Eléments de réflexions pour un débat sur l’école

Publié le 18/09/2007

Avril 2007


1. Schématiquement, 2 modèles de sociétés nous sont proposés :
– un modèle libéral fondé sur la responsabilité individuelle et sur un maximum de liberté donné au citoyen pour qu’il puisse se réaliser. Ici est mis l’accent sur la nécessité de réduire la pression des règles (code du travail considéré comme une entrave au développement, carte scolaire considérée comme un frein au choix des familles à développer au maximum les possibilités de leurs enfants, réduction du rôle de l’Etat perçu comme instance de contrôle tatillonne et inefficace, limitation de la protection sociale qui favorise l’assistanat )… La liberté de chacun est la valeur principale de ce modèle : si on laisse la liberté à chacun il réussira sa vie
– un modèle fondé sur la responsabilité collective et sur le pré-supposé que le citoyen ne peut se réaliser indépendamment de son voisin. Ici est mis l’accent sur l’ouverture aux autres dans le respect de leurs différences, sur la nécessité
d’instances de régulation sociale, sur le rôle des collectivités territoriales comme instrument de lutte contre les inégalités (ce qui suppose des prélèvements obligatoires élevés, des services publics efficaces). La notion de
solidarité prime sur la notion de liberté.

2. Ces 2 conceptions de la société se déclinent en 2 conceptions du rôle de l’école :
– Une école dont la vocation est de donner à l’enfant les moyens d’être plus tard un acteur économique efficace : l’accent est mis sur la transmission des
savoirs, sur l’intégration professionnelle. L’accès à la culture et à la découverte de l’altérité est essentiellement de la responsabilité des parents.
– Une école dont la vocation est de donner à l’enfant les moyens d’être plus tard un citoyen responsable : l’accent est alors mis sur l’élaboration et la transmission d’une culture commune (ensemble de savoirs, de références et de
comportements). L’intégration professionnelle, bien que préoccupation tacite, n’est que la conséquence d’une réussite à l’école.

3. Jusqu’à présent, la conception de l’école correspondait au modèle sociétal « solidaire » qui était celui que l’on a connu jusqu’à la fin des années 2000, avant que la droite n’ait les pleins pouvoirs en 2002. Il est intéressant de se souvenir de quelques
projets politiques sur l’école :

Jules Ferry (1882) : pas de séparation entre éducation et instruction : c’est en instruisant que l’on éduque (par le choix des contenus et des manières d’enseigner), c’est en éduquant que l’on instruit (on n’éduque jamais sans contenu ; même les leçons de morale sont l’occasion de faire de l’orthographe, de découvrir du
vocabulaire…). L’esprit critique doit être développé pour permettre à l’élève de penser par lui-même.

Langevin- Wallon (1946) : la culture représente ce qui unit les hommes tandis que la profession représente trop souvent ce qui les sépare . Une culture générale solide doit donc servir de base à la spécialisation professionnelle. Penser l’école comme un véritable continuum qui accompagne le développement de la personne du primaire au supérieur. Privilégier les méthodes actives, alterner travail individuel et par équipe

Jospin 1989 : texte qui exprime la volonté de faire réussir les élèves à l’école. L’élève est par définition l‘enfant qui travaille à acquérir un savoir. « Placer l’élève au centre de l ‘école », c’est s’engager vers un accompagnement personnalisé par des équipes pédagogiques mobilisées dans le cadre de projet d’école et d’établissement.

4. Aujourd’hui nous sommes de plus en plus confrontés à une dérive de la société française vers une conception plus libérale (confirmée par l’élection présidentielle de
2007), d’où un décalage croissant entre les attentes de la société et la mission de l’école telle qu’elle est encore en vigueur. Compte tenu de la peur du chomage, nombreux sont ceux qui n’attendent qu’une seule chose de l’école : qu’à la sortie de l’école, leur enfant ait l’assurance d’avoir un emploi.

5. il nous faut être cohérent entre notre choix de société (avec ses conséquences) et nos attentes sur l’école (avec les moyens nécessaires à mettre en oeuvre).

