Recomposer une famille un nouveau mode de bonheur ?

Publié le 16/02/2010

Par Marie Geny, Comité de rédaction

Chacun a sa propre vision de ce qui compose le bonheur. Mais il y en a une qui remporte l’unanimité : la formation d’une famille1.
Le concept de la famille est longtemps resté le même en apparence. De nos jours, nous sommes témoins de la multiplication des manières de former des familles. En voici justement un : la famille recomposée.
Depuis quelques années, ce mode de vie est mis à jour, il est traité par les médias comme un sujet « tendance » et devient même la cible de campagnes publicitaires. Est-ce la suite logique du concept de famille mono-parentale ?


Qu’est-ce qu’une famille recomposée ? D’après le Larousse il s’agit d’une famille conjugale où les enfants de chaque conjoint sont issus d’une union antérieure. Cela veut dire qu’avant d’être recomposée la famille a bien dû être composée, mais ailleurs, avec d’autres protagonistes.
Alors nous pourrions dire que finalement un famille recomposée c’est beau, c’est la reformation d’une cellule de bonheur après certains échecs. Oui mais…

Tout avait si bien commencé

Odile et Nicolas s’aimaient beaucoup, ils ont eu un enfant : Gaël. Un jour, c’est la rupture. C’est douloureux, Gaël est tout petit, ses parents font de leur mieux pour trouver un moyen d’élever tour à tour l’enfant en tenant compte des contraintes et de la distance entre les deux nouvelles maisons.

Odile travaille à 60 km de son domicile, elle a profité de la séparation pour se rapprocher de son bureau mais s’éloigne de Nicolas… Finalement, Gaël verra son papa un week-end sur deux ainsi que les mercredis, et pendant les vacances.

Quelque temps plus tard, Odile s’installe avec Jean-Charles, il vient de se séparer de sa femme, ils ont deux enfants : Benjamin et Robin, ils passent une semaine alternativement chez l’un et l’autre des deux parents, c’est ce qu’on appelle la « garde partagée ».

Frères une semaine sur deux

Parce qu’ils s’aiment et ont le désir de construire quelque chose ensemble, aussi parce que c’est plus économique, Odile, Jean-Charles et leurs enfants emménagent tous dans l’appartement de Jean-Charles. Quatre pièces à réorganiser pour faire cohabiter trois garçons : Benjamin : 9 ans, Robin : 7 ans et Gaël : 4 ans… Même si les enfants ne sont pas tous là à plein-temps, ils ont besoin d’un espace bien à eux.

C’est finalement une nouvelle fratrie qui voit le jour à « mi-temps ». La place de chaque enfant est modifiée, et selon leur âge, ils ne le percevront pas de la même manière.

Les deux plus grands ont maintenant un petit compagnon souvent turbulent, celui-ci étant très content de se retrouver avec deux partenaires de jeux pleins d’expérience.

Si le statut de Benjamin, l’aîné, ne change pas, la place privilégiée de petit dernier pour Robin est en revanche perdue au profit de Gaël. Mais Robin se sentait bien dans son rôle de cadet de la famille. Finalement avait-il vraiment envie d’un petit frère une semaine sur deux ?

Organiser et négocier

Lorsque des familles « classiques » ont du mal à avoir un rythme tenable avec le travail, les transports, les loisirs des uns et des autres, les tâches ménagères… une famille recomposée a les mêmes soucis, mais avec un niveau d’exigence encore plus élevé. Pour trouver une activité extra-scolaire pour Benjamin et Robin il a fallu trouver la salle accessible simplement par leur mère ou par leur père à des horaires pratiques pour tous.

Et maintenant envisageons que Nicolas, l’ex. d’Odile, ait lui aussi recomposé une famille de son côté. C’est ce qui est en train de se passer, et cela veut dire qu’il faut désormais accorder les plannings d’organisation de quatre adultes pour un seul enfant.

