Fabriquer du sens pour mieux vivre ensemble

Publié le 28/02/2007

Dimanche 3 décembre, Bourse du Travail à Saint-Denis. Il est 17 heures. Les organisateurs (plusieurs organisations : un beau pari !) en sont aux conclusions. Cela fait trois jours que l’on parle, que l’on écoute, et même que l’on réfléchit… sur notre propre réflexion.
L’écoutant de base que je suis a la tête en ébullition. Tout se mêle : une pyramide, un proverbe sénégalais, trois « pointures » de la politique et un évêque, le cercle des vertus et des qualités, des phrases prises en vol, des orateurs qui nous ont subjugués… Au-dessus de la mêlée, trois entités (ou quatre) planent en silence : la spiritualité, la politique, la discussion éthique, le service civique obligatoire.
Une nuit, un tour au jardin, le calme de nos provinces profondes… Le temps de la rumination, le temps où l’on jongle facilement avec les idées des autres. Et les choses semblent se remettre en place (est-ce leur place ?). J’ai refait le parcours (un parcours) pour Citoyens et pour vous.


Yvon Puech

Comité de rédaction

Au commencement était – et est toujours – la crise profonde de la politique. Les abstentions, certains résultats cuisants, la dégradation des relations (voire le divorce) entre élus et citoyens, la frustration parfois des citoyens de ne pas pouvoir participer davantage… Cela est bien connu. Mais n’en rajoutons pas et ne hurlons pas avec les loups !
Bref, la crise. Chacun y va de sa petite idée ; il faut revigorer, refonder, « réenchanter » le politique, sauvegarder et revivifier la démocratie.
Posons la question autrement : comment donner du sens au vivre-ensemble?
A Saint-Denis on a parlé de mariage, de fertilisation réciproque entre spiritualité et politique… Hypothèse ? Utopie ?

Mystère et sens

Reprenons la question : comment donc fabriquer du sens pour pouvoir mieux vivre ensemble ? En plus modeste : comment faire fonctionner la démocratie dans une société de plus en plus diverse dans ses cultures, ses quêtes de sens et ses croyances, dans ses appartenances, dans son attachement aussi aux valeurs de laïcité ?
Le temps où une instance (la religion par exemple) pouvait « surplomber » la société et imposer ses valeurs est révolu ; et personne ne veut revenir à ce temps-là. Même si on en vit encore partiellement… De l’autre côté, l’humanisme laïque, la morale des Droits de l’homme, que nous Occidentaux voulons universels, ont perdu de leur force, n’ont pas comblé toutes les attentes. Alors, comment fonder le vivre-ensemble, lui assurer un socle commun?
Certains se tournent vers ce qu’on appelle « spirituel » ou « spiritualité ». Attention ! Ne pas confondre avec religion ! Ce mot de « spirituel » n’est pas facile à utiliser dans la société d’aujourd’hui ; les soupçons pèsent lourd… Diverses approches ont été proposées : le spirituel « c’est ce en quoi nous nous ouvrons à l’universel » (Bernard Ginisty), « c’est la gestion de notre cité intérieure, comme la politique est la gestion de la cité extérieure » (Younès Aberkane), ou « l’ensemble des traditions qui posent la question du sens, du mystère de l’être » (Patrick Viveret)… Retenons que le spirituel parle finalement du sens… Que c’est un sujet d’importance à en croire Patrick Viveret : « La captation du sens a des effets plus graves que la captation des richesses ou du pouvoir parce qu’elle touche au plus essentiel, au plus vital »… Que, sur ce sujet, tout le monde est convié et attendu : agnostiques, athées, religieux et autres. Ce qui suppose un aménagement de la façon de voir la laïcité : ces affaires de sens ne peuvent pas être refoulées dans la sphère du privé. Au contraire, elles sont appelées au débat public. « Les questions de sens sont trop lourdes à porter dans la solitude », dit Patrick Viveret. A chacun donc, individus, associations, institutions d’apporter sa pierre…

Une culture du débat

Et c’est là que nous retrouvons un autre thème du week-end de Saint-Denis : l’éthique du débat. Ce n’est pas que les espaces de débat ou les intervenants potentiels manquent, non. Mais il faut savoir de quoi, à qui et comment on cause ! La loi du nombre et des majorités, on s’en serait douté, ne suffit plus ici, pas non plus l’arrogance. Il faut des règles (les dix commandements, selon Patrick Boulte) pour permettre au débat de se contruire et de devenir productif pour tous. Les désaccords sont aussi importants que les consensus… A condition de bien savoir identifier les désaccords ! Toute une culture à acquérir…

L’exercice qui engage

Et pour progresser dans le vivre-ensemble, rien ne vaut le faire-ensemble… Nous retrouvons là « l’exercice » (qui n’en était pas vraiment un d’ailleurs) proposé à Saint-Denis : le service civique obligatoire. Toute une histoire déjà. Mais, ici, « un petit moment de démocratie ». Il devint facile de comprendre combien cette affaire où il s’agirait d’offrir aux jeunes un apprentissage de la citoyenneté, de contruction de sens du vivre-ensemble met en jeu bien des ressorts, tout autant sur le fond que sur la méthode. Pas si facile, mais plus que jamais nécessaire à suivre…
La boucle est bouclée… Et si la démocratie était aussi une valeur spirituelle? Et si par là elle échappait à l’enfermement des procédures? Et si par là elle se dégageait de la domination du tout-marché, à la marchandisation attisée par une certaine mondialisation ? Et si elle se réconciliait avec les citoyens ?
De nouveaux champs s’ouvrent pour la politique et la démocratie : s’engager sur des questions de sens à l’heure où fleurit le multiculturalisme sous toutes ses formes et où des expérimentations sont à l’ordre du jour… Nouveaux champs aussi pour les spiritualités de tous horizons…
A l’approche d’échéances importantes, la partie serait gagnée si cela donnait envie de faire de la politique, si chacun avait envie de se transformer, à sa place en « ouvrier-ingénieur », en « activateur » du vivre-ensemble. Oui, la démocratie a besoin de nous, elle nous attend. Allez donc !
Et cric et crac, le chemin s’achève ici… mais la réalité court encore.

Cette réalité nous a rattrapés l’autre jour au Comité de rédaction de Citoyens. Que faire de ces trois jours ? Qu’en dire ?
Un résumé, même partiellement exhaustif, nous a semblé impossible. Donc, il ne s’agit pas d’un résumé. Simplement, nous évoquerons des cheminements, nous recueillerons quelques miettes. Miettes pour le souvenir, miettes tombées de la table pour mettre en appétit, miettes pour les temps de disette…
Nous avons sollicité les intervenants pour qu’ils nous fassent parvenir leurs contributions, elles seront publiées sur le site Internet de La Vie Nouvelle pour nourrir utilement le débat.

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