La filière légumes sur les polders

Publié le 29/09/2011

Par Nelly Brimault et Jean-Paul Lelong, groupes de Poitiers et de Rodez

Les premiers travaux de poldérisation en Baie du Mont-Saint-Michel remontent au 18ème siècle. En 1757 Jean Quinette de la Hogue obtient du roi la concession d’une partie des grèves du Mont-Saint-Michel. Il s’agit d’assécher et de mettre en valeur les herbus, de moins en moins recouverts par la mer lors des grandes marées, c’est-à-dire de les enclore de digues. Le chantier reprendra plus tard avec Mosselmann [[1 – J.-C. Lefeuvre, De Sainte Anne au Mont-Saint-Michel, Marais et polders de la baie, éditions du Conseil Général d’Ille-et-Vilaine.]].
Le premier acte de la poldérisation commençe par la canalisation du Couesnon qui à l’origine se déversait dans la baie en divaguant au gré des marées. La canalisation du Couesnon en 1863 et la construction de digues permettront la création de 5 000 ha de polders à l’ouest du Mont Saint-Michel, la dernière digue datant de 1934. Après assèchement, 2 ans sont nécessaires à la dessalinisation des terres.


Bernard Guillard est exploitant agricole en SCEA (Société civile d’exploitants agricoles) dans les Polders du Mont Saint-Michel (lieu dit Le Pas aux Bœufs qui à l’origine était un port). Il a un associé. La société se nomme : SCEA Saint Michel du Mont. Les femmes travaillent à l’extérieur, mais le choix de cette forme d’exploitation a été fait par les 4 membres des deux couples. Du fait de ses engagements (administrateur et membre du bureau de la coopérative AGRIAL, Président de l’Organisation de Producteurs (OP) légumes), il répartit son temps ainsi : 1/3 pour l’exploitation, 1/3 pour l’OP, 1/3 pour AGRIAL, chose rendue possible grâce à l’association (SCEA).

L’exploitation compte 120 ha, 60 en céréales et 60 en légumes principalement poireau et céleri rave. Le poireau demande plus d’investissement car l’exploitation assure le tri et le lavage (que nous visiterons ensuite).

Les salariés : 15 équivalents temps plein, 10 en CDI et des saisonniers. Peu de personnel qualifié. Il y a une difficulté à recruter du personnel. Ces travaux délaissés par les Européens sont effectués par des tunisiens ou des Polonais.

La tangue, sol constitutif des Polders

La tangue, sédiment gris d’origine marine utilisé autrefois comme amendement calcique, a été ramassée par charrettes pour enrichir et rehausser les sols. Son coût était peu élevé.

De par sa texture, la tangue assure une remontée capillaire élevée et une bonne alimentation hydrique, aucune irrigation n’est nécessaire. Elle a l’avantage d’ameublir les sols, convient à tous les végétaux et particulièrement aux céréales et aux légumes. ; Ainsi, la structure du sol, très meuble, et la non irrigation donnent aux carottes d’ici la renommée d’être franches et de bon goût sucré.

Les principaux ennemis des cultures légumières sont les nématodes (des vers) qui s’attaquent aux racines (ex. : les carottes) et aux tubercules. Pour éviter d’utiliser des pesticides, les agriculteurs pratiquent la rotation des cultures, ou peuvent laisser la terre en friche, mais il faut au moins 5 ans. Les semences sont enrobées d’insecticide, ce qui, par exemple pour les salades, évite les traitements ultérieurs. « Il ne faut pas rester figés sur les dogmes tels que : pesticides = mauvais mais rechercher la solution optimale. » Chaque exploitation des polders a été créée de toutes pièces par les ingénieurs hollandais qui avaient tout calculé, comprenant en général de 40 à 100 ha entourés de digues. Les fermes toutes construites sur un schéma identique comprenaient outre la maison d’habitation, une étable (la vacherie), une bergerie, et une immense grange. Tout était pensé en vue de l’autonomie de la ferme. Four à pain, laverie, citerne d’eau douce enterrée. A l’heure actuelle, les productions animales ont disparu et un exploitant seul ou associé, exploite plusieurs fermes.

