Mulhouse: voyage en démocratie

Publié le 16/01/2009

Par Michèle Le Bars du Secteur Politique.

« Ici, il n’y a pas le maire et des élus providentiels. Il ne s’agit pas seulement de travailler « pour » les gens, les élus travaillent « avec » eux ». C’est ce que nous disent neuf habitants-citoyens de Kingersheim qui ont passé une après-midi avec nous dans la salle du conseil municipal.


Autant dire que nous sommes dans un bain de démocratie locale différent de bien d’autres ! Un bain d’utopie ! Certains l’appelleront « démocratie de fraternité » tant le sens donné à l’action politique locale par le maire Jo Spiegel est  inspiré. D’autres diraient « démocratie de proximité » ou « démocratie participative », même si le riche contenu de ce mot semble déjà usé parce que souvent réduit à des gadgets.
Après ce que nous avons perçu en trois jours de visites et de rencontres intenses, c’est très certainement le terme un peu ingrat mais si riche de « démocratie d’exigence » qui est vrai. Une exigence réciproque des élus et des citoyens, tout l’inverse du simplisme et de la démagogie. Un travail constant autour des projets : coproduits par les habitants, ils sont accompagnés dans une longue maturation en concertation avec eux, la décision finale restant bien sûr aux élus qui en ont reçu le mandat. Ainsi un an de discussions… et de bagarres pour que le club de foot accepte d’être dans la même maison que l’association cycliste ! Il faut accepter que la participation des habitants « retarde » les projets d’un an et demi. Etre gestionnaire bâtisseur, c’est facile, être ouvriers du vivre ensemble, ça se construit. Et la construction est loin d’être achevée : 330 habitants (sur 13 400) ont cheminé avec la municipalité, pour Jo il en faudrait plus. Comme ailleurs, jeunes, cadres, ouvriers sont peu présents dans le débat.
Voilà 3 mandats que Jo Spiegel et son équipe font un travail de pionniers. D’après lui, le changement se fera sur des générations. Un livre-recueil d’expériences et indiquant quelques règles du jeu semble en préparation. Une contribution a été rédigée avant le congrès du Parti Socialiste à Reims « Améliorer nos pratiques démocratiques pour mieux vivre ensemble [[1 – www.parti-socialiste.fr]]» Tout cela est si neuf et original qu’on s’étonne que les chercheurs en sciences sociales ne s’intéressent pas de plus près à ce qui se passe à Kingersheim et à la communauté d’agglomération de Mulhouse.

Car là aussi, à la CAMSA[[2 – Communauté d’Agglomération Mulhouse Sud-Alsace]], il y a du neuf ! Une démarche de coopération entre communes et pas de rivalités de clochers où chacun ne rechercherait que son propre intérêt. Ainsi, afin d’aider les petites communes incapables de financer le temps périscolaire, celui-ci a été pris en charge par la Communauté. Ce n’est malheureusement pas ce qui se passe sur le territoire, où sur un même bassin de vie il y a quatre regroupements intercommunaux différents tant certains refusent de partager, par exemple, la manne financière liée à la présence de Peugeot.

La Vie Nouvelle a fait un vrai travail d’éducation populaire sur la démocratie locale : après le colloque « La politique autrement », en janvier 2000, il y eut les réflexions autour des municipales 2001 avec l’ADELS sur les règles du jeu d’une démocratie participative, la rencontre avec Jo Spiegel en juillet 2007, une session sur la démocratie de proximité en janvier 2008 et maintenant une vraie rencontre de terrain.

On peut être assez optimiste sur l’amélioration de la démocratie locale en France. Il y a des évolutions, plus d’expériences réussies, un sens plus mûr de la complexité, du temps nécessaire pour faire évoluer les pratiques, pour faire ‘maturer’ un projet. Est-ce que cette évolution est due à la parité instaurée depuis 2000 sur les listes municipales des grosses communes, à la loi de février 2002 rendant obligatoires les conseils de quartier pour les villes de plus de 80 000 habitants, à la naissance des communautés d’agglomération (1999) et de communes, à l’instar de ce qui a été fait à Porto Alegre vulgarisé par les forums sociaux mondiaux, à l’efficacité décisionnelle des pratiques participatives au point que les entreprises elles-mêmes ont « récupéré » et popularisé ce thème ?

A Kingersheim la démocratie citoyenne vaut son pesant d’or par rapport à une simple démocratie élective. Mais comme dit Jo Spiegel « la participation est de l’ordre de la culture, pas de la nature ».
Pour nous une interrogation demeure : cette difficile réussite est-elle transposable ou bien ne repose t-elle pas sur le charisme et l’énergie exceptionnelle d’un maire et de l’équipe fidèle qu’il a su constituer ?

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