Services publics : le bonheur est dans le privé ?

Publié le 08/06/2017

A. J. Pételot


Les services publics constituent un sujet politique fort, souvent mis en avant en période électorale : ce pour des raisons idéologiques ou stratégiques, mais aussi du fait de leur poids dans l’économie nationale, de celui des dépenses du secteur public – et donc des prélèvements obligatoires qu’ils rendent nécessaires. Ces débats sont l’occasion de nous réinterroger sur les services publics : leur rôle, leur utilité, les principes selon lesquels ils sont régis et délivrés…

Que l’État, dans le contexte actuel, fasse la part belle aux acteurs « concurrentiels » qu’il ne tienne plus à rendre ces services au moyen d’agents publics, ressources et propriétés d’État pose question dans la tradition française. Le « service public » y fait référence à la fonction, au service rendu et au statut juridique du fournisseur de service (on a longtemps assimilé services publics et monopoles publics). Or dans les différents États européens, seule est partagée la définition de fonction des services publics, laquelle met l’accent sur les objectifs et les missions des services publics. Outre les services publics administratifs et régaliens, la France a par ailleurs longtemps disposé de services publics à caractère industriel et commercial, hérités des grands services publics nationaux mis en place de façon très volontaire à la Libération.

La notion de service public « à la française » est issue à la fois des contributions de juristes prestigieux au cœur du droit administratif et de la jurisprudence du Conseil d’État, d’apports d’économistes (avec des théories comme celle du « monopole naturel », les concepts d’ »externalités », de « biens publics »…), des constructions historiques et de l’action des syndicats. Cette vision a par ailleurs considérablement évolué au cours du XXème siècle : des établissements publics ont progressivement pu gérer des activités situées en dehors du domaine proprement public, tandis que, à l’inverse, des missions de service public ont été confiées à des organes privés.
Dans cette conception classique, trois principes synthétisent les obligations qui s’appliquent : la continuité ; l’égalité d’accès et de traitement de tous les usagers (ou « neutralité du service public ») – qui implique notamment une péréquation pour que chacun puisse payer le même prix pour un même service, indépendamment du coût de revient dans son secteur – et la « mutabilité » ou adaptabilité, selon laquelle les prestations doivent sans cesse être adaptées aux situations et aux besoins, impliquant des évolutions constantes, la modernisation, l’extension ou la limitation du champ du service.

Notre dossier propose quelques pas dans les voies des transformations qui sont à l’œuvre depuis plusieurs dizaines d’années déjà. Pour mieux nous situer, le premier article de Bénédicte Brunet présente le mouvement dans lequel une « modernisation » des services publics est en cours depuis quelques décennies. Les articles suivants confrontent un panorama des réformes qui ont marqué l’hôpital public, puis deux angles de vue de professionnels directement concernés qui les ont éprouvées dans leurs établissements. Nous irons également voir du côté des « Contrats à Impact Social », modalité française d’introduction ciblée des Social Impact Bonds, mécanismes de financement récemment formalisés et expérimentés pour des missions spécifiques. Les outils numériques et la structuration des partenariats public-privé s’illustreront dans un entretien autour des services publics fondamentaux en Afrique – ouvrant notre réflexion sous un autre angle, avec des défis d’une autre envergure, mais toujours autour des questions de l’accès et de la qualité des services rendus.

Partager cet article :

S'inscrire à la newsletter

Newsletter

Suivez l'actualité de l'Association LVN avec la lettre d'information trimestrielle