CR : En quoi consistaient ces conférences populaires ?
E.L : Ce sont des conférences mais sans expert, où tout le monde est invité et placé sur un pied d’égalité car ce sont les participants qui, ensemble, sont les conférenciers ou les experts pour leur ville. On se met en situation de produire collectivement de la connaissance à partir des attentes et des savoirs de chacun.
Ces conférences rassemblaient donc à la fois des habitants et des élus qui étaient répartis en petits groupes de quatre ou cinq personnes pour créer des espaces où chacun puisse s’exprimer. Elles étaient animées par Myriam, une comédienne-intervenante du Théâtre-forum Paroles Arc-en-Ciel. Myriam présentait le fonctionnement de la soirée, en reprenant la question posée dans chaque conférence, par exemple "Pourquoi m’impliquer dans la vie de mon quartier si personne ne m’écoute ?".
Chacun réfléchissait à la question, la reformulait avec son groupe, puis répondait à la formulation faite par la table voisine. Un membre de chaque groupe remontait ensuite à l’ensemble des participants ce qui s’était dit à sa table.
CR : Est-ce que les habitants se sont beaucoup déplacés ?
E.L. : Les conférences étaient ouvertes à tous. Certains sont donc venus aux trois, d’autres sont venus une seule fois ou se sont greffés ensuite. On a essayé de créer un espace de parole convivial, comme une terrasse de café où les personnes boivent en refaisant le monde. Myriam et moi nous déplacions d’une table à l’autre pour offrir à boire et à manger. Et ce qui a été vraiment bien, c’est la mixité qu’on a pu observer parmi les participants, de tous les âges et d’horizon très différents. On se plaint que les jeunes ne viennent pas, mais ils viennent s’ils se sentent écoutés et reconnus. Chaque conférence a pu regrouper entre une trentaine et une soixantaine de personnes.
CR : Et comment les participants ont-ils vécu ces conférences ? Qu’ont-ils exprimé collectivement ?
E.L. : La première chose, c’est qu’ils étaient très contents d’avoir un moment où ils peuvent échanger avec d’autres, parce que ces espaces de débat manquent au quotidien. C’est d’ailleurs un des éléments qui est ressorti : organiser des espaces d’expression sur des thèmes de société et d’actualité.
CR : Justement, que devient ensuite cette expression collective ?
E.L : Myriam a souligné dès le début l’importance d’une prise en compte par les élus de ce qui a été exprimé lors de ces conférences. Qu’est-ce qu’on fera de cette connaissance collective ? Nous avons donc retourné à tous les participants un écrit retraçant ce qui avait été exprimé et proposé par le groupe. Il y avait des idées qui se recoupaient, comme par exemple le besoin de développer l’échange entre habitants et municipalité, et de trouver un moyen pour les personnes actives d’intervenir en dehors des conseils de quartier où elles n’ont pas le temps de venir. Et la proposition a émergé de créer un portail numérique où chacun peut envoyer ses idées et proposer des projets. Il y a un travail actuellement pour expérimenter ce portail. Les participants ont aussi manifesté leur volonté de s’investir sur des thèmes concrets plutôt que dans leurs conseils de quartier. Des groupes-projets ont donc été mis en place sur des actions précises, par exemple pour organiser une journée piétonne dans la ville avec des vide-garages, des animations de découverte de la ville par les habitants et une guinguette sur les bords de l’Oise.
CR : Au total, quel regard portes-tu sur ces conférences ?
E.L. : Elles ont été vraiment utiles pour créer des liens, impulser des projets avec les habitants et associer les volontaires à leur mise en œuvre. Elles sont un des outils pour arriver à cela, avec la nécessité ensuite que toute l’équipe municipale et les services y participent. Et je dois être vigilante dans l’équilibre entre l’expression citoyenne et la décision municipale. Car ce que les habitants proposent doit toujours être validé par le conseil municipal et ces propositions ne doivent pas être une simple vitrine pour la municipalité.