B. Guillard et la coopérative AGRIAL

« AGRIAL est née en 2000 de la fusion de 3 coopératives, issues elles-mêmes de différentes fusions. C’est à la fin du 19ème siècle que sont créés des syndicats d’agriculteurs. En 1910, une loi définit le statut des coopératives agricoles et le mouvement coopératif de développe. A la fin des années 2000, les réformes de la PAC et la diminution du nombre des agriculteurs entraînent des restructurations et, à des fins d’assurer leur pérennité, les coopératives se lancent dans la transformation des produits alimentaires. Maintenant, AGRIAL est un des premiers groupes coopératifs agricoles et agroalimentaire français »2
AGRIAL est un groupe coopératif polyvalent qui couvre 7 départements du centre-ouest dont la Manche et rassemble 10 000 adhérents.

En 2009 AGRIAL a fait 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires avec 7 700 emplois. Son métier se développe autour de trois axes :

• distribution rurale (un magasin de proximité par canton)

• organisation de la production

• valorisation de la production dans les secteurs de la viande, la volaille, le cidre et boissons, les légumes…
La branche légumes (SOFILEG) regroupe 150 producteurs de la Manche situés dans 3 zones : Baie du Mont Saint-Michel, Créances et Barfleur. Elle assure la valorisation de la production des coopérateurs de différentes façons :

• en 1° gamme (légumes frais entiers) vendus pour partie (14 %) sous leur marque PRIMEALE pour partie (70 %) sous marque distributeur (Carrefour, Leclerc…)

• en 4° gamme (légumes frais prêts à l’emploi) sous la marque FLORETTE.
Le groupe est un acteur majeur pour les légumes frais.
Pour la 4° gamme, il est n° 1 français avec 50 % du marché.
Il assure 10 % du marché européen (avec des implantations industrielles en Angleterre, Italie, Espagne).

Pourquoi cette démarche ?

« Face aux défis d’un contexte marqué par la volatilité des prix et un désengagement progressif des mécanismes de régulation européens, il s’agit d’être plus compétitifs, aussi bien au niveau de l’exploitation que de la coopérative, plus respectueux de l’environnement, faire face à la demande croissante de biens alimentaires, se placer sur de nouveaux marchés »[[2 – www.agrial.com]].

Bernard Guillard, président de l’OP légumes au sein d’AGRIAL, indique que la politique de la filière s’appuie sur la demande. Ainsi est fait le choix d’investir sur la quatrième gamme, mais aussi de développer une part de production biologique, des salades tendres, des jeunes pousses.

« Dans chaque production, il faut un leader pour structurer le marché ». En matière de légumes, AGRIAL a choisi la 4ème gamme en salade, et se tient en bonne place, par des alliances sur d’autres marchés.
L’objectif est de ramener le maximum de valeur ajoutée au bénéfice des membres de la coopérative, de garder un réel pouvoir de décision aux agriculteurs dans le cadre de leur coopérative, qu’ils soient capables de peser dans les négociations avec la grande distribution
Visite des cultures
chez un coopérateur
De ces parcelles bordées de canaux, nous voyons le Mont Saint-Michel.
Nous avons les pieds dans la tangue, terre grise et sableuse.
Les salariés terminent le ramassage des salades lorsque nous arrivons en fin de matinée. Ils commencent leur travail très tôt, 5h30-6h afin de rapporter la production à la coopérative avant midi. Les cloches plastique jonchent le sol. Elles ont servi à faire blanchir les salades (chicorées).

Chaque année l’agriculteur peut produire 3 ou 4 lots de salades selon les sols.

De grandes parcelles de champs sont couvertes de voiles de forçage (géotextile) qui sont posés dès le départ de la mise des plants.

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