Dacian Ciolos, un expert très sage

Publié le 01/06/2010

Rencontre avec le Commissaire européen à l’Agriculture

Gwenn Belbéoch, Comité de rédaction

Comment concilier idéalisme et réalités du terrain ? C’est la question à laquelle le Commissaire Dacian Ciolos, ingénieur agronome roumain, nouveau Commissaire à l’agriculture, devra répondre au cours de son mandat (5 ans) au sein de la Commission[[1 – La Commission européenne, le gouvernement de l’Europe, est chargée de mettre en application la politique communautaire. 27 commissaires sont nommés, un par pays, qui se répartissent les 27 secteurs de ce gouvernement, dont celui de l’agriculture.]] Barroso II.
Ce mandat consiste à réformer la PAC (Politique Agricole Commune) actuelle en prenant en compte les deux objectifs du Traité de Lisbonne : la sécurité alimentaire et des revenus décents pour les agriculteurs.
Si ces deux objectifs sont essentiels, il y a également d’autres attentes, notamment en terme de biodiversité, entretien du territoire, gestion des ressources naturelles ; de même qu’en termes de qualité et de sécurité des produits. Comment faire ?


Pour l’heure, avant de se précipiter dans une réforme quelle qu’elle soit, il est primordial aux yeux du Commissaire qu’il ait une connaissance aiguisée de la manière dont il peut prendre en compte la diversité du monde agricole européen : diversité des structures et des paysages, diversité de développement, diversité des moyens de production, diversité des réalités des citoyens européens, de leurs besoins et de leurs attentes : ville, campagne ; nord, sud ; est, ouest ; consommateurs aisés, consommateurs dépensant avec parcimonie, etc. C’est en respectant toutes ces différences que la PAC pourra se réformer. En effet, marché commun agricole ne rime pas avec marché uniforme agricole. La devise européenne d’union dans la diversité prend là tout son sens selon le Commissaire. Concrètement, cela signifie qu’il faut intégrer dans une nouvelle PAC tant les producteurs exportateurs (réalité économique) vers les marchés internationaux, que ceux qui fournissent d’autres régions européennes (la Hollande qui exporte vers les supermarchés espagnols ou roumains par exemple) par le biais de groupements de producteurs ; que les agriculteurs dont l’activité se limite aux marchés locaux et ne sont de ce fait guère concernés par le niveau européen (les producteurs de lait « locaux » ne sont en effet pas concernés par la politique européenne des quotas et donc n’ont pas été touchés par la crise du lait l’an dernier).

Vers la fin des privilèges

La PAC a été très orientée vers certaines catégories de producteurs. Le Commissaire le reconnaît, sa tâche sera donc de créer une politique qui permettra un équilibre répondant aux différentes attentes de l’ensemble des agriculteurs et des consommateurs. Sera-t-il possible de créer un contrepoids face aux gros producteurs ? Le Commissaire semble le croire. L’intérêt des consommateurs pour les producteurs locaux ne cesse de croître ; et particulièrement des producteurs « bio ». Le Commissaire insiste sur l’importance des actions individuelles des consommateurs qui de ce fait peuvent influencer réellement les choses. En effet, le Commissaire ne souhaite pas imposer une nouvelle politique par le haut décrétant un équilibre entre les différentes branches de l’agriculture, mais, au contraire, souhaite que cet équilibre soit orienté par les choix individuels des consommateurs. J’étais ô combien heureuse d’entendre de tels propos ! 

Comment garantir à tous l’accès aux produits locaux ou bio ?

En augmentant la demande, m’a répondu Dacian Ciolos. En effet, les prix aux consommateurs étant pour partie liés aux coûts de production et pour partie liés à la demande, si la demande augmente, cela permettra de rassurer les producteurs quant à leur revenu, et par ricochet, de faire baisser les prix.
D’où l’importance des actes individuels qui peuvent peser dans le processus politique. CQFD.
Pour le moment, le Commissaire s’imprègne d’un dossier qu’il connaît déjà bien, établit des contacts, jauge, suggère pour mettre en place une politique européenne agricole réformée mais dont il ne semble à cette heure pas avoir les contours concrets si ce n’est de n’oublier personne en route.

Un Commissaire très sage

Séduite par une telle approche, mais un peu sceptique sur la contradiction que je ressentais entre les idées et la logique économique pour les agriculteurs exportateurs vers les marchés internationaux, le Commissaire s’est montré très « sage » (plus que moi !) en disant qu’il croyait au comportement individuel de base, à l’éveil de la conscience individuelle, et qu’il souhaitait contribuer dans la mesure de ses moyens à l’amélioration des choses, et que ce qu’il faisait, personne ne pouvait le lui retirer.
Il reste réaliste : l’économie évolue plus rapidement que les hommes.
Espérons que certaines idées qui nous sont agréables voient le jour et s’ancrent dans une politique européenne plus juste et plus équilibrée ! Rendez-vous à mi-parcours, lorsque les contours de la politique seront plus définis.

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