Publié le 16/02/2010
Par François Desplanques, Secteur Spiritualité
Notre ami Roby Bois a été pasteur à Menaâ, au cœur des Aurès, entre 1948 et 1959. En 2004, au soir de sa vie, 50 ans exactement après le déclenchement de ce qui allait devenir la guerre d’Algérie, il décide avec Jeanne, sa femme, de retourner dans la vallée de l’oued Abdi, là où, dit-il, il est né pour la seconde fois. Sous la grêle des démentis est le voyage de ce retour au pays et dans la mémoire, tout à la fois pèlerinage et témoignage.
Avec émotion, amour, humour, ferveur, Roby raconte ce qu’a été pour lui la découverte du pays chaouïa, l’apprentissage de sa langue, la rencontre de cette population musulmane, très pauvre, à la fois fière et humiliée, à un moment crucial de son histoire. Il témoigne – témoin direct – des premières heures du soulèvement et des années qui allaient suivre, avec leur cortège d’horreur, et en particulier de son difficile combat contre la torture, s’appuyant sur des articles, quelques cahiers retrouvés où il notait événements, rencontres, discussions. Sa lettre à Jacques Soustelle, citée en annexe, est un bel exemple de lucidité et de courage.
Cette rencontre avec le peuple chaouïa a été « une longue marche » qui l’a lentement mais profondément transformé. « Une conversion ». Lui qui était arrivé comme jeune missionnaire, fort de sa foi protestante, avec beaucoup de générosité et de naïveté, découvre la riche humanité et la foi des autres, qu’il n’idéalise pas mais qu’il se garde bien de mépriser. Il découvre la vanité des confrontations théologiques, l’importance de l’amitié mais aussi de la réflexion politique et du service. Encore ce dernier ne doit-il pas être conçu à sens unique sinon il se dégrade en paternalisme. Passer du faire pour au faire avec. Et la foi en Jésus dans tout cela ? Roby s’en explique, parvenu ou presque au terme du chemin : « Pour moi, l’effet Menaâ, l’athéisme dans la-foi-de-Jésus, peut-être, Dieu sait. En tous cas, un dieu de la vie et des vivants. »
Mounier, La Vie Nouvelle, ne sont pas absents de ces pages même s’ils n’occupent pas la première place. Ce que j’ai aimé dans ce livre, c’est l’authenticité, la générosité, l’esprit de dialogue (avec les habitants du village, avec la petite Nadège qui de loin en loin interroge son grand-père), la vigueur et la chaleur de l’amitié (avec le Cadi, avec Germaine Tillion, avec Pierre Claverie et tant d’autres), le grand chant de la célébration – Roby aime Saint-John Perse ! – de la beauté du monde et de l’humanité de l’homme, malgré la grêle, malgré les démentis.