« Je travaille à Pôle-Emploi… »

Publié le 09/06/2011

Interview recueillie par François Leclercq, Groupe de Caen.

Nous avons rencontré Nathalie, 30 ans, qui travaille depuis neuf ans dans l’un des sites Pôle-Emploi d’une grande ville.


Citoyens : Comment es-tu arrivée à Pôle-Emploi ? Par choix ?

Travailler dans le domaine de l’emploi résulte pour moi d’un choix explicite. Je souhaitais un métier en lien avec l’emploi. J’aime vraiment le contact humain, conseiller, essayer de trouver une solution pour la personne.
Au cours d’un entretien, il y a proximité, on est face à face, dans le même bureau. Il y a un vrai contact interpersonnel.
A Pôle-Emploi, on est également en lien avec un grand nombre d’organismes, des organismes de formation, avec des psychologues du travail, avec des institutions, le Conseil général, le Conseil régional, la mission locale pour les jeunes…

Citoyens : Combien as-tu de dossiers de chômeurs en responsabilité ?

C’est difficile à comptabiliser, parce que ça évolue constamment. Certains trouvent du travail, une formation. On me confie de nouveaux dossiers. Disons que je gère une centaine de dossiers.

Citoyens : Dans votre jargon qu’appelez-vous les dossiers ? Des cas ?

On dit des portefeuilles, mais je n’aime pas beaucoup le terme. Je préfère utiliser « demandeurs d’emploi ».
C’est beaucoup. On nous attribue plus de demandeurs d’emploi que de plages dont nous disposons sur le planning ! C’est un peu décourageant de savoir dès le départ qu’on n’arrivera pas à caser tout le monde. On est un peu sous pression.

Citoyens : Alors comment vous y prenez-vous ?

En plus des entretiens physiques, on peut parfois être amené à réaliser quelques entretiens téléphoniques. C’est plus souple.

Citoyens : Avez-vous de plus en plus de dossiers ?

On ne peut pas vraiment comparer parce que le système a complètement changé. Quand j’ai commencé, il y a neuf ans, on n’était pas dans un suivi régulier. Les gens venaient à leur initiative, à leur demande. Puis il y a eu les PAP, les projets d’action personnalisés. On convoquait les gens tous les six mois. Mais ils n’étaient pas forcément reçus par les mêmes interlocuteurs.

Citoyens : Et maintenant, les demandeurs d’emploi ont un interlocuteur unique ?

Oui, on reçoit les personnes tous les mois, on est tenu à ce contact mensuel. Ce n’est plus le même travail. Et dans ce sens, oui, on est davantage dans la proximité. On connaît mieux les dossiers, les personnes.

Citoyens : Comment se fait le contact avec les gens ?

Parler d’emploi c’est toujours un sujet sensible, c’est au cœur de la personne. Dans la vie courante, quand on rencontre quelqu’un, on lui demande tout de suite ce qu’il fait dans la vie. Dans un entretien, les gens sont amenés à aborder d’autres sujets, parfois personnels. Mais j’essaie de limiter les approches trop personnelles.
Il faut rester dans ce qu’on appelle dans notre jargon la posture professionnelle. Ce regard est important. Il faut aussi se protéger et parfois, c’est vrai, on peut paraître froid. Il faut néanmoins rester humain, sourire, serrer la main, être à l’écoute. Mais on évite d’être sur de l’affectif.

Citoyens : Comment se déroule l’entretien ?
On est dans un cadre professionnel contraint. On dispose d’un temps limité, avec un horaire qu’on essaie de respecter.En moyenne, un entretien dure entre vingt et trente minutes.
On a un certain nombre de choses à faire : on fait le point sur les démarches en cours, on doit faire des propositions d’action, voir les offres, on doit rédiger une conclusion.

Citoyens : Et renseigner les gens, c’est difficile ?

