappelle, le silence des Cercles de silence prend un sens qui va bien au-delà de l’absence de bruit, ce qui est déjà une façon d’interpeller, dans la rumeur ambiante ! Il va au-delà de l’absence de paroles, ce qui permet déjà que se rapprochent des personnes aux options fort diverses par ailleurs ! Il est à la portée de tous et crée une unité, quelle que soit l’implication dont on se sent capable par la suite. Surtout, il permet à chacun d’entrer en contact avec le meilleur de soi : sa conscience, pour penser à l’humanité blessée, à ceux qui la blessent et à la part qui lui revient en propre. Chacun trouve la voie d’accès à sa conscience qui lui convient ; pour certains, cela passe par la prière.

Les Cercles de silence prennent des aspects différents suivant les villes. À Nantes, il se forme chaque dernier mardi du mois, de 18h30 à 19h30, habituellement place Royale, sauf en novembre et décembre, où, du fait du marché de Noël, il se tient place St Pierre à côté de la cathédrale.

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