L’abondance frugale

Publié le 09/02/2011

Par François Desplanques, atelier fédéral Spiritualité


Ancien commissaire au Plan, collaborateur de Jacques Delors, fondateur de Solidarités nouvelles face au chômage, animateur de Démocratie et Spiritualité, J.-B. de Foucauld est un homme de méditation et d’action, bien connu à La Vie Nouvelle. Tout récemment, à Lyon, il a été le grand témoin lumineux de notre congrès. Son nouveau livre prolonge et actualise une réflexion de plus de trente ans. En effet le concept d’abondance frugale apparaissait déjà dans La Révolution du temps choisi, un ouvrage collectif publié en 1980. Mais il était passé alors presque inaperçu. Le temps des illusions n’était pas révolu. La crise actuelle, qui appelle une véritable mutation, redonne à cet oxymore une force singulière.

Que signifie au juste cette expression volontairement paradoxale ? L’auteur s’en explique d’entrée de jeu : « Ne nous méprenons pas sur les mots : il ne s’agit évidemment pas de généraliser la pauvreté. Mais bien au contraire de mettre un peu plus d’abondance là où il y a la misère (en revenus… ou en temps), et plus de frugalité là où il y a un excès de richesse. » (p. 10). Autrement dit, il se démarque des tenants de la décroissance. Sa pensée se caractérise par une recherche de la sagesse dans l’équilibre et de la solidarité par la voie de la redistribution. Mais qu’on ne s’y trompe pas : cette pensée complexe et généreuse est tout le contraire d’une pensée molle. Non seulement elle incite à l’effort et au partage, mais elle nous invite à une véritable révolution intérieure dans notre relation à la richesse : l’abondance dont il est ici question n’est pas seulement matérielle, elle est aussi relationnelle et spirituelle. La nécessaire frugalité ne peut être acceptée que si elle est compensée par plus de lien social et plus d’intériorité, plus de sens.

Reprenant l’idée force déjà exposée dans Les trois cultures du développement humain (2002), J.-B. de Foucauld développe l’idée qu’il nous faut articuler résistance, réglementation et utopie et que c’est même la condition d’une vie pleinement démocratique. Pas de démocratie sans résistance aux dérives du pouvoir et de la finance. Pas de démocratie sans concertation, délibération ni loi. Pas de démocratie vivante sans grand projet commun. Ce qui vaut au niveau national est tout aussi vrai au niveau européen et au niveau mondial qui est de plus en plus le nôtre. Mais comme il n’y a pas de démocratie sans citoyens – et c’est là que se situe la force et l’originalité de cette pensée – ce qui vaut pour la vie collective vaut tout autant pour la vie personnelle : résister à l’individualisme et au découragement, accepter ses limites et se donner des règles, tendre vers le mieux-être et le plus être.
A cette réflexion générale d’ordre philosophique, J.-B. de Foucauld prend la peine de joindre une réflexion politique. Les derniers chapitres sont consacrés aux moyens de réaliser l’abondance frugale. En tout premier lieu, il importe de lutter contre cette plaie humaine mais aussi économique qu’est le chômage. Il s’agit donc de favoriser une politique de plein emploi, emplois de qualité, est-il précisé. Pour cela, il faut instaurer un droit au travail à temps choisi : pouvoir travailler moins ou plus, selon les besoins, les périodes de la vie, les aspirations personnelles. J.-B. de Foucauld est bien conscient des difficultés et des résistances à vaincre : il examine les objections, il s’efforce d’y répondre. Il ne prétend pas avoir toutes les solutions. Mais il a le grand mérite de proposer un but, une voie et une méthode, qu’il explore et s’efforce, avec d’autres (dont La Vie Nouvelle) de concrétiser à travers la démarche du Pacte civique, présentée dans la conclusion.
Voilà assurément un livre important à lire, à travailler dans les ateliers fédéraux (politique, philosophie, spiritualité !) comme en ateliers de groupes, et à faire connaître, bien au-delà, à nos amis et partenaires.

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