Nous nous situons clairement dans une mouvance où nous voulons construire une société qui allie durablement liberté et solidarité, qui promeut des personnes responsables,où le respect de la dignité de la personne est centrale, où l’individu doit être considéré dans sa globalité et sa complexité en relation avec son environnement économique, humain.
Dans cette optique, sommes nous prêts à affirmer :

– que dans le parcours d’entrée à la vie adulte, il y a 2 phases : la première serait une période d’apprentissage de savoirs et d’éducation à la citoyenneté (vivre ensemble,
découverte et respect de l’autre, apprentissage à l’autonomie, exercice des droits et devoirs…) La deuxième serait la période d’intégration dans la vie économique basée sur une formation professionnelle adaptée aux besoins de la société (et dans ce cadre l’université ne peut pas être un lieu de culture générale mais doit être un lieu de
formation professionnelle).

– que dans la première phase, le projet fédérateur est la réussite de chacun au sens de l’acquisition de connaissances, d’une culture et d’une pratique de vie citoyenne : (volonté d’éduquer et projet d’instruire). Que dans cette optique, il n’est pas question de professionnalisation dans cette phase (sauf exception) car ce qui fonde une démocratie, c’est la séparation entre l’éducation et la formation professionnelle, car
une démocratie suppose des citoyens lucides, autonomes, critiques, capables d’appréhender la complexité de la vie et de la société (se comprendre et comprendre le
monde).

– Que dans cette première phase, tout enseignant est de fait à la fois « passeur de savoirs » et « éducateur ». Faut il encore lui donner les moyens d’assurer cette double
mission : par un recrutement intégrant le potentiel de personnalité eu égard aux enjeux éducatifs, par une meilleure formation initiale (découverte de la psychologie
de l’enfant et de l’adolescent par exemple) et continue (travail sur la gestion du stress et des situations conflictuelles par exemple), par un soutien coordonné avec du personnel spécialisé extérieur à l’institution scolaire…

– Que l’enseignant doit être un acteur éducatif parmi d’autres : les parents doivent y trouver une place et l’école doit être ouverte à son environnement ocio-éducatif
(centre sociaux, bibliothèque, association..) pour que chacun à sa manière, et en concertation, participe au développement de l’enfant. Chaque établissement scolaire
devrait avoir pour objectif de définir les voies qu’il envisage « pour que chacun réussisse ». Le rôle des parents devraient être de faciliter la mise en oeuvre de ce
projet. Un contrat liant parents et équipe pédagogique pourrait être signé engageant les uns et les autres : en cas de défaillance manifeste d’un professeur, le rôle du chef d’établissement devrait être renforcé comme veritable manager de son équipe enseignante ; en cas de défaillance des parents, il conviendrait d’envisager un assistance parentale extérieure (école des parents, médiation familiale….)

– Que la réussite de chacun signifie que les plus rapides, les plus doués doivent pouvoir s’épanouir au même titre que les moins rapides, que les moins réceptifs à telle
discipline doivent ne pas être laissés pour compte. Une pédagogie différenciée par niveaux selon les matières est possible : elle demande du temps, une organisation donc
des moyens.

– Que si ce préalable n’est pas satisfait (donner à chaque élève selon ses besoins l’enseignement qu’il attend), certains, dans une logique de réussite individuelle, certes
légitime, trouveront les voies parallèles pour fuir une école qui leur apparaitrait comme un risque pour le développement de leur enfant. Que si ce préalable n’est pas
satisfait, il y aura à l’image de l’organisation de nos villes, des écoles pour milieu favorisé et des écoles pour les plus modestes.

– Que dans cette conception de l’école citoyenne, la découverte de l’altérité est indispensable et passe par une mixité scolaire : ceci suppose de la réaliser à travers
une refonte de la carte scolaire qui ne prenne pas seulement en compte la proximité géographique « lieu de résidence-école ». A ce titre, la place de l’école privée qui déroge à ce principe de mixité scolaire, à l’accueil de tout élève quel qu’il soit, est un véritable problème car elle conduit à la mise en place d’une école à 2 vitesses et
dévalorise l’école publique qui, pourtant, devrait être le garant de la conception de l’école qu’entend promouvoir la société.

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