Pourquoi nous avons besoin d’Europe ?

Publié le 18/03/2019

Table ronde animée par Henri Lastenouse (Sauvons l’Europe), avec Aurore Lalucq (Institut Veblen), Lucile Schmid (La Fabrique écologique), Daniel Verger (responsable du Pôle études-Recherches-Opinion du Secours catholique), Pierre-Yves Le Borgn’ (ancien député, Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe).
Henri Lastenouse introduit sur le besoin d’Europe pour trancher le nœud gordien, comme vient de le rappeler Jérôme Vignon.


Quel doit être, selon vous, le point focal pour relancer l’Europe ?
Aurore Lalucq entame la discussion en affirmant que l’Europe fait un peu de tout, mal. Par exemple elle crée une monnaie unique avec une banque indépendante, mais sans politique monétaire. Ou encore elle met en place une régulation bancaire, en même temps que les États (France, Allemagne…) cherchent à protéger leurs banques. Les États font des « deals » : la France avec la Pologne sur l’utilisation du charbon, en échange de la protection de l’industrie nucléaire. L’Europe ne fait rien face aux nombreux problèmes sociaux, et suggère de lancer un New Deal Vert avec 500 milliards d’euros ; on pourrait le financer en réorientant les fonds du « quantitative easing » mis en place par la BCE lors de la crise de 2008, qui prend fin après avoir injecté 60 à 80 milliards d’euros par an dans le système bancaire. Une grande partie du problème européen est liée au mode de gouvernance, principalement inter-gouvernemental.

Lucile Schmid présente la Fabrique écologique, mouvement transpartisan créé en 2013. L’UE est en avance sur la France pour l’écologie, le droit français dans ce domaine nous vient d’elle. Elle est un acteur majeur en matière de climat depuis les accords de Kyoto (1997). Mais le corpus juridique se heurte aux intérêts des États et aux lobbies de la chimie, de l’automobile… Les questions environnementales restent mineures par rapport aux politiques fondatrices (Euratom, CECA, PAC…). L’UE verse des subventions aux énergies fossiles, la PAC subventionne une agriculture productiviste, les traités commerciaux ignorent l’environnement, bien moins important pour elle que la concurrence. Une image antisociale de l’UE s’est imposée. Il faut davantage articuler questions écologiques et questions sociales. La transition écologique ne sera pas portée par les États-membres, mais par le Parlement sous la pression de la société civile et en particulier la mobilisation des jeunes pour le climat.

Daniel Verger rappelle que le Fonds social européen (86 mil-liards d’euros/an) est principalement orienté vers l’emploi et la formation, en se concentrant vers les régions défavorisées (socle européen des droits sociaux voté en 2017, seulement incitatif), mais 87 millions de personnes dans l’UE vivent sous le seuil de pauvreté. On constate une croissance des inégalités partout en Europe  ; le sentiment de cohésion sociale se délite. Un collectif pour une Europe solidaire a tenu son congrès le 14 mars à Strasbourg : il demande l’accès aux droits fondamentaux, un accueil des migrants qui soit digne, une politique budgétaire en faveur de l’inclusion sociale. Il faut en finir avec le dumping fiscal et revoir la fiscalité, mettre en place un service bancaire d’intérêt général, un plan pour lut-ter contre « les passoires énergétiques ». Il faut recréer des liens, et associer aux décisions les personnes en situation de précarité.

Pierre-Yves Le Borgn’ souligne que les 47 États qui appartiennent au Conseil de l’Europe – dont les 28 de l’UE – ont tous signé la Convention européenne des droits de l’homme de 1950, à laquelle s’ajoutent 200 conventions thématiques. L’adhésion à cette Convention est nécessaire pour entrer dans l’UE et donc le fait de ne plus la respecter (avec l’émergence en Europe de démocraties « illibérales ») entraîne un problème pour y rester.
De plus, chacun des 47 États-membres a accepté de se soumettre à des mécanismes de contrôle indépendants dont la mission est l’évaluation du respect des droits de l’homme et des pratiques démocratiques. D’un point de vue juridique, l’adhésion est prévue pour des États et non pour une organisation internationale. On pourrait imaginer la rédaction d’un protocole à la Convention européenne des Droits de l’homme qui permet-trait l’adhésion d’une organisation internationale (à l’exception des décisions de l’UE en matière de politique étrangère et de sécurité commune) afin que les poli-tiques communes de l’UE soient soumises aux mêmes règles de respect des droits de l’Homme, ceux-ci étant davantage étendus aux droits économiques et sociaux (Charte sociale). La mise en place effective des droits économiques et sociaux est une condition d’acceptation de la démocratie libérale. Il faut également anticiper les défis sur les droits de l’homme que posent déjà le numérique, le changement climatique et la globalisation.
Pour répondre à certaines questions des ateliers, Henri Lastenouse relance le débat en posant aux intervenant cette question :

Si vous étiez candidat quel-les actions porteriez-vous ?
• Lucile : poser aussi la question de la disparition des espèces. Su-jets sur les dieselgates, etc. Il n’y a pas de garantie de l’expertise. Trouver une majorité pour modifier la PAC. Il faut proposer la diminution de certains postes comme la PAC.
• Daniel : il y a des réponses dans le « Pacte social et écologique » que Nicolas Hulot et Laurent Berger ont proposé il y a quelques jours, en particulier sortir les investissements écologiques des déficits de 3 % autorisés.
• Aurore : le prix du carbone s’est effondré sur le marché. Ce n’est pas au marché de fixer les prix, mais à l’UE, en le faisant augmenter. L’investissement serait bien meilleur, contre les passoires énergétiques par exemple. La dette économique n’est pas un problème. Il faut changer d’indicateurs, en utilisant des indicateurs sociaux et environnementaux.
• Pierre-Yves : il faut dire à la chancelière allemande et au Bundestag que la religion des excédents n’est pas un bon principe. Il est utile d’avoir des clients en bonne santé ! Si on arrive en 2040 à stopper l’augmentation des gaz à effet de serre, nous aurons déjà une augmentation de 2 °C d’augmentation et ce sera la perte de contrôle des dérèglements climatiques. Si le prix du carbone reste anecdotique (10 € la tonne) on n’arrivera à rien. Il faut investir massivement pour le stockage de l’énergie et la gestion de l’intermittence en aval de l’énergie solaire. Il faut une charte environnementale européenne. Mais aussi développer une politique migratoire et de développement commune.

Claire Papy, atelier Politique de LVN
Nicole Vaucheret, groupe LVN de Bruxelles

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