La poésie, un chemin vers l’humain

Publié le 07/10/2009

Propos recueillis par Yvonne Toussaint, comité de Rédaction


Janine Bastide est écrivain, animatrice d’écriture. Qu’est-ce que la poésie pour toi ?

Je suis une contemplative, je passe par l’œil, qui donne sa couleur au monde.

La poésie est le regard que je porte sur le monde. En poésie, il s’agit de dire – et non de raconter. Dire quelque chose de fort, dire soi. Son rapport au monde. La poésie va directement à l’essentiel. C’est une attitude. Une posture.

Dans les ateliers d’écriture que tu animes, fais-tu une place particulière à la poésie ?

Mes propositions d’écriture laissent toujours place à ce qui va déclencher l’expression. Même si je donne une consigne précise sur une forme à observer, chacun la décline selon son propre penchant : poésie, prose, fragment, nouvelle, ou autre.

Chacun se met en écriture – mais pas de manière frontale. Un détour est nécessaire pour atteindre le centre. Et chacun rejoint son propre espace. Son noyau.

Dans un groupe, est-ce que tous les participants arrivent à écrire ?

Je n’ai jamais vu quelqu’un rester devant une feuille blanche. Nous avons tous en nous des mots qui ne demandent qu’à venir noircir la feuille. Bien évidemment il faut aussi le moteur du désir…

Chacun sait ce qu’il a à dire. Toutefois, il ne suffit pas de s’exprimer pour faire de l’écriture. Écrire, c’est travailler le matériau langue. Comme dans toute pratique artistique, il y a un mélange de travail et de lâcher prise.

Lors des lectures, je ne me lasse jamais d’écouter l’autre, la parole est chaque fois nouvelle. Cela a quelque chose de magique.

Où se situe la limite entre expression personnelle et thérapie ?

Je ne fais pas de thérapie. Il s’agit, avec l’écriture, de prendre soin de soi, d’accéder à sa part personnelle. On devient plus humain.
L’écriture donne forme – c’est un art. Et l’art fait partie de notre dimension spirituelle – peut-être qu’à ce titre s’agit-il d’art thérapie ?
Quand je travaille avec des malades mentaux, je me présente comme un écrivain. Je témoigne de ce qu’est l’écriture pour moi. L’écriture en tant qu’objet. Et j’éprouve une joie immense à voir le chemin parcouru par des personnes dont l’univers psychique est parfois morcelé.

La narration « contient » la personne, c’est un véritable cheminement vers l’unité qui se fait au fil des ateliers. L’écriture donne forme à notre magma ou chaos.

On est là sans être en morceaux – le texte réunifie.

Comment naît un climat de poésie ? est-ce que l’entrée d’un groupe en poésie aiguise la sensibilité des participants ?

Dans l’atelier d’écriture, il y a rapport au groupe – à l’autre. Il y a un cadre – c’est un acte social. S’établit alors un rapport à la liberté – à la contrainte – aux règles… Et à l’écoute. Écoute de soi – du texte – de l’autre – on n’est pas seul.
On aiguise son œil et ses perceptions.

L’écriture aurait-elle le pouvoir de nous transformer ?

L’écriture ne fait pas place seulement au travail des mots, mais à celui de la personne toute entière. Il y a inscription d’une trace.

Dans l’écriture, on est en posture d’auteur – on signe – on fait sa marque. On a un pouvoir – sur les mots, sur la langue, sur soi. Il y a un travail de pensée, de représentation qui permet d’être auteur de son histoire.
En même temps qu’on construit le texte, on se construit – on trouve une place.

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