Résumé – Chapitre 3 – IMMIGRATIONS- « La Société qui vient » Didier Fassin

La societe qui vient - Didier Fassin - Résumés LVN

Publié le 24/01/2023

« La Société qui vient »

sous la direction de Didier FASSIN éditions du Seuil, 2022, 1319 p.

Chapitre 3. Immigrations de François Héran – p. 73-76.

Question : « Faut-il ouvrir les frontières ? »
F. Héran refuse cette question car elle oppose deux utopies qui ne tiennent pas compte de la réalité
du réel, les extrêmes sont simplistes et illusoires. Le scenario de la libre circulation semble
utopique mais celui de la migration minimale affiché au nom du réalisme ne l’est pas moins. On ne
peut pas savoir ce qui se passerait si les frontières s’ouvraient, le pire ou le meilleur ? Le chercheur
n’a pas à militer pour des solutions extrêmes dont l’issue est invérifiable, il est dans une démarche
de réalisme critique. Constatant qu’il existe bien des façons de contrôler l’immigration, il s’efforce
d’en élucider les objectifs pas toujours avoués et d’en analyser les effets (plus coûteux qu’on imagine
et souvent contraires aux objectifs visés)
Il étudie en particulier comment sont appliqués les droits fondamentaux en matière d’immigration,
en particulier les conventions internationales et européennes. Le RN et LR qui attaquent le droit au
regroupement familial répandent l’idée que ces conventions favorisent les étrangers au détriment
des Français, alors qu’elles leur assurent à eux mêmes l’ensemble des libertés fondamentales dont ils
jouissent.
Dans les années 90-2015, depuis la chute du mur de Berlin jusqu’au déclenchement de la crise des
réfugiés, les études migratoires développent l’idée que la planète est entrée dans l’ère du
transnational, où les frontières de viennent obsolètes et décrivent une migration circulaire,
mondialisée, se jouant des frontières.
Ce paradigme transnational qui s’oppose au modèle d’une incorporation progressive au pays
d’accueil a nourri le plaidoyer en faveur de l’ouverture des frontières et souligné les effets pervers du
contrôle des entrées (coût, inefficacité ).
Les démographes ont remis en cause cette vision en montrant que les 2/3 des migrants finissent par
se fixer dans le pays d’accueil. La migration de travail se transforme en immigration familiale puis
de peuplement. La migration est à la fois circulaire et de peuplement.
Mais le principal argument que FH oppose à ce paradigme d’une migration transnationale c’est qu’il
ne tient pas compte du rôle de l’Etat.
Rôle triple :
1. Rôle régalien apparu avec force entre 2014 et 2016 au moment de la crise des réfugiés. Le
nombre de demandeurs d’asile ayant obtenu une protection a varié de 1 à 700 entre 2014 et 2020
entre les pays les plus hostiles et les plus hospitaliers.
2. Rôle de garant de la prospérité économique et du bien être collectif. Rôle que l’état devrait être
capable de jouer davantage. En rationnant l’admission directe au séjour au titre du travail, il affaiblit
les capacités de l’économie nationale. La crise sanitaire de 2019 a démontré que les immigrés
occupent des emplois essentiels voire critiques pour le fonctionnement de la société.
3. Rôle de garant de l’état de droit. En tant que tel il est tenu d’appliquer les conventions
internationales qui protègent la demande d’asile et consacrent la migration familiale mais aussi
l’habeas corpus (nul ne peut être détenu sans décision de justice) à quoi veille le juge des libertés et
de la détention. L’Etat a beau multiplier les conditions restrictives, une part croissante de
l’immigration aux USA et en Europe est alimentée par la logique des droits au détriment de la
logique des marchés ; la France s’est fait rappeler à l’ordre en 2018 par le conseil d’Etat puis par la
CEDH pour non respect du regroupement familial.
– En 2006 Sarkozy a voulu inverser cette prééminence du droit sur l’économie en affichant
l’objectif de plus de 50% d’immigration « choisie ». Echec cinglant : la part de l’immigration
de travail est passée de 11,6 % à 8,3% entre 2008 et 2012.
Echec dû à trois raisons :
– cette politique d’immigration choisie englobait sous l’étiquette de « subie » toute une série
de cas d’immigration de droit impossibles à supprimer totalement
– le strict ajustement de l’immigration économique aux besoins de l’économie s’est avéré une
usine à gaz irréaliste
– la lutte contre l’immigration « subie » du regroupement familial soulève le problème du
respect de l’état de droit. L’interdiction du regroupement familial se pratique dans les pays
