Quelle place dans le concert des nations ?

Publié le 08/02/2011

Par Marie-Anne Lambotte, Groupe de Lyon

La Lettonie occupe une position géographique stratégique. Comme les autres pays baltes, elle appartient à l’espace culturel de l’Europe du Nord qui s’étend du golfe de Finlande à la Manche et qui est depuis le Moyen Age une « Europe des marchands ». Par ses ports de Riga et aussi de Ventspils et de Liepaga (non bloqués par les glaces en hiver), la Lettonie est un lieu de passage privilégié entre la Russie et l’Europe.


Le destin des trois pays baltes a été déterminé à l’époque moderne par l’occupation soviétique de 1945 à 1991, l’indépendance en 1991, puis l’adhésion à l’OTAN et à l’Union Européenne en 2004. Et la crise financière en 2008.

Trois pays bien distincts

Au temps de l’URSS, les trois pays baltes avaient les mêmes fonctions au sein de l’URSS. Ce qui les fédère aujourd’hui, c’est la recherche de la sécurité par rapport à leur puissant voisin de l’Est ; et aussi leur interdépendance au niveau de l’énergie. Le gaz russe stocké en Lettonie est redistribué en hiver dans les autres pays. La création d’un marché balte de l’électricité et le rattachement aux réseaux de l’Europe occidentale sont en cours avec l’aide de l’UE : un câble sous-marin doit assurer la liaison avec la Suède et la Finlande.

Mais si l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie ont adhéré très vite à l’Assemblée baltique pour une coopération dans différents domaines, puis ensemble à l’OTAN et à l’UE, elles ne marchent pas d’un même pas et sont à la fois voisines et concurrentes. Soutenue par ses relations bancaires, industrielles et commerciales avec la Finlande, l’Estonie va entrer dans la zone Euro en 2011. Pour des raisons historiques, la Lituanie a des liens privilégiés avec la Pologne. La Lettonie a souffert davantage que les autres de la crise bancaire et reste le pays le plus pauvre de l’Union Européenne.

Le poids de la Suède

La Lettonie connaît des difficultés avec la Suède, dont les banques ont joué un rôle très critiquable par leur laxisme dans les crédits attribués en Lettonie. M. Lapukke, ancien ambassadeur de Lettonie en France, déplore l’attitude de la nouvelle génération suédoise des quadragénaires qui n’ont pas connu l’histoire des pays sortis du bloc soviétique. Ceci dit la Suède est un investisseur important en Lettonie, avec l’Allemagne – qui en est le premier partenaire commercial et le premier investisseur en Lettonie.

Notre séjour à Riga nous a montré combien l’influence de l’Allemagne durant sept siècles a marqué l’architecture, l’urbanisation, les habitudes ; la difficulté est de gérer le passé récent, le souvenir de l’occupation pendant la seconde guerre mondiale et des déportations.

Les relations avec la Russie

Les relations avec la Russie, sont essentielles, mais difficiles. Car la Russie n’a pas rompu avec son passé de domination des pays de l’ex-URSS. De plus la Lettonie a toujours été considérée comme un ennemi public. Les Lettons ont souvent servi de boucs émissaires et ont été rendus responsables de la révolution russe, du fascisme en 1940-45, de la perestroïka, de la mauvaise image des Russes en Europe. Quand la Présidente lettone, Mme Vaira Vike-Freiberga a pris la décision courageuse de se rendre à Moscou en 2005, elle a été la victime d’une ignoble campagne de diffamation (on l’a montrée en costume SS sur Internet). La présence d’une forte proportion de population d’origine russe et russophone pourrait être un atout pour de meilleures relations. Sur 2,3 millions d’habitants, la Lettonie est à moitié peuplée de russophones, dont 300 000 de non-citoyens. Mais les Russes en Lettonie se sentent encore souvent membres d’un pouvoir qui n’existe plus. Le passé totalitaire pèse encore très lourdement sur les mentalités : rancunes et stéréotypes sont entretenus. Cependant l’intégration des Russes a beaucoup progressé. Le programme de naturalisation a un impact sur la vie politique, même si la méfiance reste.
Un autre point important dans les relations avec la Russie est la dépendance par rapport au gaz russe : la Lettonie essaie de renégocier le contrat qui la lie à Gazprom, son unique fournisseur ; elle avait signé un contrat de 30 ans selon lequel elle paie maintenant son gaz environ 30% plus cher que ses voisins ! Le premier ministre letton estime malgré tout que les rapports entre Riga et Moscou évoluent positivement et il espère pouvoir signer cette année de nouveaux accords économiques entre les deux pays.
Avec un très bon développement des transports terrestres, maritimes et aériens, la Lettonie pourrait (re)devenir une plaque tournante avec la Russie. C’est probablement son atout principal pour l’avenir.

L’intégration dans l’UE

Cela suppose naturellement une intégration réussie dans l’Union Européenne, l’aide de Bruxelles[[1 – La Lettonie a bénéficié ou bénéficie de différents programmes européens : FEDER- fonds structurels-, IFOP pour la pêche, FEOGA pour l’agriculture, SE pour l’emploi et la lutte contre l’exclusion.
]] et une meilleure solidarité à l’intérieur de l’UE. Selon Mme Vaira Vike-Freiberga, actuellement vice-présidente du groupe de réflexion animé par Felipe Gonzalez sur le « Projet pour l’Europe à l’horizon 2030 », remis au Conseil européen en mai 2010, « la coordination des politiques économiques et budgétaires aurait dû commencer dès la création de l’euro, mais jusque-là les gouvernements ne voulaient pas que quelqu’un regarde par-dessus leur épaule. La crise les a mis dos au mur et nous commençons seulement à réagir… Au fil des époques un héritage humaniste de valeurs et de réflexions s’est construit. Ce sont les bases solides à partir desquelles il faut bâtir son avenir… Le secret du potentiel européen réside dans la compréhension raisonnable de ses défauts et de ses capacités. »[[2- cité dans La Croix du 7 septembre 2010]].

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