Le temps des cerises et des mails

Publié le 16/02/2010

Par Jean-Claude Boutemy, Comité de rédaction

Dans les bouquets d’innovations que la technologie nous offre à profusion, il en est une qui a vraiment changé ma façon de vivre au quotidien, d’organiser mon temps de la journée, et que j’apprécie particulièrement : le courrier électronique, le mail, mêle, courriel, comme on voudra.
En quelques mots, le pourquoi du comment.


Notre première rencontre fut assez banale, au travail, dans un contexte d’entreprise. La ruche humaine a besoin pour fonctionner que des quantités d’informations circulent, rapidement et de façon fiable, en laissant des traces. C’est bien connu, les paroles s’envolent, mais les écrits restent. C’est vrai entre collègues, entre équipes sur un même projet, entre partenaires industriels ou commerciaux, parfois à l’autre bout du monde.

L’outil de communication est performant, d’un simple clic on arrose des groupes entiers de personnes. Sa facilité extrême fait, bien sûr, qu’on en abuse, et les effets pervers ne tardent pas à se manifester sous forme de longues listes de courriels, pas tous utiles, qu’il faut trier laborieusement. Mais avec le temps et un peu de sagesse, on finit par apprivoiser l’outil, apprendre à s’en servir. Et de fait, le mail a en quelques années, dans l’immense majorité des cas, supplanté ses prédécesseurs, fax, télex, courrier papier et dans une certaine mesure le téléphone.

Le temps, notre ressource personnelle la plus précieuse

La différence essentielle entre le mail et le téléphone, réside selon moi, dans son caractère légèrement différé temporellement, et dans la maîtrise du temps qu’il permet, au prix il est vrai du plaisir du contact direct et de l’interactivité immédiate. Or le temps n’est-il pas notre ressource personnelle la plus précieuse ? Les Africains ont raison de se moquer de nous, en disant que nous avons toujours une montre mais jamais le temps. Qui ne revendique ou n’aspire à maîtriser son temps ? Et quelle sensation de liberté lorsqu’on y arrive, parfois ! Quel sentiment de respect, de sérénité, lorsque les autres ne viennent pas interférer n’importe quand dans votre tâche ou votre concentration !
Hormis les situations d’urgence, inévitables bien sûr, quels sont nos vrais besoins d’immédiateté ? La journée déjà fortement cadencée de tâches, d’obligations ou de rendez-vous, a-t-elle besoin d’être hachée et constamment interrompue de coups de téléphone ? La majorité de nos décisions, ou de nos informations, ne peuvent-elles attendre quelques heures ? Regarder sa boîte email une ou deux fois par jour, au moment que l’on choisit, soi, n’est-il pas un compromis acceptable, la plupart du temps ? N’est-ce pas le prix de notre autonomie et de notre tranquillité ?

Ce qui vaut pour le boulot est aussi vrai dans la vie associative et militante. Quelle créativité nouvelle que ces idées qui s’échangent collectivement, sans contrainte de se rencontrer physiquement, d’organiser une réunion, de trouver une date commune dans des agendas surchargés ! A contrario, j’ai le souvenir amer de combien de repas en famille interrompus et gâchés par le téléphone, au prétexte que c’est le seul moment où l’on est joignable. Avec le mail c’est fini, je le consulte quand je le décide. Quelle liberté, quand on y pense ! Donner de son temps pour les autres, oui c’est bien, c’est même un beau cadeau, et un réel investissement relationnel, mais pas n’importe comment, n’importe quand !

C’est ce que le mail m’a apporté personnellement, et j’en suis heureux. Il m’autorise une vie sociale active et engagée, compatible avec mon penchant personnel pour l’autonomie, la contemplation, et la solitude. A l’image des saisons (ce n’est pas toute l’année le temps des cerises) ne nous faut-il pas préserver un temps choisi et maîtrisé pour tout, une place à l’intimité et un vide pour la méditation. Carpe diem, disaient les Anciens : nous prendrons bien le temps de mourir un jour, sachons prendre le temps de vivre.

Ma seule angoisse dans tout cela serait la panne d’ordinateur : Inch Allah ! 

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