Alors comment trouver des dates de vacances, en fonctions de quatre parents qui travaillent dans quatre entreprises différentes, sans s’y prendre une bonne année à l’avance ?

C’est aux adultes qui se sont choisis de faire la part des choses, de s’adapter à l’autre et de passer ses soirées à négocier avec les uns et les autres (les ex. et leurs nouveaux conjoint(e)s) pour que tous s’y retrouvent). Et surtout de s’aimer fort pour être prêts à tous les compromis.

Remettre ou pas ses valeurs en cause

L’enjeu est de taille, car au sein de la famille recomposée, un parent n’a de vraie légitimité en termes d’éducation que sur ses propres enfants. A l’opposé, les enfants jouent ensemble et tendent à exiger le même traitement des deux parents. Alors que faire quand les membres de la famille recomposée n’ont pas les mêmes valeurs ou les mêmes objectifs au départ ? Que faire quand l’un se bat juste pour faire manger ses enfants, même si ce n’est qu’avec des frites, alors que l’autre essaye de préserver la diversité alimentaire de son enfant et les bonnes manières à table ? Une solution : cuisiner au moins deux repas tous les soirs et accepter de les voir tous parler la bouche pleine…

Il arrivera un moment où se posera la question de savoir lequel des deux parents a le mieux éduqué son enfant. Doivent-il accorder leurs manières de faire ? Comment couper la poire en deux lorsqu’il s’agit de remettre en question certains concepts que chacun a de l’éducation ?

Comment faire ? Doit-on adopter un système à deux vitesse au risque de provoquer le conflit du « pourquoi lui et pas moi » etc. ?

Pour un peu plus de complexité, à cela se rajoute les ex. de la précédente union. Si l’un des parents change sa manière de faire (celle d’avant son nouveau ménage), l’autre parent de l’autre foyer doit-il faire de même ? Et si lui-même a recomposé sa famille avec encore de nouvelles règles ?

Odile et Jean-Charles sont conscients que la constance et l’équilibre dans l’éducation qu’ils recherchaient séparément pour leurs propres enfants seront sans doute constamment remis en cause.

La famille élargie

C’est l’été, toute la famille part en vacances avec les grands-parents de Gaël. Ceux-ci sont issus d’une autre génération, avec des valeurs qui sont les leurs et qui ont fait leurs preuves.

Comment comprennent-ils que leur petit Gaël, avant, faisait comme ça mais maintenant avec les autres enfants, il réagit comme ci ? Et comment leur fille a pu tomber amoureuse d’un homme qui élève si mal ses enfants ? Que vont penser les autres ? Que va devenir Gaël dans un environnement si « hostile » ? Surtout : ils imaginent très bien comment il aurait grandi tout seul ou avec son propre petit frère ou sœur, sans parents divorcés, mais dans cet univers inconnu, comment va-t-il évoluer ?

La place des grands-parents dans la famille recomposée entraîne d’autres questions. Comment doivent-ils parler aux demi-petits-enfants ? Doivent-ils leur montrer la même attention et la même affection qu’à leurs « vrais » petits-enfants ? Comment les appeler d’ailleurs : les demi-petits-enfants ?

Et les sentiments ?

Dans ce nouveau foyer, tout finira probablement bien pour tous. Le plus important dans tout ça, ce qui les unit, c’est l’amour.
Odile s’est attachée à Benjamin et Robin, Jean-Charles à Gaël. Les enfants s’aiment aussi, ils sont contents de se retrouver, de partager des choses ensemble.

On ne peut que leur souhaiter beaucoup l’énergie, de la patience, du courage pour que l’équilibre continue de se faire. Finalement c’est quasiment comme dans toute les familles, recomposées ou non.
Conserver ce noyau d’affection et d’amour sera peut-être plus difficile pour eux que dans une famille unie par les « liens du sang ».

Mais ce lien-ci ne garantit pas non plus le bonheur, nous le saurions, depuis le temps !

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