Résumé – Chapitre 22 – BANLIEUES – « La Société qui vient » Didier Fassin

La societe qui vient - Didier Fassin - Résumés LVN

Publié le 23/01/2023

« La Société qui vient »

sous la direction de Didier FASSIN éditions du Seuil, 2022, 1319 p.

Chapitre 22. Banlieues de Fabien Truong – p. 421-437.


Le mot banlieue a mauvaise presse, elle est source de nombreux fantasmes, elle se décline en de
nombreux synonymes zones urbaines sensibles, quartiers prioritaires, quartiers, cité, grands
ensembles, quartiers populaires, « tiers-quar », « teci », zone, ghetto.
La banlieue est subordonnée au centre ville, mais elle est le centre de l’attention des médias et aussi
au centre des mouvements animant de la société.
Au départ c’est un espace intermédiaire entre ville et campagne. Elle forme une ceinture noire
emplie de miséreux indésirables et une banlieue rouge où les idées socialistes et le communisme
municipal gagnent en autonomie relative.
Après la seconde guerre mondiale, un cinquième du parc de logement a disparu, il faut reconstruire
et produire plus. Le besoin de main d’œuvre est important. Se met en place une immigration
planifiée en provenance principalement de nos ex-colonies. En 1954, on dénombre 1,7 millions
d’étrangers et 20 ans plus tard ils sont 4 millions.
A la fin des 30 glorieuses il faut constater que la mixité sociale est un échec. Les familles aisées
quittent les grands ensembles qui se dégradent beaucoup trop rapidement. L’ascenseur social est en
panne, la mixité sociale et raciale n’est plus au rendez-vous.
Pendant la période 1980-1990 l’état met en place d’un nom euphémisé la politique de la ville.
Celle-ci est vue comme une politique de prévention et de redistribution. L’état est sous tension vis à
vis des banlieues et, en reprenant une expression de Pierre Bourdieu «  la main gauche prévient,
éduque, répare et prend soin et la main droite ordonne, punit, réprime « , il va balancer entre ces
deux tendances.
A partir des années 2000 la main droite prend le dessus avec la mise en place du traitement punitif
de la question sociale. Avec la fin de la police de proximité (2003), la police sera perçue comme
verbalisante, comme entretenant la confusion entre ordre public et ordre social.Les banlieues ont
perdu l’image d’un nouveau modèle social du «  vivre ensemble « 
Aujourd’hui les banlieues se distinguent du reste du pays par les effets de concentration d’un certain
nombre de facteurs (logement, éloignement, sécurité…). En 2016 4,8 millions de personnes vivent
dans 1300 quartiers prioritaires de la politique de la ville.
42 % ont un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté
le taux de chômage est 3 fois supérieur à la moyenne nationale
Malgré ces chiffres il faut souligner la co-existence de deux dynamiques ambivalentes qui, en
France, font système.
1. Les banlieues françaises restent fortement connectées aux centres-villes (réservoir de main
d’œuvre bon marché). Si le taux de chômage est élevée, une large part reste employée dans
des métiers faiblement qualifiés liés par exemple au « care », à la logistique, aux
transports…
2. Les banlieues sont pourvoyeuses d’emploi, de nombreux agents de l’État viennent y
travailler et la création de zones franches subventionnées par l’État a permis de déployer des
activités commerciales.

On ne peut dire alors que les banlieues sont un monde clos comme on peut le constater aux USA
lorsque l’on s’intéresse aux trajectoires de vie. Entre 2015-2016 un dixième de la population a
déménagé des quartiers prioritaires, pour être remplacé par une population plus pauvre. La
population sub-saharienne remplace la population maghrébine.
La logique de relégation et de dégradation des conditions de vie est bien réelle et elle a été
accentuée par le tournant sécuritaire des politiques publiques.
Reprise par des médias insistant sur le séparatisme et le communautarisme, il est à penser que la
relégation est volontaire, le fruit d’une préférence sociale et/ou culturelle.
Si l’on fait aujourd’hui une photographie des banlieues, on ne peut que constater le contraire, la
relégation est subie et résulte des contraintes économiques et sociales.
Si le visage négatif des banlieues est médiatiquement dominant, une contre-image positive est aussi
présente dans l’opinion même si elle est moins visible (cf enquête du Credoc).
La conception misérabiliste qui présente les banlieues comme un univers violent menaçant la
cohésion nationale s’organise autour de deux éléments :
l’hypervisibilité de la violence dans la rue
la focalisation sur un islam «  intolérant « 
Cette peur d’une violence immanente passerait des discours aux actes notamment par la figure des
djihadistes.
La jeunesse des banlieues se sait être perçue comme un problème, elle doit vivre entre des mondes
sociaux différents, dans un contexte de forte stigmatisation sociale.
Dans le domaine culturel, les films, les musiques sont des vecteurs pour dénoncer les abus de
pouvoir de la police, des conditions de vie, des trafics…Les jeunes se sont réappropriés leurs
histoires personnelles et graduellement ont construit leurs propres codes. Grâce aux avancées
technologiques l’auto-production a été un débouché accessible au particulier, ainsi les jeunes ont pu
se libérer des maisons de disques. Ce qui montre à nouveau combien le champ médiatique tend à
être déphasé avec ce qui peut s’exprimer dans le pays.
Les banlieues sont loin d’abriter «  le peuple  » ou la «  menace  » unifiés que d’aucuns ne cessent
d’invoquer, mais apparaissent plutôt comme le creuset d’une société particulièrement inégalitaire,
malgré leurs profondes interrelation avec les centres cossus.
Fabien Truong : sociologue au Centre de recherches sociologiques et politiques de Paris-Cultures et
Sociétés Urbaines (Cresppa-CSU), professeur agrégé HDR à l’Université de Paris 8, ancien membre
de l’Institute For Advanced Study à Princeton (2020/21), ancien professeur de lycée en Seine-Saint-
Denis
Thèse en 2015″ À l’école de la banlieue : la démocratisation des études supérieures et la
marginalisation urbaine à l’épreuve des trajectoires individuelles  » dirigée par Stéphane Beaud.
https://www.theses.fr/2015EHES0145
Pendant dix ans, des émeutes de 2005 aux attentats de janvier 2015, il a suivi et accompagné une
vingtaine d’anciens élèves, du bac jusqu’à la fin de leurs études. Tour à tour prof, enquêteur,
témoin, conseiller et confident, il dresse dans « Jeunesses Françaises » le portrait, tout en finesse,
d’une certaine jeunesse française, celle des banlieues populaires issues de l’immigration.


Claude Avisse – Atelier Solidarité Migrants LVN

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