Le Hameau du Buis

Publié le 09/02/2011

Par François Leclercq, Comité de rédaction

A quelques kilomètres de la ferme de Monchamp, se trouve le Hameau du Buis. Nous nous y rendons par une minuscule route qui serpente dans la garrigue, parmi les rochers, les bosquets de chêne.


C’est Laurent Bouquet qui nous reçoit. Il est le porteur du projet avec Sophie Bouquet Rabhi son épouse. Il nous montre le hameau tel qu’il se trouve en ce mois de septembre : une dizaine de bâtiments de tailles variables adossés à la colline. Le bâti est bien avancé, les murs, le toit, les cloisons sont terminés : ça ressemble à de l’habitat écologique et chaud. Le bois, la paille, l’argile. La moitié des fenêtres et les portes sont déjà posées. Plusieurs façades sont enduites de plâtre teinté. On sent que l’aboutissement de ce grand projet n’est plus très loin.
Laurent nous conduit vers le bâtiment construit au plus haut de la petite butte.

Les façades sont orientées plein sud. Les logements ont été conçus et disposés pour que tous bénéficient au mieux du soleil.
C’est samedi, les travailleurs (pour la plupart des volontaires ou des stagiaires) sont au repos. Nous pouvons traverser le chantier, examiner tous les recoins sans risquer de gêner. Et Laurent prend tout son temps pour nous expliquer l’ambition du projet et les techniques de construction.

Un projet ambitieux

Ambitieux, ce projet ? Certes. Non parce qu’il donne dans la démesure, dans l’extravagance. Il serait plutôt modeste : une dizaine de bâtiments, à peine plus de cinquante habitants.

Non, il est ambitieux par les choix éthiques qui s’y manifestent. C’est que la forme et la nature d’une maison impliquent une façon de vivre. Et ici les choix de vie sont nettement définis : respect des personnes, de l’environnement, des rythmes naturels.

Le chantier a débuté en 2006 et il se poursuit sans précipitation, mais sans lenteur car tout est réfléchi, étudié, discuté. Rien n’est laissé au hasard. La situation, les matériaux, les courbes des murs, les rebords des toits… « Entre les bâtiments, nous avons prévu des passages, plutôt étroits, ombragés, ce seront des ruelles où les futurs habitants pourront trouver leurs marques. »

Et, tout à fait en bas, nous verrons une suite de bassins de phytoépuration pour traiter les eaux grises, qui sont réutilisées par la suite.

Au départ

Au départ, il y a l’école que Sophie Bouquet-Rabhi(fille de Pierre) a créée en s’inspirant des théories de Montessori et de Freinet. Frappée par la connivence qui s’instaure spontanément entre sa grand-mère et les enfants, elle a l’idée de créer une résidence pour personnes âgées.
Refus de l’administration : trop de normes, trop de conditions.
Elle songe alors à un habitat intergénérationnel, un village solidaire sur des conceptions écologiques. Pas de problème, ça convient. Il suffit d’obtenir un permis de construire. Et de trouver des habitants. Pour les habitants, le bouche à oreille fonctionne à merveille, à partir des parents des élèves notamment.

Résultat : une société civile est créée qui achète un hectare de terrain constructible, un mas traditionnel et six hectares de landes (pour une production locale de nourriture saine et fraîche). Le projet : une vingtaine de logements (du T1 au T3) autour de l’école et de l’installation maraîchère.

Et les participants se rassemblent autour d’une charte Ethique.
Laurent nous explique qu’il fallait éviter tout ce qui serait de l’ordre de la spéculation immobilière (un notaire les a utilement conseillés sur tous les aspects juridiques).

D’où un montage qui peut paraître compliqué : les personnes intéressées adhèrent à l’association, effectuent un prêt de 125 000 euros à la Société Civile. Ce prêt leur ouvre le droit de réserver un logement. Quand ce logement est fini, ils peuvent l’occuper moyennant un loyer, qui couvre tous les frais d’usage du hameau (eau, chauffage, électricité, mais aussi entretien des parties communes… sans oublier une contribution à l’entretien de l’école – petite graine du départ).
Lorsque les habitants en émettent le désir, ils récupèrent leur prêt (dont le capital est juste indexé sur le coût de la construction, permettant ainsi le maintient du pouvoir d’achat sans spéculation excessive) et quittent le Hameau.

Le plus grand bâtiment

Nous entrons dans le plus grand bâtiment et nous grimpons au premier étage. Une terrasse nous conduit vers un T3 : les cloisons sont posées, mais il n’y a encore aucune huisserie et aucun enduit au mur. Les murs sont épais, de la paille pressée, trempée dans la barbotine, est maintenue dans une armature en bois. Le bardage intérieur est en peuplier et les finitions en pin douglas. « Nous récupérons de la terre légèrement argileuse susceptible de convenir. Nous achetons de la paille dans les exploitations voisines. »

L’essentiel est de puiser dans les ressources locales. C’est un principe pour respecter le contexte naturel, pour éviter les transports de matériaux. « Nous achetons le bois sur pied, explique Laurent, nous le faisons abattre, nous le découpons en planches et gérons le séchage. »
Les plafonds sont hauts, trois mètres ! L’architecte, Pierre-Henri Gomez, a apporté des études qui ont montré que la plupart des gens ressentent une impression de bien-être sous un plafond élevé. Dont acte.

Les finitions

Nous descendons vers les autres logements, empruntons la petite ruelle entre les bâtiments qui descend par un petit escalier entre deux murets. L’univers des maisons est très minéral, fidèle au biotope de la garrigue où le calcaire domine.

Sur l’une des façades, nous admirons un parement en pierres. Sur une autre, un mur végétalisé. D’autres façades sont enduites d’un plâtre teinté en rose orangé.

Nous entrons dans un T2 presque terminé. Le circuit électrique est terminé, les conduites d’eau également. Les huisseries sont posées, les murs sont recouverts d’un enduit fin. Dans la cuisine, un parement protège l’entourage de l’évier et de la table de travail.

Il s’en faut de peu que ça ne soit habitable. Deux logements (un T1 et un T3) sont complètement achevés.
C’est l’accomplissement d’un long travail qui s’est voulu exemplaire. L’objectif prioritaire n’a pas été l’efficacité, le rendement, la rapidité, mais la qualité du travail, la richesse de la démarche.

Un chantier exemplaire

Ainsi, ce chantier s’est voulu ouvert, accueillant. C’est un lieu de formation, d’échanges. Des volontaires viennent y travailler pour découvrir des techniques, pour expérimenter. Des jeunes en formation viennent développer leurs compétences.

Des architectes ou des artisans en bioconstruction viennent régulièrement visiter, apprécier, juger. C’est que Le Hameau des Buis est lauréat de la subvention régionale Prébât pour les bâtiments à très hautes performances énergétiques. Evidemment, le Hameau optimise l’énergie solaire pour le chauffage des maisons et l’eau chaude.

Le Hameau du Buis est bien un incomparable lieu de vie et d’échanges. On se prend à penser que dans la construction de la maison, l’important c’est aussi la démarche.

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