Rencontre avec de bien remarquables fermiers

Publié le 07/11/2007

Alain Lhuilier, groupe de la Vallée de la Bièvre

Les Stauben sont des fermiers surprenants. Agés d’une cinquantaine d’années ils ont réussi en 30 ans à adapter leur entreprise familiale au monde d’aujourd’hui et surtout à celui de demain en rebondissant sur des thèmes où je ne les attendais pas vraiment.


Evolution rapide des techniques agricoles, adaptation de l’offre à la demande et à la PAC[[PAC : Politique Agricole Commune]] européenne, professionnalisation de la comptabilité/finance, gestion de l’espace rural et de projets, crise de « la vache folle »… Face à des questions aussi fortes, l’immobilisme, le repli sur soi ou une adaptation trop lente ont été fatals à beaucoup d’agriculteurs allemands.

C’est la sensibilité des Stauben aux questions énergétiques, puis leur capacité et leur détermination à expérimenter concrètement de « belles idées » qui a probablement permis à l’exploitation familiale d’il y a 30 ans non seulement d’exister aujourd’hui mais aussi d’être très visitée.

De la révolte à la recherches d’alternatives concrètes

Comme nous l’a expliqué notre accompagnateur (lui-même cofondateur de cette mouvance), c’est le creuset de la lutte contre les centrales nucléaires qui a fait se rapprocher autour de Fribourg il y a 30 ans des écologistes, des universitaires et des agriculteurs.

L’expérimentation d’alternatives concrètes en matière d’énergies nouvelles a permis ensuite des partenariats élargis et réussis avec des entreprises (Solar-Fabrik est devenue en 15 ans une multinationale du panneau solaire…) ou avec la sphère politique (conception et expérimentation à grande échelle à Fribourg d’un urbanisme original ; élection d’un maire « vert » à Fribourg …).

Un environnement rural entretenu utilement :

– la densité de population en Allemagne étant très supérieure à celle de la France (230 hab/km2 contre 110) ; cela a peut-être amené les Allemands à s’intéresser assez tôt à la gestion de l’espace rural.
– 50% environ des forêts du Bade Wurtemberg appartiennent à des propriétaires privés, les Stauben ont choisi sur les 35 ha de bois qu’ils exploitent de collecter les déchets de bois. Ils produisent ainsi 7 m3 de bois broyé par ha et par an. 100 m3 de ce bois broyé sont utilisés par la ferme pour ses besoins de chauffage (soit l’équivalent de 7000 l de fioul) ; le reste est vendu à des utisateurs de chaudières automatiques au bois (coût pour ces utilisateurs : 1 500 € par an de bois contre
3 500 € par an de fioul à surface identique).
– En faisant cela ils ont atteint au moins deux buts : améliorer l’entretien du parc forestier privé et créer une source d’énergie renouvelable économiquement viable.

Une laiterie qui ne produit pas que du lait :
– les 45 ha de prairie de la ferme permettent d’alimenter 45 génisses et 45 vaches laitières.
– 900 litres de lait à 38°C sont produits chaque jour ; une pompe à chaleur lait/eau abaisse de 38°C à 4°C le lait produit et récupère cette énergie pour les besoins de la ferme (soit l’équivalent de 1 500 l de fioul par an).

Une ferme qui produit plus d’énergie qu’elle n’en consomme :
– une troisième source d’énergie vient d’être mise en place à la ferme : environ 300 m2 de capteurs solaires photovoltaïques ont été installés sur le toit sud ; coût de cet investissement (le plus lourd de tous) : 113 000 € ; 30 000 kWh d’énergie solaire seront produits par an vendu 0,49 € le kWh (contrat sur 20 ans avec le distributeur d’électricité).
– Au total la ferme produit 140% de l’énergie qu’elle consomme.

Une expérience visible : l’éolienne
– Là on change d’échelle ; la famille Stauben a loué pour 20 ans une prairie située au sommet d’une colline ; un groupe de 142 personnes a financé (fonds propres = 1,28 million d’euros ; emprunts = 2,9 million d’euros sur 12 à 15 ans) la construction sur cette prairie d’une éolienne de 315 tonnes et 85 mètres de hauteur.
– 16 millions de kWh ont été produits par l’éolienne depuis sa construction il y a 6 ans ; cette énergie éolienne est vendue 0,091 € le kWh (contrat sur 20 ans avec le distributeur d’électricité) ; pour l’instant le produit de la vente rembourse (plus vite que prévu) les emprunts.
– Une fois les emprunts remboursés, soit les 142 investisseurs prennent chaque année les bénéfices (rentabilité environ 17%… si le prix de l’énergie n’augmente pas), soit ils réinvestissent (projets divers à débattre) ; soit ils font un peu les deux.

N’oublions pas l’agri-tourisme

Nous en étions en effet les acteurs cette semaine-là.
Une occasion de découvrir, de débattre en direct et pourquoi pas d’emporter « des produits de la ferme ».
Bien davantage qu’au monde d’aujourd’hui, c’est un peu au monde de demain que les Stauben semblent s’être de fait préparés. ARVEL (l’organisateur de nos visites) ne s’y est d’ailleurs pas trompé ; la visite de plusieurs centaines de visiteurs dans cette ferme et son éolienne chaque année en témoigne.

Une belle histoire en somme à laquelle j’ajoute toutefois une réserve [[les chiffres fournis sont ceux donnés par nos guides successifs]]
et je nous adresse deux interrogations :
– quel pourra bien être le prix de l’énergie dans 15 ans ?
– De retour en France nos visites vont-elles nous inspirer de nouveaux débats ? Des expérimentations pratiques ? Rien d’important ? Et dans quelle proportion tout cela ?

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