Chante pour résister

Publié le 08/02/2011

Par Michèle Lejeune et Christine Bourgarit-Lacordaire, Groupe des Boucles de la Marne

Au cours de notre voyage, nous nous sommes souvent demandé comment les Lettons avaient pu résister à l’étonnant acharnement de l’Histoire. Au fil des rencontres, nous avons commencé à comprendre.


Katrine Lehre est étudiante à l’Académie de la Culture, spécialisée dans les relations interculturelles franco-lettones. Elle nous a guidés à la découverte de Riga, et nous avons vu comment les légendes s’insèrent naturellement dans l’histoire de la ville, et même dans ses monuments modernes.

Elle nous a retrouvés un soir pour un exposé sur la culture lettone.
Elle a surgi, magnifique, dans son costume traditionnel hérité des Lives, qu’elle porte pour chanter dans sa chorale. Elle nous a parlé au présent des coutumes des ancêtres, toujours pratiquées par l’ensemble de la population.

Au rythme des saisons, les fêtes se succèdent et les citoyens désertent les villes pour célébrer la nature.

Ces fêtes s’accompagnent d’une multitude de rituels dont chacun connaît le sens, et qui viennent du temps où la plupart des Lettons étaient agriculteurs : gestes symboliques, déguisements et objets traditionnels qu’on confectionne soi-même pour les offrir, plats nombreux et originaux, refrains propres à chaque évènement dont certaines paroles restent en langues anciennes.

C’est d’abord le solstice d’hiver, assez proche de notre Noël : les coutumes profanes n’empêchent pas d’aller à la messe !
Pour Pâques, « le grand jour », en plus de la recherche des œufs que l’on a peints, on fait de la balançoire pour conjurer les piqûres de moustiques !

Mais la plus importante est la fête de Iannis, la Saint-Jean, qui a lieu au solstice d’été. Les herbes qu’on cueille ce jour-là ont un pouvoir magique. On porte des couronnes de fleurs ou de feuilles qui seront jetées dans le feu l’année suivante ou lancées dans un arbre pour prédire un mariage. Et on chante les refrains de Ligo avec ses invités.
La fête d’automne est de plus en plus oubliée : elle célébrait la fin des travaux agricoles.

La christianisation forcée arrivée au XIIIème siècle n’a donc rien effacé des rites païens et les croyances se sont harmonieusement mêlées.
Katrine a ponctué sa présentation en entonnant des Dainas.
Ce sont des chants très courts, des quatrains, qui reflètent tous les évènements de la vie. Les Lettons les considèrent comme la mémoire de leurs ancêtres et en sont très fiers : c’est ce qui restera de leur culture si tout le reste disparaît. Transmis oralement en allemand jusqu’au milieu du XVIème siècle, ils ont été soigneusement collectés. Leur édition en letton, en 1888, accompagne la naissance du nationalisme. On y célèbre souvent les déesses mères Mara et Laima, on y exprime, de manière symbolique, sa tristesse, ses émotions face à un quotidien difficile.

A Preili et à Daugavpils, nous avons été accueillis chaleureusement et en musique par Alberts Vucans et Spodris Kakans, tous deux directeurs d’une école de musique. Leurs chorales, leurs orchestres, où se mêlent les générations, traduisent la joie de porter une culture commune. Tous les quatre ans, plus de 20 000 choristes se rassemblent à Riga. La musique contribue à la cohésion du peuple letton qui se surnomme lui-même le peuple chantant.

Les traditions ont constitué une forme de résistance, notamment face à l’URSS qui voulait les éradiquer. Peut-on vraiment museler un peuple qui s’exprime au quotidien par la musique et qui fait chanson de tout ?
Plus que la résignation, les Lettons ont appris la patience et savent que le rythme des saisons est immuable. Demain, le soleil brillera. La crise ne les empêchera pas de chanter !

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