La Villeneuve, « Une forteresse pour les voyous ?1 »

Publié le 05/12/2016

François Leclercq
Groupe LVN de Caen

1 – Titre d’un article explosif de l’hebdomadaire Valeurs actuelles

Polémique sur le quartier grenoblois de La Villeneuve. Laboratoire social et urbain pensé comme un progrès de l’urbanisation, ou fiasco lamentable comme le dénonce la droite surtout après les événements de 2010 « Une forteresse pour les voyous ! » (voir encadré).
Notre petit groupe a rencontré Martine Jullian, géographe, qui a choisi d’habiter le quartier par choix militant autant que par goût. Quartier agréable fourmillant d’idées originales.


20 minutes de tram et nous voilà à La Villeneuve, 11 hectares, 11 000 habitants, 4 200 logements dont 50 % en habitat social. Nous gagnons la maison de quartier où nous attend Martine Jullian, conseillère municipale déléguée au Patrimoine historique et à la mémoire.
Témoin de sa création, elle connaît bien ce quartier qu’elle habite depuis une trentaine d’années, quartier qu’elle aime et dont elle se fait le défenseur sans pour autant nier les problèmes graves qui le menacent.

Une équipe municipale de créateurs
Le projet de La Villeneuve a été conçu par l’équipe d’Hubert Dubedout dès son arrivée aux commandes en 1965 et sa construction s’est étalée sur la décennie des années 1970.
« C’était un ambitieux projet à triple facette : projet politique, projet pluridisciplinaire et projet de vie. En 1980, on déménageait volontairement pour venir s’y installer ». C’était le laboratoire du progrès, la concrétisation des espoirs sociaux et urbains.
Dubedout voulait faire de La Villeneuve une véritable ville et non un quartier dortoir. Il voulait tous les services à proximité, tous les commerces, les loisirs, la culture, le cinéma, le théâtre, les stades, les espaces verts.
De plus l’équipe municipale entendait être promotrice de la mixité sociale ; toutes les classes sociales devaient pouvoir s’y retrouver. « C’était une utopie », nous dit Martine Jullian.

Une ambition urbanistique et architecturale
Réserver des espaces verts conséquents était fondamental. Donc il fallait construire en hauteur, par exemple des immeubles de 18 étages. Mais pour éviter des surplombs désespérants, les urbanistes ont imaginé un vaste terrain parsemé de buttes arborées. « J’ai habité au 11ème et, avec les montagnes en arrière-plan, ça ne faisait pas vertigineux ».
On construit en hauteur les logements, mais tout ce qui est équipement est horizontal : tout est conçu autour d’une rue, une galerie au niveau d’une dalle sépare trafic automobile et circulation piétonne.
On prévoyait des logements confortables, sans vis-à-vis. Des logements traversants, conçus en duplex pour isoler la partie nuit.

Les géants et les Malassis
La dimension artistique n’est pas oubliée. La visite nous fera tomber sur l’œuvre majeure de La Villeneuve : des Géants, vastes sculptures en pierres et en briques, sur lesquelles les enfants et les curieux peuvent jouer ou devant lesquelles nous nous sommes photographiés avec un plaisir non dissimulé.
Autre œuvre majeure du quartier : une grande fresque peinte s’inspirant du Radeau de la Méduse, tournée vers l’expression du naufrage de la société commerciale et capitaliste. Provoquant une continuelle polémique, la fresque fut finalement recouverte en 2000, lors de la rénovation de la Grand Place. Nous n’en verrons que la trace.
Nous visiterons également L’Espace 600, centre d’action culturelle, géré avec l’aide d’une association des usagers en lien avec la municipalité.
… Sans oublier le Bar associatif, Le Barathym, administré par une association créée par la municipalité. L‘établissement vit grâce à une subvention de la ville. On y mange (bien !) et on y boit pour des sommes très raisonnables. Le plat du jour est à cinq euros.

Rénovation de l’ANRU
Sensibilisée à la situation de La Villeneuve, l’Agence Nationale de Rénovation Urbaine (ANRU), décide d’un plan de rénovation. Il est soumis à un urbaniste, Yves Lion, qui prévoit un plan diamétralement opposé au projet initial : au lieu d’une ville autonome, il prévoit d’ouvrir le quartier sur l’extérieur. « Il fallait démolir des grands ensembles pour obtenir des crédits. »
Martine Jullian insiste : « nous nous sommes battus contre ce projet. » En effet la plupart des associations s’élèvent contre les démolitions du secteur de l’Arlequin, parmi elles le collectif interassociatif et l’Union de Quartier (dont nous rencontrerons les représentants).
Aujourd’hui l’essentiel du projet initial subsiste et, à traverser à pied toute cette zone… (en toute sécurité, il faut le souligner), il nous a paru convaincant. La nouvelle municipalité, avec son maire Eric Piolle, reprend en main le dossier malgré les fortes restrictions budgétaires auxquelles elle est confrontée et qui provoquent des grincements de dents que nous avons perçus çà et là.

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