« La démocratie ? C’est la souveraineté populaire ! »

Publié le 30/09/2010

François Papy, Secteur politique, Entretien avec Claire Villiers

« Nous avons conquis le suffrage universel, mais pas la souveraineté populaire ». Cette phrase de Jaurès, citée par Claire Villiers pendant notre entretien, rappelle que la démocratie ne peut, en effet, se limiter au suffrage universel ; il faut l’enrichir, condition essentielle de l’émancipation individuelle et collective. Et ce n’est pas une mince affaire lorsqu’on est chargée de la commission « Démocratie » au Conseil Régional d’Ile-de-France ! Il faut une volonté militante acharnée. C’est l’impression que nous avons retenue à l’issue de cet entretien.


Claire Villiers, élue de la liste « gauche populaire et citoyenne » en 2004 au Conseil Régional, travaille depuis 2004 au sein de la commission « Démocratie ». Forte de son passé et ses expériences associatives, militantes, professionnelles et politiques, elle s’efforce de poser les problématiques liées à la démocratie participative à l’échelon régionale. Il existe plusieurs façons de les concevoir :

– les initiatives peuvent venir de la base : participation des habitants dans le budget de la ville par exemple ;
– les initiative peuvent venir d’un « management participatif », de « cercles de qualité », ne participant alors pas de manière directe à la démocratie régionale ou locale ;
– les élus doivent être des facilitateurs de la prise du pouvoir local par les citoyens.

Partant de la question de base « comment faire vivre la démocratie participative au sein de la démocratie élective », Claire Villiers s’est attachée à cette dernière conception, ne soutenant pas idéologiquement la deuxième, et jugeant la première infaisable vu l’ampleur de la Région. En effet, elle part du postulat selon lequel l’électeur ne doit pas se délester de son pouvoir après avoir voté et que le partage du pouvoir entre élus et citoyens est primordial. Alors, comment, en tant que citoyens, reprenons-nous notre pouvoir en main ? Comment les élus peuvent-ils êtres facilitateurs de cette prise du pouvoir ? Cette conception est malheureusement peu partagée par ses collègues, même élus de gauche. Les élus craignent-ils de perdre leur pouvoir ? Selon Claire Villiers, ils le conserveraient ! La manière dont le Schéma directeur de la Région Ile-de-France (Sdrif) a été établi montre bien l’importance de la participation des citoyens dans la vie locale et de celle des liens entre élus et électeurs.

Conformément au programme de la majorité élue, le nouveau Sdrif vise à rééquilibrer la région, réduire les inégalités, mieux préserver les ressources naturelles. La délégation à la démocratie avait proposé d’élaborer le projet du Sdrif dans un partenariat avec des experts, des associations, des syndicats, des entreprises et des citoyens. Malheureusement, les débats avec les citoyens ont été négligés. Résultat ? La population ne connaît pas ce projet, voté en février 2007. Or, le Sdrif rencontre actuellement une forte opposition du Medef, de certains Conseils généraux et du Chef de l’Etat lui-même. Le Conseil régional n’a pas d’autres solutions que de négocier avec ses opposants sans la moindre force citoyenne derrière lui, faute d’avoir su la mobiliser à temps.

Ci-dessous deux domaines sur lesquels travaille Claire Villiers pour faire progresser la démocratie participative :
– 1. Comment impliquer dans la démocratie locale les citoyens-travailleurs qui résident très souvent dans un endroit différent de celui où ils travaillent ? Si le citoyen est un habitant, c’est pourtant par le travail qu’il devient véritablement acteur. L’un des objectifs des actions menées par la délégation « démocratie » est donc de mettre le travail au cœur de la démocratie, sinon on risque de ne s’occuper que du subsidiaire.

– 2. Comment devenir autonome, condition essentielle de l’éducation démocratique ? Claire Villiers répond à cette question en agissant sur la mise en réseau des formations populaires et en revitalisant l’éducation populaire. Il faut reconstruire une conscience critique qui doit s’exercer même sur les actions de démocratie participative, car certaines sont manipulatrices. Les citoyens dans leur diversité (sociale, de sexe et d’opinion) ont plusieurs manières de répondre à un problème. Il faut construire des lieux de parole collective où ceux qui ont peu souvent la parole seront suffisamment représentés.

Avec un recul critique, Claire Villiers présente quelques-unes des expériences mises en œuvre dans la région :

– Le conseil des jeunes avec 140 participants volontaires, âgés de 15 à 23 ans, tirés au sort pour représenter la diversité des catégories socio-professionnelles (salariés, lycéens, collégiens, chômeurs, apprentis, étudiants…) et des départements. En raison d’un manque de moyens, il a partiellement échoué (un demi poste d’animateur en Ile-de-France, contre 12 pour le conseil des jeunes de Paris !).
– le conseil de l’égalité avec 35 experts, choisis par le président. Son rôle est de proposer un plan de lutte contre les discriminations et des réflexions sur les identités multiples.
– l’observatoire des engagements, composé de 110 membres volontaires. Il débutera ses activités après les élections municipales. Il sera chargé de surveiller les engagements pris pendant la campagne électorale du président.
– le fonds régional de développement de la vie associative qui a pour but d’aider les associations à se mettre en réseau. La priorité de Claire Villiers est ici de créer des synergies militantes entre syndicats et associations.

L’accomplissement des différents projets n’est pas aisé, notamment du fait de la lourdeur administrative du Conseil régional et de la mauvaise circulation des informations. Pour Claire Villiers, il faudrait territorialiser les services de l’administration francilienne, via des maisons franciliennes et des bus franciliens créés sur le même modèle que les bibliobus. Claire Villiers veut laisser, après son passage aux affaires de la région, des dispositifs durables de démocratie participative.

Face aux difficultés de faire progresser une démocratie participative au niveau de la Région notamment passant directement par la base, Claire Villiers appuie ses actions sur des réseaux organisés. Néanmoins, l’objectif primordial est de mettre en place des structures qui perdureront au-delà de son mandat afin de donner sens à la souveraineté populaire.

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