Consommateurs mais citoyens

Publié le 05/11/2010

Interview de Jean-Michel Bourdin, Comité de rédaction par Yvonne Toussaint


Citoyens : Tu es depuis de longues années adhérent à l’Union Fédérale des Consommateurs-Que Choisir. Quelles sont les raisons d’adhérer à une association de défense des consommateurs ?

Au départ, on s’engage par conviction, ou par intérêt personnel. Pour un nombre non négligeable de personnes, l’adhésion résulte d’une obligation liée à la demande d’assistance pour un dossier ou un litige. Pour ma part, il s’agit d’un engagement militant au même titre que pour un syndicat. Depuis 9 ans, j’interviens pour traiter des dossiers de litiges, et pour organiser des enquêtes dans mon secteur, soit le sud des Hauts-de-Seine.

Cit. : Peut-on considérer que l’U.F.C.-Que Choisir est un contre-pouvoir ?

Un des objectifs de l’U.F.C. est d’agir pour faire évoluer la loi, au niveau national et européen, pour l’adapter aux besoins sans cesse nouveaux des consommateurs, à l’évolution de la société. Je pense notamment à l’utilisation d’Internet, au e-commerce, au téléchargement de musique ou de films, à la téléphonie mobile, aux nouveaux modes de vacances…. Il s’agit de permettre aux consommateurs de consommer mieux et d’améliorer leur protection.

Cit. : Comment agit l’U.F.C.?

Pour connaître exactement les besoins des consommateurs, nous menons des enquêtes, anonymes bien sûr, sur le terrain, dans les grandes surfaces, les garages, chez les médecins ou les pharmaciens, dans les magasins bio ou les surfaces de jardinage ou de bricolage, les restaurants.. Grâce à notre réseau de 170 associations locales, nous obtenons en moins de deux semaines des données fiables, et en tirons des conclusions que les ministères de tutelle ne savent pas ou préfèrent sans doute ne pas connaître.

A partir de ces donnée, l’UFC demande très souvent une réforme des normes, des lois et textes réglementaires. Elle agit en faisant pression sur les décideurs, pouvoirs publics, parlementaires, et au sein du BEUC (Bureau européen des unions de consommateurs), en faisant du lobbying auprès des instances de Bruxelles. Je n’apprécie pas vraiment ce mode d’action parce qu’il ne me paraît pas démocratique, mais je reconnais qu’il est efficace, et malheureusement nécessaire, dans le contexte actuel.

Cit. : En quoi une association est-elle plus légitime à faire valoir le droit des consommateurs qu’un secrétariat d’État à la consommation ?

A mon avis, le secrétaire d’État à la consommation se préoccupe moins de l’intérêt des consommateurs que de celui des industriels, producteurs et distributeurs de services. En outre, des secteurs tels que la santé ou les questions agricoles ne sont pas directement pris en charge par les ministères correspondants.

L’UFC au contraire, aborde ces questions dans leur globalité. J’y vois une approche que l’on connaît bien à LVN.

Cit. : Sur quoi repose l’efficacité de l’U.F.C.-Que Choisir ?

Je te propose deux éléments de réponse, d’une part sa large audience, et d’autre part son expertise reconnue. Évoquer son nom est un « sésame ouvre-toi » qui permet de débloquer bien des situations.

Cit. : Quel est ton domaine d’intervention ?

Au sein d’une équipe, mon action consiste à traiter les litiges des consommateurs de dix communes de mon département, autrement dit à aider les personnes qui éprouvent des difficultés avec leur artisan, leur garagiste, leur banque ou leur assureur. La palette est quasi infinie, de l’agence matrimoniale à l’opérateur téléphonique, en passant par le cabinet immobilier, sans oublier la grande surface.

Cit. : Comment agis-tu ?

Nous proposons d’aider le consommateur à rédiger un courrier au professionnel, mais le plus souvent, j’écris directement, car la lettre avec le logo UFC-Que Choisir a du poids. Et avec l’expérience, on sait ce qui a de bonnes chances de se régler.

Cit. : Vous prenez en compte toutes les demandes ?

Nous nous abstenons d’intervenir lorsque les différends mettent en jeu deux particuliers, par exemple deux voisins d’immeuble qui se reprochent des nuisances ou un mauvais comportement, ou encore le vendeur et l’acheteur à propos d’un véhicule d’occasion. Toutefois, nous faisons ce que nous pouvons si nous sentons qu’un règlement amiable peut être obtenu sans trop de difficultés.

L’objectif final est d’éviter un procès. Face au professionnel qui a un avocat, le consommateur est mal armé pour assigner en justice. Nous nous substituons de fait aux pouvoirs publics en les déchargeant d’affaires mineures, de quelques centaines d’euros. On peut dire que notre action bénévole allège la charge des magistrats !

De ce point de vue, notre rôle est comparable à celui des conciliateurs de justice, dont l’ambition est d’aboutir à un accord entre les parties, souvent au niveau du tribunal de proximité, compétent pour traiter les différends de moins de 4 000 €. Les conciliateurs jouent un rôle très important dans la résolution des petits litiges civils, et évitent que le juge ne soit saisi. On peut dire qu’ils sont bénévoles eux aussi, tant leur défraiement est minime.

Cit. : Les résultats obtenus sont-ils encourageants ?

Environ la moitié des dossiers que nous traitons (environ 300 par an) ont une issue favorable, encore qu’il s’agisse d’une approximation, car des consommateurs qui obtiennent satisfaction oublient curieusement de nous en informer. C’est bien sûr gratifiant pour l’association, pour nous, les bénévoles, et aussi pour le consommateur qui échappe à une procédure considérée a priori lourde et compliquée.

Mais il arrive que le consommateur soit juridiquement dans son tort, ou que sa demande d’intervention soit trop tardive….

Cit. : Comment définis-tu ton action ?

Je parlerais volontiers de « syndicalisme citoyen ». Je ne cherche pas à consommer plus, mais à être présent au niveau local pour permettre aux gens de faire valoir leurs droits, de se défendre face aux professionnels, trop souvent tentés d’abuser de leur pouvoir.
Si chacun travaille là où il est, on peut faire changer la vie !

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