L’initiative citoyenne européenne : la simplifier pour la renforcer

Publié le 20/10/2016

Nicole Vaucheret, atelier fédéral politique


Alors que l’élection des députés européens se fait par pays sur des listes nationales (et non des listes partisanes transnationales), un instrument introduit dans le Traité de Lisbonne peut, depuis 2012, donner le sentiment d’être un citoyen européen : c’est « l’initiative citoyenne européenne » (ICE). En recueillant le soutien d’un million de signatures à travers l’Europe, un comité de citoyens issus d’au minimum sept pays différents peut demander à la Commission européenne de proposer de nouveaux actes législatifs, ou de modifier la législation européenne existante : un droit qui équivaut donc à celui du Parlement et du Conseil.

Rassembler un million de signatures auprès de 500 millions de citoyens européens de 28 États membres, parlant des langues différentes, n’est pas une tâche aisée – d’autant que les délais à respecter et les procédures à suivre ne sont pas uniformes d’un pays à l’autre (par exemple en Autriche le droit de vote est accordé à partir de 16 ans).
Sur les 56 ICE présentées à ce jour à la Commission européenne, 36 ont été enregistrées et seulement trois ont réussi à recueillir plus d’un million de signatures[[1 – Il s’agit de « Stop Vivisection », « One of Us » et « Right2Water »]]. Plus de six six millions d’Européens ont signé une ICE.
La première, l’ICE « Right2Water », appelait la Commission européenne à proposer une législation pour garantir l’accès universel à un approvisionnement adéquat en eau potable et à des services d’assainissement dans l’ensemble de l’UE. Une conséquence tangible dans les propositions du Commissaire Barnier a été l’exclusion de l’approvisionnement en eau de la directive sur les concessions. Sur ces bases, la Cour de justice grecque a déclarée « illégal » le projet de privatisation en cours, et le gouvernement grec l’a retiré en août 2014.
Mais la Commission peut juger non-éligibles des ICE ayant recueilli les signatures exigées, à défaut de base juridique dans le Traité. Ce fut le cas par exemple lors du refus d’enregistrer l’ICE contre le Traité Transatlantique « stop-TTIP » ou par exemple parce que le sujet d’une ICE relève des États nationaux[[2 – Dans sa réponse à l’ICE « Stop Vivisection », la Commission a renvoyé à une directive de l’UE sur la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques (directive 2010/63/UE), « lorsque cette directive aura été appliquée pendant une période suffisamment longue pour que l’on puisse évaluer son efficacité, la Commission procédera à son réexamen. »
« One of Us » appelle à une interdiction par l’UE et à mettre fin au financement des activités qui conduisent à la destruction d’embryons humains dans les domaines de la recherche. Elle a été rejetée par la Commission européenne : le sujet délicat de la reconnaissance de l’identité humaine de « l’enfant à naître » touche la législation sur le droit à l’avortement, lequel dépend des législations nationales. Les organisateurs ont porté l’affaire devant la Cour de justice.]].

A quand un nouveau règlement ?
Devant les difficultés rencontrées, l’attente était grande parmi les associations de travailler à la révision prévue du cadre législatif de l’ICE avec les institutions qui avaient fourni leur rapport : Parlement, Comité économique et social, Comité des Régions, médiateur. Toutes les conclusions de ces institutions vont d’ailleurs dans le sens d’une simplification pour répondre aux principales critiques :
. l’application excessivement rigide des critères d’éligibilité de l’ICE,
. un calendrier trop serré pour récolter le nombre de signatures requis,
. l’absence de statut juridique des comités de citoyens,
. la quantité excessive d’informations nécessaires pour soutenir une ICE,
. les exigences variables d’un État membre à un autre en matière de données.

Il est demandé aussi que la Commission explique ses décisions de rejet d’une ICE, de façon cohérente et compréhensible et de fournir des informations relatives au financement.

La Journée de l’Initiative Citoyenne Européenne s’est tenue au Conseil économique et social européen, à Bruxelles, le 20 avril 2016 alors que la Commission venait d’annoncer que le règlement ICE ne serait pas révisé cette année. Ont été dénoncés largement le manque de vision, l’incompréhension de la façon dont les clivages s’opèrent entre pro et anti-Européens, l’encouragement à l’euroscepticisme, l’illusion de créer une « démocratie sans démos »… Une proposition aussi : celle de mettre en place une entité autonome, la Commission ne pouvant pas être juge et partie. L’impact des refus de la Commission a été analysé, comme ont été développés les moyens d’assistance à la disposition des organisateurs d’ICE. De façon transversale, se joue l’avenir de la démocratie participative dans l’UE face aux déceptions et aux frustrations.

En conclusion, il a été souhaité qu’au cours de l’année 2017, qui verra l’anniversaire du 60ème anniversaire du Traité de Rome, soit adressé un fort signal de confiance aux citoyens avec l’adoption d’un nouveau règlement pour les ICE. https://www.democracy-international.org/fr/ice-dernier-appel.

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