Publié le 16/02/2010
Par Marie Lauras, Caroline Laval et Nathalie Loppinet, Groupe de Dijon
A l’issue de l’atelier national Modes de vie actuels, trois participantes réfléchissent sur ce que représente l’engagement pour les nouvelles générations.
A l’heure du bilan de l’atelier national « Modes de vie actuels », Bernard Langevin, son initiateur et coordinateur, ne cache pas son étonnement : « une vingtaine de personnes s’étaient déclarées intéressées par la proposition, mais nous n’étions guère plus de 8 ou 10 à chaque fois, et jamais les mêmes ! » De fait, hormis les deux animateurs, seules trois personnes ont participé aux quatre ateliers, une à trois et les autres à deux, les plus assidus étant plutôt de jeunes retraités, et les « papillons » plutôt des femmes de moins de 40 ans, du moins en ce qui concerne les trois Dijonnaises que nous sommes.
Cet atelier est-il révélateur d’une opposition de modes de vie entre deux générations ?
Un engagement en pointillé
Doit-on voir dans ce suivi en pointillé une des marques de l’individualisme ambiant de notre société et du manque d’engagement des générations post-soixante-huitardes (au sens de « né après 1968 »)…?
Ecartons d’emblée l’hypothèse première d’un manque d’intérêt, car chacun a beaucoup apprécié la richesse stimulante des journées auxquelles il a participé.
Concrètement les raisons, bonnes ou mauvaises, pour lesquelles nous avons manqué un ou deux ateliers peuvent se résumer à celles-ci :
• conflit d’emploi du temps avec d’autres engagements personnels ou ceux d’un autre membre de la famille ;
• fatigue, sentiment d’être débordé(e) et nécessité de faire une pause.
Le nouveau rapport au temps
Ceci nous plonge directement dans notre rapport au temps : nous en manquons toujours ! Ce n’est pas un scoop mais bien le leitmotiv qui caractérise le mode de vie contemporain.
Rappelons brièvement les transformations sociales qui affectent directement notre quotidien :
• le travail des femmes, et donc des deux membres d’un couple ou des deux parents d’une famille, ce qui déplace dans le « temps libre » du week-end et des soirées tout ce que l’un(e) effectuait à la maison pendant que l’autre travaillait
• la mobilité professionnelle qui conduit à l’éclatement géographique des familles et à la baisse des solidarités intrafamiliales, en particulier pour la garde ponctuelle, mais ô combien parfois soulageante, des enfants
• la pression sociale accrue vis-à-vis des parents, qui doivent avoir des enfants performants dans tous les domaines et les poussent ainsi à multiplier les activités sportives et culturelles
• le développement de la société de loisirs et de ses nombreuses sollicitations qui viennent se glisser dans l’emploi du temps hebdomadaire, entre le temps professionnel et le temps dit domestique.
On pourrait sans doute continuer à énumérer les évolutions sociétales qui ont transformé notre rapport au temps et font qu’au mois de juin les parents, épuisés entre kermesses, spectacles, fêtes de fin d’année, n’ont qu’une phrase à la bouche : « nous sommes débordés, nous n’en pouvons plus, vivement les vacances pour se reposer avant de reprendre ce rythme infernal l’année prochaine… »
Les adultes célibataires partagent également ce sentiment, eux aussi très occupés entre activités et engagements, et sollicités de toutes parts…
Quel engagement aujourd’hui ?
D’ailleurs, plutôt que de réfléchir à notre absence aux ateliers, nous pourrions aussi réfléchir à notre présence : pourquoi, écartelés parfois comme nous le sommes, avons-nous pris le temps de passer deux dimanches à Paris pour réfléchir à nos modes de vie ?
Parce que ceux-ci nous interrogent, parce que nous voulons prendre le temps de la réflexion et du recul, parce que nous voulons échanger avec d’autres pour avancer collectivement, parce que nous sommes engagés dans LVN et parfois ailleurs…
En étant là pour ces deux journées, nous avons reçu et donné. On peut certes voir une forme d’individualisme dans cet arrangement contrastant avec l’engagement militant de nos aînés qui viennent coûte que coûte…
Mais c’est un fonctionnement qui colle à la réalité des modes de vie et des attentes des générations actives d’aujourd’hui : pouvoir s’investir ponctuellement sans prendre un engagement qu’on craint de ne pouvoir tenir, « venir quand on peut » et aussi « dès qu’on peut ».
C’est d’ailleurs le principe de fonctionnement des ateliers LVN par opposition à celui des frats, en tout cas celui que nous avons adopté et que nous revendiquons pour nos ateliers dijonnais que nous souhaitons ouverts à tout moment au plus grand nombre.
« Vient qui veut quand il peut », cela peut certes être déstabilisant, voire source d’angoisse (« qui sera là aujourd’hui ? »), et nécessite pour l’animateur de grandes facultés d’adaptation ; mais cela laisse aussi la place à la richesse de regards un peu décalés et d’échanges vivifiés par la composition à chaque fois renouvelée d’un groupe.