où il n’y a pas de démocratie (pays du Golf par ex). Le Danemark s’est engagé sur cette voie
en mettant fin à l’automaticité du regroupement familial pour les 16-18 ans mais n’a pas osé
aller plus loin. Les partis qui rêvent de mettre fin au regroupement familial ont ils
conscience de basculer dans un mouvement autoritaire ou illibéral ?
Deux exemples montrent l’importance du rôle de l’état dans les migrations :
– L’exemple du Canada
Système à points réformé 3 fois depuis 1970 pour s’ajuster de plus en plus efficacement aux besoins
locaux de l’économie et aux aspirations des candidats à la migration qui souhaitent valoriser au
mieux leur capital de compétences. Résultat : au long des années 2010, 28% de titres de séjour au
titre du travail auxquels s’ajoutent 34% accordés d’emblée à la famille accompagnante du lauréat.
– La crise de réfugiés : extrême diversité des comportements des Etats
de 2014 à 2020, l’espace Euro + (32 pays, 522 millions d’habitants) enregistre 5,6 millions de
premières demandes d’asile, soit un accroissement de population de 1,1% en 7 ans, en supposant
qu’aucun débouté n’est reparti. Ce n’est pas un tsunami ni une invasion, contrairement à ce que
pensent certains fascinés par des effets de loupe dans les passages resserrés. Les pays limitrophes de
la Syrie ont accueilli un surcroit de population 4 fois plus important.
Mais de très fortes variations selon les pays : France 1% d’accroissement, très proche de la
moyenne, nettement au dessus du RU, mais nettement moins que l’Autriche et l’Allemagne (2,4
chacune), Plus que l’Italie et l’Espagne qui, semble-t-il, ont laissé passer nombre de demandeurs
sans les enregistrer. Surcroît de population plus marqué dans les pays de la méditerranée, placés en
première ligne (Grèce, Malte, Chypre. Taux d’accroissement voisin de zéro en Europe centrale, que
l’idéologie communiste a isolés pendant 40 ans.
Le mythe d’une France trop attractive.
Contrairement à ce qui est dit, la France se révèle peu attractive.
Seuls 30% des étrangers viennent des pays européens ( 65% pour l’Autriche, 61% pour
l’Allemagne), point absent du débat public.
Entre 2014 et 2016, la France n’attire qu’une proportion de demandes d’asile très modérée, 2 fois
moins que la moyenne européenne. Ensuite les demandes trop longtemps comprimées se mettent à
progresser. En 2019, l’opposition accuse le gouvernement qui, au lieu de répliquer, abonde dans son
sens et présente comme une anomalie ce qui est, en fait, un retour à la normale. On se met à
dénoncer tous les facteurs d’attractivité : l’AME alors que la moitié des primo arrivants en ignorent
l’existence, l’aide financière accordée aux demandeurs d’asile, pourtant modique et alors qu’ils sont
exclus du marché du travail, le droit du sol sans en dire les restrictions.
On donne des nombres en valeur absolue en oubliant de les rapporter au nombre d’habitants. Sur
2015-2019 beaucoup d’écarts entre les différents les pays européens dans les décisions de
protection rendues : France dans la partie basse de la fourchette avec 23%.
Au total, en France, 2014-2020 240000 titres de séjour par an, 13% à titre humanitaire, 11%
migration économique, 37% migration familiale, 32% étudiants .
La migration illégale n’est pas l’ennemie de l’immigration légale
Un part importante des personnes en situation régulière sont passées par une période d’irrégularité.
Une enquête a montré qu’en 2018, 4 personnes sur 10 ayant obtenu un 1er titre de séjour étaient en
France depuis plus de 9 ans.
Il est absurde d’opposer 2 types d’humanité.
Apres la prise de Kaboul par les talibans, 10 000 afghans militants des droits de l’homme ont été
enregistrés pour l’évacuation. Seuls 2600 ont été évacués. Importance des recommandations et du
hasard. En quoi les non évacués, contraints d’arriver par des moyens périlleux et illégaux seraientils
une menace pour le pays ?
Conclusion
Dans la situation actuelle la gestion des frontières implique un contrôle des produits et des
personnes qui se justifie pour des raisons commerciales, sanitaires, environnementales ou
sécuritaires. Mais, en bonne démocratie, ces contrôles doivent être « proportionnés », encadrés par
le droit international et non discriminants. Le chercheur doit évaluer le degré d’adhésion à ces
principes et examiner leur mise en oeuvre. « Il ne doit pas trancher le débat public mais le nourrir en
livrant des informations lisibles et vérifiables, servies par des arguments de qualité »

Marité Charrier Atelier Solidarité Migrants

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