Une politique alliant Europe, social et écologie

Publié le 07/04/2011

Par Anne Ginestet, Groupe de Rodez

La ville de Strasbourg est construite dos au Rhin. Ainsi l’a voulu l’histoire de cette grande ville de 270 000 habitants, la communauté urbaine en comptant 500 000. Grande ville aussi par ses possibilités : une superficie de 30 600 ha dont 2 200 de plans d’eau, 4 800 hectares de forêts et 10 300 hectares agricoles. Grande ville européenne aussi qui accueille le Parlement de la Communauté européenne.
Aujourd’hui, Strasbourg change. La volonté est de mettre en œuvre une agglomération à 360°, en construisant avec la ville de Kehl, 30 000 habitants (Allemagne), une agglomération de part et d’autre du Rhin.
Dans le même temps, Strasbourg affiche une politique urbaine originale, avec des visées sociales et écologiques. Sans doute, des exemples à suivre…
Rencontre avec M. Alain Jund, vice-président de la Communauté urbaine de Strasbourg (C.U.S.) pour la politique de la ville en matière d’urbanisation, maire adjoint de Strasbourg, élu Vert, et avec Mme Stéphanie Strasser, chef de service des projets urbains, pour la démarche des éco- quartiers et des immeubles en autopromotion.


Strasbourg un samedi et un dimanche, premiers froids et pluies… Un vrai bonheur : peu de voiture, pas de bruits, un air respirable. Cela change des villes du Sud !

Il faut dire que l’urbanisme est une priorité des élus. Premier objectif : le droit au logement pour chacun. Pour cela, il s’agit de construire 3 000 logements par an, dont 1 500 aidés, et ce sur tous les quartiers de l’agglomération. La C.U.S. veille à ce que le logement social ne soit pas regroupé le long de la route du Rhin et les meilleurs logements réservés au centre ville. Il faut donc rechercher des espaces d’urbanisation proches du centre ville… Elle souhaite réduire l’étalement urbain en « densifiant » les logements et en construisant dans la ville. Entre ville et Rhin, il existe une zone portuaire qui donne un potentiel foncier de 400 ha et un projet de construction de 600 logements, desservis par le tramway et des pistes cyclables.

Trois mille logements par an

De 2010 à 2030, 24 projets sur 23 communes sont envisagés, avec 1 800 logements situés à moins de 500 m d’un transport en commun.
Un projet est en cours de réalisation sur 7 ha : 650 logements avec habitat, commerces, équipements. 50% de logement social, dont 40% en locatif et 10% en accession à la propriété.

Du volume, de la qualité aussi, et de l’économie : « il faut faire baisser la part de la consommation d’énergie dans le budget familial », dit Alain Jund.

Depuis environ deux ans, l’urbanisation répond aux normes de la réglementation « économie d’énergie » qui est imposée aux bailleurs sociaux, promoteurs privés et bâtiments publics, avec une aide publique pour performances énergétiques. Exemple : le quartier du Danube, avec 50% des bâtiments « basse consommation d’énergie » (50 kWh/m²), des bâtiments dits « passifs » (15 kWh/m²) ; les subventions vont de 30 à 45 €/m².

Les éco-quartiers

La ville impose 30 à 50 % de logements sociaux en haute qualité, mais ils sont bien trop souvent réservés aux plus aisés. La ville souhaite réaliser un urbanisme économe en ressources, plus respectueux de l’environnement, qui favorise les solidarités et l’accès à un logement de qualité pour tous, à chaque étape de la vie.

D’où le projet de huit projets « éco-quartiers » qui sont en phase de réalisation sur l’agglomération. Le souci est de faire participer tous les acteurs de la ville et les habitants, de manière à faire cohabiter habitat, services, commerces, sans avoir recours à la voiture. Le prix du m² cédé par la communauté urbaine, qui va de 400 à 500 € le m², est ramené à 150 € le m² pour les bailleurs sociaux.

Projets coopératifs

Avec l’habitat participatif en autopromotion, les citoyens peuvent participer à la mise en œuvre d’un habitat respectueux de l’environnement sous forme coopérative.

Sur des terrains appartenant à la ville et proche du centre ville, 10 appels à projets ont été lancés, avec des constructions répondant aux normes de qualités environnementales et différents espaces collectifs selon les projets (buanderie, crèche parentale, salle commune, terrasse collective, gîte et jardin collectifs, toiture végétale et potagère)…
Devant le succès rencontré une nouvelle vague de constructions va être lancée. Pour nous, une interrogation reste : le projet a mis dix ans pour aboutir et il y a eu des abandons en cours de route, même si d’autres personnes sont venues. Le résultat en vaut la peine, mais il faut du temps !

La voiture : à la baisse

Autre question : comment faire cohabiter dans un quartier de la ville, l’habitat, les services sans avoir recours à la voiture ? La ville de Strasbourg y travaille depuis plusieurs années en développant une répartition équilibrée de l’habitat, des services et des commerces à travers un réseau dense de transports collectifs.

La place de la voiture a été drastiquement revue à la baisse. Les chiffres des transports collectifs sont impressionnants : 5 lignes de train pour la couronne ; 53 km de ligne de tramway et 70 stations ; 320 km de circuit de bus ; 474 km de pistes cyclables. Les vélos représentent 8 à 20% des déplacements selon les zones.

Dans les éco-quartiers en projet, le cahier des charges prévoit une norme de 0,5 voiture par logement, le stationnement automobile se faisant à la périphérie des quartiers, dans des parkings  » silos  » ou souterrains, avec le souci d’économiser le foncier.

Pour répondre au besoin de déplacements motorisés, du covoiturage ou auto-partage est mis en place à travers une scop aidée par la Ville : une voiture pour 20 ménages.
Toutefois la voiture reste un sujet de tension, de débat, et d’inquiétude.

Les poumons

Encore un sujet de réflexion : dans un tissu urbain dense, même sans voitures, il faut respirer. Les poumons, ce sont les forêts, les nombreux parcs et espaces verts, le tout à proximité…
Des mesures ont été prises.
Les limites entre zones urbanisées et terrains agricoles sont bien définies, dans le but de contenir l’étalement urbain. Les étangs et zones humides permettent de collecter les eaux de pluie et servent d’espaces de loisirs pour les habitants. Dans ces zones humides, l’eau peut monter sans créer de problème. Depuis son arrivée au pouvoir, la municipalité a banni tout pesticide pour protéger la nappe phréatique très proche de la surface du sol. Elle a mis en place des conventions pour promouvoir une agriculture répondant aux besoins de la Ville.

La Petite France

Se promener dans Strasbourg, c’est se promener dans le temps. La ville a été détruite à 70% à la guerre de 1870, elle est passée sous domination allemande, elle a été reconstruite par les forces d’occupation. Des quartiers témoignent, qui ne manquent pas d’allure. L’ancienne ville, la « Petite France « , a beaucoup de charme, avec ses colombages et ses canaux.

Aujourd’hui, l’ambition des élus est de « créer des lieux de vie attractifs et agréables pour les habitants actuels », tout en préparant et en préservant la ville « pour les générations futures ».

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