Oui, il faut avoir de nombreuses connaissances et constamment les remettre à jour, ça bouge sans arrêt.
L’indemnisation c’est très compliqué, il y a des tas de règles juridiques. Selon les cas, il peut y avoir mille possibilités.
Et le placement, c’est large : ce sont les offres d’emploi, bien sûr, mais aussi les techniques de recherche d’emploi, le projet professionnel, l’information, les financements des formations, les contrats aidés.
Et les offres ne se trouvent pas comme ça, il faut savoir les chercher, on a l’habitude, on connaît les ficelles.

Citoyens : Est-ce que c’est plus difficile depuis qu’il y a eu la fusion ?

Oui. En tant qu’agent issu de la filière placement, je ne maîtrise pas l’indemnisation, parce que c’est toute une branche à découvrir.
Aujourd’hui le public a du mal à comprendre que malgré la fusion, une même personne ne peut pas répondre à toutes leurs questions, que ce soit sur le placement ou sur l’indemnisation.
Les médias disent parfois, « c’est facile vous avez tout sur place, le placement et l’indemnisation. Il suffit d’échanger entre vous ».
Mais il ne faut pas se leurrer, on n’apprend pas le métier en cinq minutes. C’est un peu désobligeant pour nous de laisser croire qu’on peut passer sans problème d’un métier à un autre, de l’indemnisation au placement.

Citoyens : Et quand les gens veulent vous rencontrer, vous poser une question ?

Les gens peuvent se présenter à tout moment à l’agence : des conseillers sont disponibles pour répondre à leurs questions, mais ils ne pourront pas rencontrer le conseiller qui les suit ordinairement.
Il existe des services à distance. Aujourd’hui on renvoie souvent sur le 39 49. C’est un numéro de téléphone qui débouche sur un standard. Il n’y a pas de ligne fixe. On ne peut pas être contacté directement. Mais pour les employeurs, il existe des lignes professionnelles.
Avant, il existait des standards en agence. Il était clairement dit aux demandeurs d’emploi que c’était pour des questions précises et importantes. Aujourd’hui, ils doivent faire le 39 49, ils donnent leur identifiant, des mots-clés qui vont permettre de les orienter soit vers la filière placement qui concerne l’ANPE, soit sur la filière indemnisation qui correspond à l’ancienne ASSEDIC.

Citoyens : Est-ce que ça n’est pas une régression ?

Aujourd’hui, la personne appelle, donne son identifiant, son mot-clé et selon ce qu’il dit, il a une personne ou une boîte vocale. Après, ce sont les conseillers qui répondent. Et l’employé qui gère le dossier reçoit les informations par mail.
Au niveau des services à distance, on incite les gens à aller sur le site de Pôle-Emploi, qui contient de plus en plus d’information. Il y a beaucoup de choses qu’on peut faire sur Internet pour permettre aux gens d’entamer leurs recherches depuis leur domicile.

Citoyens : Oui, mais tout le monde ne dispose pas d’une connexion Internet ?

Heureusement il existe des espaces publics numériques, des lieux où les gens peuvent avoir accès à un ordinateur pour obtenir ces informations. Ces espaces se trouvent souvent dans des bibliothèques. Parfois, ça a un coût, mais la plupart du temps, c’est gratuit. Ça devient tout à fait indispensable aujourd’hui d’avoir accès à Internet.

Citoyens : Ça change la nature de la proximité !

Il y a aussi des cellules emploi réparties sur tout le département pour permettre un meilleur accès des demandeurs d’emploi.
Les cellules emploi, ce sont des structures partenaires de Pôle-Emploi. Les agents ne peuvent pas mener un entretien mensuel, mais ils peuvent aider à consulter les offres. Les cellules emploi peuvent se trouver dans des mairies, on en trouve la liste sur Internet.
J’ai du mal à entendre des critiques qui prétendent que les demandeurs d’emploi sont des profiteurs : ce que je vois ce sont des gens qui sont en souffrance, j’entends des problèmes humains.
Il est très rare de subir de l’agressivité de ceux qu’on reçoit. Les gens sont gentils, dans l’attente réelle de conseils.

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