Une élection présidentielle au risque de la spiritualite ?

Publié le 06/11/2007

Jean-Baptiste de Foucauld
Président de Démocratie & Spiritualité

L’esprit du colloque que nous avons organisé ensemble le 5 décembre dernier peut‑il nous aider à évaluer les conditions dans lesquelles la récente élection présidentielle s’est déroulée ?


Je pense personnellement que la capacité d’intériorité des dirigeants, leur capacité à l’exprimer de manière cohérente dans un projet, à s’y engager en vérité, leur disponibilité à écouter les demandes sans s’y soumettre, à discerner le compromis de la compromission, bref à déployer les qualités spirituelles de l’action, est un facteur important d’efficacité collective à long terme. Et inversement quand ces qualités font défaut. Malraux disait fort justement : « On ne fait pas de la politique avec de la morale, mais on n’en fait pas sans morale non plus. » A chacun de trouver son équilibre, car il n’y a, en la matière, aucune formule toute faite. Et l’efficacité collective à long terme ne coïncide pas nécessairement avec le succès personnel à court terme. Il y a en tout cas une règle constante : tout accès à une responsabilité nouvelle, quelle qu’elle soit, à quelque niveau que ce soit, implique un progrès moral et spirituel correspondant. S’il n’en est pas ainsi, des dysfonctionnements se produisent rapidement : le poids de ces responsabilités nouvelles, la saturation du temps qu’elles entraînent, l’impossibilité de faire face à toutes les attentes et souvent de tenir des promesses inconsidérées, se traduisent par des attitudes de mise à distance et de violence.

Par rapport à cette cette vision des choses, ma perception de la récente campagne – perception toute subjective, je le confesse – est la suivante : la montée en puissance de Ségolène Royal a répondu à une sorte d’attente implicite diffuse de spiritualité collective, de sens incarné, d’image rayonnante, de symbole profond. Face à l’épuisement de la politique des moyens et des instruments, quelque chose d’autre apparaissait, clair, juste, lumineux. Une image radieuse et réconfortante. En a-t-elle été consciente ou pas, celle qui imposait des minutes de silence à ses supporters lors de sa déclaration de candidature, ou qui disait, après avoir été choisie comme candidate, qu’elle allait se retirer pour méditer ? Je n’en sais rien. Ce que je constate, c’est que cette ouverture vers un ailleurs ne s’est ni confirmée, ni affirmée, ni poursuivie. Au contraire. L’animus a remplacé l’anima, le slogan a pris la place de la parole, l’improvisation s’est substituée à l’inspiration, l’icône est devenue masque. On est retombé dans la politique classique, avec sa part de ficelles et de démagogie. Une réelle force de caractère s’y est exprimée. Mais l’on a perdu ce parfum particulier qui avait présidé aux commencements. D’où le sentiment d’une aventure inachevée : des valeurs et des principes forts (l’ordre juste) se perdaient en un programme fourre-tout qui additionnait les demandes plus qu’il ne les traitait en les hiérarchisant. Alors que la société est prise en tenaille entre un excès de désirs par rapport aux moyens de les satisfaire. Et que le système politique se nuit à lui-même en flattant ces désirs plutôt qu’en les articulant de manière courageuse. Attendons, par conséquent, la suite…

Que dire, toujours dans le même registre, du candidat élu, qui provoque tant de réactions viscéralement hostiles ? Sans porter de jugement de valeur, puisque ce n’est point ici l’objet, il apparaît comme une personnalité ambivalente, en cela d’ailleurs bien représentative de la structure psychique française. D’où ses changements d’attitude fréquents. D’où la difficulté à l’évaluer de manière sereine, selon que l’on est sensible à sa dimension violente et agressive, tournée vers la réussite, et que l’on redoute son habileté teintée de populisme, ou, au contraire, que l’on apprécie sa volonté de rupture avec les immobilismes, sa capacité à parler vrai et son goût pour l’action. Quel va être l’impact sur sa personnalité et sur son comportement de la réalisation de cette ambition démesurée qu’il a poursuivie avec tant de ténacité et finalement avec succès ? L’accomplissement de son rêve va-t-il conduire à un progrès ou à une régression spirituelle ? Va-t-il provoquer de l’excitation ou de l’élévation ? Du souci de l’autre ou de la distance hautaine vis-à -vis de l’autre ? L’élu va-t-il se grandir lui-même en grandissant ce pouvoir qu’il a si manifestement envie d’exercer ? Ou bien, comme beaucoup de ses prédécesseurs, nourrir son moi de son appropriation cumulative ? Va-t-il être dans le donner-recevoir-rendre ou dans le prendre-refuser-garder ? Les jeux sont ouverts : on nous l’annonçait dimanche 6 mai faisant retraite dans une abbaye, comme s’il avait conscience de ce besoin d’intériorité renforcée ; le mardi, il naviguait luxueusement dans un yacht. Là aussi, l’avenir nous dira où était le vrai.

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