Une économie de rêve !

Publié le 16/05/2007

Jean-Baptiste de Foucauld, président de Solidarités Nouvelles face au Chômage

Après la campagne animée et féconde de l’élection présidentielle de 2007, le pays prit soudain conscience de quelques évidences longtemps tues ou négligées. Les désirs d’argent, de consommation étaient stimulés de toutes parts bien au-delà des possibilités réelles de les satisfaire. La recherche de l’abondance matérielle illimitée pour tous était un mythe dangereux et écologiquement incompatible : le superflu des uns s’acquérait, en fait, aux dépens du nécessaire ou même du vital des autres. La personne humaine, dans sa dimension matérielle, avait été peu à peu mise au service de l’économie de marché, alors que l’inverse doit prévaloir. Un rééquilibrage global s’imposait. Un nouveau concept de richesse était nécessaire. Il fallait un nouveau principe organisateur, une nouvelle rationalité qui concilie créativité, solidarité et écologie.


On se rallia peu à peu au principe de « l’abondance frugale ». Frugale et solidaire. Solidaire parce que frugale. On comprit grâce à cet oxymore qu’il fallait sortir de la pensée borgne et transformer les contradictions en complémentarités. L’aspiration à l’abondance devait être compensée par un principe de frugalité. C’était la condition de la solidarité. Une sorte d’obligation morale collective pour que chacun puisse accéder à ce qui, pour lui, est essentiel. Un essentiel qui varie d’un individu à l’autre, d’un moment de sa vie à l’autre. Et qui repose fondamentalement sur un équilibre à trouver entre les besoins matériels, satisfaits par l’activité professionnelle, les besoins relationnels, qui relèvent des dons et contre dons maintes fois répétés, et les besoins spirituels, qui exigent du temps long d’intériorité. Les économistes convinrent que la bonne économie, science des besoins, devait accepter précisément d’accorder une égale valeur à ces trois dimensions de la personne humaine. Le marché devait être régulé pour permettre à chacun d’accéder à cet essentiel qui lui permet de donner le meilleur de lui-même et de rendre ainsi à la collectivité autant et même plus que ce qu’il a reçu d’elle.

La France devint ainsi promotrice, en Europe notamment, d’un autre développement compatible avec une mondialisation juste. Elle commença par se l’appliquer à elle-même. On comprit que si l’emploi ne réglait pas tout, le chômage déréglait tout. Le plein emploi de qualité devint une priorité collective réellement partagée par tous les acteurs économiques et sociaux : le droit pour chacun à un travail à temps choisi, qui ait du sens, avec une bonne couverture sociale, dans un environnement sain et esthétiquement stimulant devint un impératif national. Un pacte social organisa la première étape : maintien des prélèvements obligatoires à un niveau élevé, mais orientation volontariste de ceux-ci vers le retour à l’emploi. On accepta collectivement de payer le prix de ce plein emploi de qualité : on démocratisa l’initiative, en instituant un capital initiative financé par une cotisation versée par ceux qui bénéficient de la créativité des autres ; les salaires furent moins fixés de manière réglementaire ou discrétionnaire et plus par des négociations salariales responsables visant à optimiser le couple pouvoir d’achat-emploi ; le travail à temps partiel subi fut peu à peu résorbé et le droit au temps choisi, sans pénalité ni précarité, institué. Cela fit partie d’un nouvel équilibre entre sécurité et flexibilité qui se traduisit non par la simple sécurisation du parcours, mais aussi par leur multiplication, leur diversification, leur qualification, une priorité étant donnée à ceux qui sont privés de parcours, les demandeurs d’emploi. Ceux-ci, peu à peu, s’organisèrent et prirent part au débat social, côte à côte avec les syndicats. Ils contribuèrent notablement à ce que le service public de l’emploi soit profondément réformé et simplifié et le régime de l’assurance chômage amélioré : les chômeurs furent indemnisés plus vite, fortement accompagnés dans leurs recherches et orientés vers des formations longues et qualifiantes correspondant à leurs vocations et aux emplois disponibles. Les agents publics qui bénéficient de la sécurité de l’emploi convinrent volontiers de progressivement cotiser à l’assurance chômage comme les salariés ordinaires. Afin que ces efforts soient équitablement partagés, on taxa davantage les profits dûs à des taux de rentabilité excessifs et les actionnaires, plus responsables, mirent fin aux rémunérations injustifiées des dirigeants de sociétés. On commença même à envisager de financer les abonnements qui donnent accès aux grands réseaux collectifs (eau, gaz, électricité, téléphone, Internet) par une cotisation calculée en fonction du revenu, là où l’ancien tarif, établi en fonction des coûts, gênait considérablement les personnes à faible revenu.

La France, ainsi, peu à peu sortit de son pessimisme. Sortant de sa paresse collective, elle reprit confiance en elle. Elle avait retrouvé une vocation.

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